Super Granfondo Galibier Izoard, la renaissance d’une très belle épreuve…

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Dans mon article publié le 15 août 2018 et qui a pour titre « La Ridley Granfondo Vosges 2018, la naissance d’une belle épreuve… », je faisais part de la satisfaction pour un cyclosportif de participer à la naissance d’une nouvelle et belle épreuve montagnarde. Mais début novembre 2017, lorsque je me suis connecté sur le site du Grand Trophée de Sport Communication, je n’imaginais pas que je puisse dans une même saison participer à la naissance d’une seconde très belle épreuve de montagne : la « Super Gran fondo Galibier – Izoard ». Je devrais plutôt parler de la renaissance d’une très belle épreuve montagnarde, car la « Super Gran fondo Galibier Izoard » reprend le parcours d’une très ancienne cyclosportive connue en son temps sous le nom de « La Louison Bobet ». Le nom de Louison Bobet restera à tout jamais attaché aux pentes de l’Izoard qu’il dominera lors des tours de France 1950, 1953, 1954. Une stèle commémorative, apposée sur l’une des cargneules de la Casse Déserte, rappelle d’ailleur sa victoire de 1953. Cette stèle y côtoie celle en l’honneur de Fausto Coppi qui a également régné en maître sur les mêmes pentes exigeantes et physiques.

Stèle Louison Bobet

Passionné de longue distance et de montagne, la dénomination « Super Gran fondo Galibier Izoard » ne pouvait qu’aiguiser ma curiosité. Je pense que c’était aussi l’objectif de l’organisation que de créer ou plutôt de faire revivre une épreuve de pur « Gran fondo » pour rassembler le plus grand nombre de cyclosportifs adeptes de longues chevauchées montagnardes. Revenir aux sources du cyclosport m’enchante toujours, car il draine de véritables valeurs humaines. Se battre contre soi-même, repousser sa zone de confort et ses doutes, se découvrir en allant toujours plus haut et plus loin dans des courses physiques et exigeantes, est pour moi humainement et sportivement beaucoup plus valorisant. Et ce type d’épreuves est bien plus proche des valeurs prônées par Pierre de Coubertin. Chercher à prendre une seconde ou un centième de seconde à un concurrent sur une course de village m’importe peu. Par contre, batailler contre soi-même et aller au bout de l’effort et des difficultés, ne rien lâcher face à la pente ou à la distance et terminer chaque épreuve sont les vrais valeurs du sport et du cyclosport tel qu’il a été créé en 1970 en Italie. Il n’y a qu’à voir la solidarité et les sourires sur les visages de l’ensemble des finishers de ces grandes épreuves pour comprendre que je ne suis pas le seul pour qui la satisfaction réside seulement dans la capacité à finir de rudes épreuves dans le meilleur temps possible et parfois dans les barrières de temps imposées par l’organisation, en cherchant toujours à améliorer ses propres chrono. Sur chaque épreuve Gran fondo, il y a bien toujours un vainqueur qui se bat contre les autres prétendants à la victoire. Ce sont d’ailleurs presque toujours les mêmes qui trustent les premières placent de ces grandes épreuves, mais pour la majorité des concurrents le combat est contre soi-même et contre la pente. Aussi, la beauté d’une véritable épreuve Gran fondo réside dans son parcours. Il doit être long, exigeant et si possible dans un cadre de haute montagne. C’est le cas de ce « Super Gran fondo Galibier Izoard ». 

Pour beaucoup de cyclistes, gravir le Galibier ou l’Izoard est toujours un beau challenge et l’assurance d’une montée tout autant mythique que physique. Les gravir chacun une fois dans sa vie peut même prendre l’apparence d’une quête du Graal. Alors gravir sur une seule épreuve le Galibier par Valloire, puis l’Izoard par son versant sud, considéré comme le plus mythique, poursuivre par le Lautaret pour finir par une seconde ascension du Galibier, est forcément un très beau challenge dans des lieux chargés d’histoire pour le cyclisme. Je ne pouvais pas rester insensible à cette invitation. Je devais être de ceux qui s’élanceraient sur la première édition de cette superbe épreuve…

Ma participation aux Trois Ballons m’a permis de tester un nouveau protocole alimentaire compétitif sensé résoudre mes soucis digestifs, ainsi que mes gros coups de fatigue en course. Avec notamment l’abandon des barres énergétiques sucrées SIS au profit des gels SIS et des barres salés Power bar. Cependant, mon activité professionnelle les jours précédents la course m’a laissé peu de temps pour effectuer une bonne recharge en glycogène. Pire, le vendredi 22 juin 2018, lorsque nous prenons la route en direction de Valloire, j’ai très peu dormi la nuit précédente ! Un violent incendie survenu la veille au soir dans le Nord-ouest seine-et-marnais m’a imposé d’activer la salle de crise. Rentré à trois heures du matin et levé à sept heures, ma nuit s’est donc réduite à moins de quatre heures de sommeil et le repas de la veille au soir s’est constitué de quelques gâteaux secs et d’eau minérale. C’est un peu juste à J-1 d’une épreuve aussi exigeante que le Super Gran fondo Galibier Izoard. Mais je dois y être et pas question de renoncer à courir, le challenge n’en sera que plus beau…

A quelques minutes du départ ce samedi 23 juin, nous ne sommes que quelques centaines dans le sas de départ du Granfondo pour cette première édition. Ce n’est pas grave, les véritables passionnés des Gran Fondo sont là, près à en découdre avec la pente et le parcours exigeant… Le soleil se lève tout juste et si Valloire se trouve encore dans l’ombre des cimes environnantes, au loin le ciel s’illumine et les premiers rayons de soleil éclairent les flancs de montagnes. Le ciel dégagé annonce une belle journée ensoleillée et certainement très chaude. Mais pour l’heure, la température est encore fraîche et nous sommes beaucoup à conserver nos coupe-vent et manchette pour ne pas trop nous refroidir. Les prétendants à la victoire sont déjà aux avants postes sur la ligne de départ prêts à en découdre dès la première ascension du Galibier. 

Comme anticipé, l’allure de départ est raisonnable et les premiers kilomètres servent d’échauffement au plus grand nombre qui comme moi n’ont pas pu réaliser un véritable échauffement. Dès les premiers hectomètres, la pente monte jusqu’à près de neuf pour cent. Je me sens relativement bien même si les muscles encore froids on tendance à brûler un peu. Il n’y a pas de véritable attaque au sein du peloton. Nous montons les premiers kilomètres tranquillement. Beaucoup papotent, en italien par ci, en anglais par là… Beaucoup de hollandais et de belges, un peu de français. Beaucoup de nationalités sont représentées. Par moment de grands éclats de rires égayent le peloton. Pour ma part, mon esprit est plutôt à la contemplation et je profite des paysages tout en gérant ma progression et les efforts produits. Nous profitons du replat à la sortie du hameau des Verneys pour récupérer un peu des premiers efforts. Je remets un peu de braquet pour essayer de reprendre un peu de temps sur le chrono. Dès le hameau de Bonnenuit la pente repart de plus belle avec une pente à sept pour cent environ. Le Verney et la Rivine ne sont plus qu’un lointain souvenir. Nous progressons maintenant en direction de Plan Lachat. La route assez rectiligne longe la Valoirette. Comme à mon habitude j’ai découpé les différentes montées du jour. Les portions fictives sur le Galibier sont au nombre de deux, la première qui part de Valloire jusqu’à Plan Lachat, et la seconde de Plan Lachat jusqu’au sommet. Ce découpage basé sur les difficultés permet de gérer les efforts. Le plan Lachat offre surtout un bon replat. Sa pente aux environs de quatre et demi pour cent est propice à la récupération sur un peu plus de cinq hectomètres. Et il précède surtout les huit derniers kilomètres qui me semblent les plus pentus. Sur un parking sur la gauche, quelques pêcheurs s’apprêtent à descendre en direction de la Valoirette pour aller taquiner les truites locales. Le soleil matinal est absolument radieux et met en valeur les paysages environnants. Ne pas profiter de ce splendide spectacle et de cet instant, en levant la tête du guidon, serait un outrage à la beauté des lieux.

Les choses difficiles commencent dès le passage du pont de pierres de Plan Lachat et son virage en épingle à droite. La route s’élève alors brutalement pour atteindre les dix pour cent. Sur STRAVA cette première rampe est dénommée « Mur du plan Lachat ». Ca veut tout dire ! Le changement de pente est assez violent. Il faut quelques dizaines de mètres pour accuser le coup et retrouver un rythme régulier d’autant que nous atteignons alors les deux mille mètres d’altitude. Certains marquent le coup ! Pour ma part je gère les rampes en montant à l’économie. Par moment ma vitesse tombe à huit kilomètres par heure, ce n’est pas très élevé, mais la journée est encore longue et il ne faut pas trop laisser de force dans cette première ascension. Nous atteignons maintenant le lieu-dit « Les Granges ». Un petit replat nous permet une nouvelle fois de récupérer en moulinant, mais devant nous se dessine déjà les rampes suivantes. Nous laissons sur la droite la plaque dédiée à « El Pirate » et virons à gauche. La pente atteint sept pour cent, puis remonte à huit. Avec l’altitude, la température est assez fraîche et vient contrer l’échauffement liée à l’effort. Quelques névés égayent les flancs des reliefs et vient éclaircir le gris anthracite du minéral. Le massif du Grand Galibier se dresse maintenant devant nous. Le tunnel routier apparaît alors et un signaleur nous oriente vers les derniers lacets qui ne sont pas forcément les plus faciles bien au contraire. Au loin et tout en haut, nous distinguons déjà les drapeaux de l’organisation. Apercevoir le sommet du Galibier donne un peu de forces et d’enthousiasme. Il marque la fin provisoire des efforts et annonce le premier ravitaillement et surtout voici le premier tiers des difficultés que nous laissons derrière nous. J’ai mis une heure et quarante-cinq minutes pour franchir les dix-huit kilomètres d’ascension du col du Galibier à la vitesse moyenne de dix kilomètres par heures.

L’arrêt au premier ravitaillement me permet de faciliter la tâche de ma coach en lui transmettant quelques photos afin de suivre ma progression et d’assurer le live sur Facebook. Le tout dans le moins de temps possible, mais sans précipitation en pensant aussi à m’équiper, car avec seulement quinze degrés Celsius, au sommet, il n’y a pas trop de question à se poser sur l’usage des manchettes et du gilet coupe-vent.

Je bascule ! Les premiers virages en épingle nécessitent de rester très concentré d’autant que la pente est excessivement prononcée et que l’on peut très rapidement prendre de la vitesse. Passé les deux premiers kilomètres, je lâche les freins et reprend bon nombre de concurrents. Je savoure vraiment ces belles descentes. La technique de travail des trajectoires est assez simple, dosage du freinage, bascules du vélo dans les courbes et déplacement du centre de gravité en sortant le genou et en déplaçant les épaules, le tout en décontraction. Il faut cependant rester vigilant et anticiper les courbes avec la carte du GPS, tout en surveillant les autres usagers qui montent ou descendent. Aborder chaque courbe par l’extérieur pour venir raser la bordure intérieure et en sortir par l’extérieur permet d’économiser en freinage. Et lorsque que l’on arrive à se détendre et à descendre tout en souplesse, la vitesse augmente naturellement sans véritablement prendre de risques inconsidérés. L’exercice devient alors grisant et procure un véritable plaisir. À ce régime-là, le col du Lautaret est rapidement atteint ! Nous virons à gauche sous la protection des signaleurs qui coupent la circulation. Nous entrons alors dans la vallée de la Guisane et roulons en direction de Le Monêtier-les-Bains qui sera notre prochain point de ravitaillement. La route est belle et rend bien. Aussi la première partie de la descente du Lautaret jusqu’au Le Monêtier est délicieuse et revigorante. À l’approche de Le Monestier, les premiers concurrents du parcours Médiafondo entament déjà la remontée vers le Col du Lautaret puis le Galibier. Ils vont rapidement en terminer avec leur épreuve. Pour notre part, les guerriers du parcours Gran fondo, nous poursuivons notre route en direction de Briançon. Le profil s’aplatit un peu et la circulation s’intensifie à l’approche des communes de l’Unité Urbaine de Briançon. Nous roulons en groupes et laissons petits à petits derrière nous des communes bien connue des skieurs : La Salle-les Alpes, Chantemerle, Serre-Chevalier, Saint-Chaffrey. A hauteur de Briançon nous prenons à droite en direction de Saint-Martin-de-Querières et Guillestre sans véritablement entrer dans la belle ville de Briançon. Du fait de la circulation, cette partie de la vallée de la Guisane n’est pas très agréable. En pleine période de transhumance, les camions à bestiaux qui descendent chercher les troupeaux pour les remonter dans les alpages nous frôlent dangereusement. Bien que nous roulons sur l’accotement, le souffle des poids lourds nous bouscule parfois et j’ai vraiment hâte de sortir de cette vallée d’autant qu’un petit vent de face vient nous compliquer la tâche.

Nous sommes presque à la mi-parcours lorsque nous atteignons Guillestre. Nous basculons alors la D902 route bien connue des cyclistes. Cette belle route fait en effet partie du tracé de la « Grande route des Alpes ». Sur notre droite elle vient du col de Vars, et mène devant nous à Château Queyras où se trouve la bifurcation vers les cols d’Agnel à droite et de l’Izoard à gauche. Aussi, comme beaucoup de cyclistes, je connais bien cette portion et notamment Guillestre pour y être passé à de nombreuses reprises à vélo et notamment sur ma randonnée Thonon-Antibes et ma tentative 2017 sur les sept majeurs. Excepté pour ce dernier passage, réalisé de nuit, la jolie ville de Guillestre est souvent synonyme pour moi de « cagnard ». Et lors de ce super Granfondo, elle ne dérogera pas à la règle car nous entrons dans la Vallée du Guil à la mi-journée et donc au moment où le soleil va bientôt atteindre son zénith. Aussi, la chaleur commence sérieusement à nous accabler. Boire, il faut vraiment penser à boire et surtout éviter la déshydratation qui pourrait conduire à la survenue de crampes. Par bonheur les routes de montagnes regorgent de points d’eau potable qui feront l’affaire. Peut après Guillestre, l’organisation nous fait quitter temporairement la D902 et bifurquer à droite sur la route de la Viste. Peut-être ont-ils jugé que le parcours n’était pas suffisamment difficile en tout cas les gravillons et les nids de poules et les pierres en tout genre viennent ralentir quelques peu notre progression dans un beau raidar et une descente des plus techniques vers le lieu-dit « La Maison du Roy » où nous retrouvons enfin la D902. Il y a certainement une raison à cette déviation. Pour ma part, j’ai réussi à échapper aux crevaisons et je poursuis maintenant ma route en direction du col de l’Izoard dont l’ascension débute dès Guillestre. La route est en faux-plat montant quasi permanent. Elle est plutôt monotone et seuls quelques passages dans les gorges du Guil embellissent temporairement notre progression sous la chaleur et contre le vent. Un peu avant la « Combe du Queyras », je profite d’une fontaine pour refaire le plein de mes bidons et pour tremper mes pieds qui commencent à chauffer. Lorsque je repars, je retrouve un seine-et-marnais du club de Saint-Mammès qui roule deux cents mètre devant.

Nous atteignons assez rapidement le lacet situé à hauteur de Villargaudin. La pente repart à la hausse et annonce le véritable début de la bataille avec les pentes de l’Izoard. Sa portion entre le carrefour de Château Queyras et le sommet du col est assurément la plus difficile. À notre approche, les signaleurs coupent la circulation, les dérailleurs cliquettent, le souffle se fait plus bruyant le combat débute…

La première portion de cette sublime ascension va n’emmener jusqu’au pied du hameau de Brunissard et notamment au troisième point de ravitaillement établi un peu avant le hameau. À partir de Brunissard, nous allons véritablement entrer dans un combat intime. Franchir les portions les plus raides de l’ascension, c’est rouler dans les traces des plus grands et se tester physiquement et mentalement. La pente y est rude, la chaleur toujours accablante. Il faut tout donner pour atteindre enfin le Graal : voir la Casse Déserte, franchir les derniers lacets et atteindre l’obélisque à son sommet.

La première partie de l’ascension est un peu semblable à d’autres ascensions avec des alpages sur les côtés et une belle route sinueuse qui rend bien. Notre premier point de mire est le village d’Arvieux ou plutôt sa belle fontaine qui se trouve au beau milieu du village. Je ne manque pas véritablement d’eau, mais la température ambiante atteint maintenant les 37°C et je dois impérativement éviter la surchauffe. Je m’arrête donc quelques minutes pour une pause fraîcheur. D’abord la tête sous l’eau bien fraîche pour refroidir mon cerveau et ma nuque  et je poursuis ensuite par une bonne douche du dos avec un de mes bidons. D’autres concurrents s’arrêtent et en font de même. Cette pause m’a redonné momentanément un peu d’énergie en évitant la surchauffe. Je repars et m’arrête au point de ravitaillement de Brunissard quelques kilomètres plus loin. Une fois de plus, je ne manque pas d’eau, mais je dois manger. J’absorbe donc mes deux traditionnels casse-croûtes au camembert complétés d’une demi banane avant de repartir. Les points de ravitaillement sont souvent de véritables épreuves pour le mental, celui-ci n’échappe pas à ce constat. Un concurrent commence à douter et évoque la possibilité d’abandon. D’autre évoquent la dureté de la suite du parcours. Pour ma part, ayant bien étudié le parcours, je me suis préparé mentalement à batailler. Aussi, je ne visualise seulement deux choses : le merveilleux site de la Casse-Déserte et l’obélisque au sommet du col. Je m’y vois, je me vois basculer dans la descente. Visualiser ou craindre les portions difficiles n’est pas positif mentalement ! Je quitte donc le « ravito » et m’élance vers le hameau de Brunissard.

Dès la sortie du hameau, la pente devient harassante. Elle monte jusqu’à treize pour cent. Je passe les lacets les uns après les autres sans possibilité de jouer du braquet puisque je suis déjà tout à gauche en 34/30, depuis plusieurs kilomètres. Je m’enferme dans ma bulle et me concentre sur ma respiration et sur ma technique de pédalage pour oublier la dureté de la pente. D’autant que je commence à sentir une petite gêne dans le muscle fessier droit.  L’odeur des pins que distille la forêt de part et d’autre de la route est enivrante. Des images de l’arrière pays niçois, lors de mon Thonon-Antibes, me reviennent à l’esprit. Il ne manque plus que les cigales mais l’altitude ne doit pas forcément leur convenir. Il est toujours surprenant comme certaines odeurs nous ramènent à des situation et sensations connues. Je reviens sur ma respiration et essaie d’imaginer que la chaleur est douce que je m’y trouve bien ! Une des rampes parait plus longue que les précédentes ! Je découvre à son sommet le sublime site de la Casse-Déserte. C’est presque pour moi comme un pèlerinage. Revenir en ces lieux régulièrement est  comme un appel intérieur et l’émotion que me procure sa beauté minérale est toujours intact. Et comment ne pas penser aux forçats de la route qui lors des premiers tours de France gravissaient ce col sur une route non goudronnée… Respect !

Au diable le chronomètre, je m’arrête prendre quelques clichés de ses pitons de cargneules ! Quelques névés, illuminent le pierrier la vue est sublime !

La courte descente qui suit me permet de récupérer un peu des derniers efforts. Je roule de concert avec un suisse et un hollandais. Les derniers lacets avant le col paraissent moins compliqués, mais la fatigue commence à faire sont travail et ma gêne dans la fesse droite semble augmenter. Sur l’avant-dernier lacet nous somme surpris en plein effort par les photographes du studio Photobreton.

Le sommet du col est enfin là. J’aperçois d’abord le sommet de l’obélisque érigée en l’honneur du général Henri Berge qui a dirigé les travaux de construction de la route militaire. Pas un nuage à l’horizon pour venir blanchir le bleu du ciel. La luminosité est particulière. Elle donne un certain charme à cet instant de libération. Deuxième col franchi, il me reste plus qu’un tiers des difficultés à franchir et je laisse derrière moi la partie la plus difficile du parcours.

La descente sur Briançon est agréable. Les portions d’ombre et la vitesse me rafraîchissent un peu et me font oublier momentanément la chaleur. Mais l’intermède est malheureusement de courte durée, car la chaleur sèche et chaude revient dès Briançon ainsi que le flux intense de circulation automobile. La traversée des faubourgs de Briançon dans les gaz d’échappement n’est guère agréable, et passer de la quiétude de l’Izoard au tintamarre de la ville est presque un choc.

L’ascension du col du Lautaret débute pour ainsi dire dès Briançon et la jonction entre la route nationale 94 et la départementale 902 qui devient alors la D994 F. Il s’agit tout d’abord d’un long, d’un très long faux plat montant. La pente ne monte pas au-dessus de trois pour cent. J’essaie de reprendre un peu de temps et progresse sur la plaque à une vitesse qui oscille entre vingt et vingt-cinq kilomètres par heures sur les portions les moins pentues. Avec la fatigue il m’est impossible de faire plus, d’autant que ce qui était d’abord une gêne dans la fesse droite commence à devenir comme une sorte de contracture qui tend vers la douleur. Passé La Salle-Les Alpes la circulation se fait moins soutenue et la progression plus agréable. J’atteins enfin Le Monetier-les-Bains et le dernier ravitaillement du parcours. Malheureusement, il ne reste plus grand chose à boire à part un peu d’eau minérale, exit le sirop ou la boisson énergétique. Je ne m’éternise donc pas et repars pour la longue montée sur le Lautaret. Je ne sais pas si c’est la fatigue, mais la route me semble très monotone et très longue. La pente varie maintenant entre trois et cinq pour cent. La chaîne remonte progressivement sur les pignons arrières pour se caler sur le vingt-huit dents. La fraîcheur reprend progressivement ses droits au fur et à mesure que l’altitude remonte et que l’heure avance. Les par-avalanches du Lautaret apparaissent enfin. Je profite du Lautaret pour compléter mes bidons auprès d’une voiture de l’organisation et m’élance pour la dernière ascension du Galibier. En levant la tête, j’aperçois plusieurs concurrents sur les lacets au-dessus. Je reprends mon rythme de montagnard malgré la douleur du fessier. L’approche de la ligne d’arrivée redonne toujours un peu d’énergie. Après le petit coup de lassitude dans la montée sur le Lautaret, je retrouve l’enthousiasme nécessaire pour essayer d’élever un peu le rythme, mais à chaque envolée ma fesse me rappelle à l’ordre et m’impose de calmer un peu les choses. Par moment le joyeux sifflement des marmottes anime ma progression et détourne mon attention de l’effort. Je les cherche du regard, mais ces facétieuses copines restent bien cachées. Plus je m’approche du sommet et plus les névés s’étalent. En cette fin d’après midi, la neige donne cette luminosité si particulière qui enchante les reliefs.

Au loin, je commence à distinguer le sommet et les drapeaux qui marquent la ligne d’arrivée. Mais je dois encore franchir quelques lacets. Je laisse la stèle dédiée à Henry Desgrange et poursuit ma route en direction du tunnel. À l’intersection, le signaleur sécurise mon passage vers le dernier kilomètre et m’encourage. Encore quelques coups de pédales et j’en aurais fini de cette superbe épreuve. Mais quels coups de pédales ! Dès l’intersection, la pente monte à dix pour cent et les dernières rampes feront encore plus mal avec des pourcentages à douze pour cent. Je franchis les dernières rampes en alternant les positions assise et en danseuse. C’est dans cette dernière position que je souffre le moins du fessier. Je jette mes dernières forces dans cette bataille avec les pourcentages. Depuis le sommet les encouragements pleuvent, aller, aller c’est fini, on ne lâche rien…

Je franchis la ligne d’arrivée après dix heures et vingt-quatre minutes de temps de déplacement. Ma vitesse moyenne de déplacement s’affiche à plus de dix-sept kilomètres par heure pour quatre-mille quatre-cent quatre-vingt-onze mètres de dénivelée positive. J’ai consommé six-mille neuf-cent quarante-huit kilocalories soit l’équivalent de trois jours d’alimentation. Surtout je suis heureux d’avoir mené à son terme cette sublime épreuve malgré la fatigue initiale et le retard dans ma préparation. Et contrairement à certaines épreuves précédentes, je n’ai rencontré aucun souci de nausée et d’alimentation. Ce super Gran Fondo Galibier Izoard me permet donc de valider définitivement mon nouveau protocole d’alimentation.

Enfin, je pense avoir encore progressé dans la connaissance de mes capacités à repousser certaines limites virtuelles. La dénivelée en est une, et approcher des quatre-mille cinq-cent mètres est souvent une limite mentale et oblige à aller dans l’inconnu. La franchir ouvre de nouvelles portes. La prochaine étape consistera à approcher des six mille mètres de dénivelée positive sur la Look Marmotte des Pyrénées.

Un grand merci à mon épouse pour sa patience et ses encouragements.  

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