Une aventure buissonnière ! Voilà une belle idée pour me relancer en cette année 2025, un peu compliquée. J’aspirais à une aventure pas tout à fait slow bike, mais un peu quand même ! Pas tout à fait un voyage sportif, mais un peu aussi ! Au long cours, obligatoirement pour prendre le temps de savourer, de lâcher prise, d’oublier les déboires du début de saison ! Mais sans chrono, sans contrainte, sans aucun objectif de temps, ni de délai. Partir plusieurs jours sur les chemins de traverse, en butinant les paysages, en glanant des cols, en explorant les points de vue, en visitant un bout de France. Il faut savoir parfois réinventer ses aventures ! J’avais envie d’une sorte de pérégrination par les chemins des écoliers.
« En cette époque d’accélération, de compétition, survolté, hyperconnectée, la lenteur est un luxe inouï, ô combien enviable ».
Bernard Pivot.
Pour cette nouvelle aventure et par souci logistique, j’ai rapidement pris l’option 100 % vélo sans train. Pas la peine de ferrailler pour trouver un billet avec vélo non démonté en plein chassé croisé des juilletistes et des aoûtiens. Aussi, la liste des possibilités s’est un peu restreint, par chance ma boîte à projets est bien fournie. Il faut dire que j’aime bien, à mes moments perdus, laisser vagabonder mon esprit sur des cartes, rêver, repérer l’emplacement des cols, des points de vue puis tracer des parcours, les modifier, les retoucher. Il m’arrive aussi de chiper quelques idées lorsqu’elles m’inspirent au gré de mes lectures. Je les archive alors au cas où ! Il m’arrive même de les adapter, histoire d’aller chasser un nouveau col. Toutes ces traces, finissent, bien au chaud, dans une boîte à projet virtuelle au cas où je serais en manque ou à court d’idée. J’ai donc ouvert la boîte, je n’avais qu’à piocher ! Rapidement, je suis tombé sur une belle idée de parcours bucolique…
La route Buissonnière
Rien que son nom est inspirant ! Son histoire aussi, car cette route a bel et bien une histoire. Elle a été conçue en 1955 à l’initiative de François Faussillon, directeur d’une entreprise de transports de Corbigny (Nièvre). Si aujourd’hui, la route Buissonnière est devenue une route touristique. À l’origine, elle était surtout une alternative pour atteindre Lyon depuis Paris par des routes secondaires sans traverser de grandes agglomérations. Elle chemine sur près de quatre cents kilomètres joignant Fontainebleau à Lyon en sillonnant la région naturelle de la Puisaye, les alentours du massif du Morvan et les monts du Beaujolais. Elle est matérialisée à certains endroits par un panneau où figure un lapin noir sur fond blanc, entouré d’une bordure orange. Celui-ci a été conçu à la demande de François Faussillon par un de ses amis, l’affichiste Charles Loupot. La Route Buissonnière a été inaugurée fin mai et début juin 1959. En 1987, une nouvelle série de panneaux de signalisation presque identiques a été fabriquée et mise en place. Aujourd’hui, la route Buissonnière dispose même de sa page Wikipédia.https://fr.wikipedia.org/wiki/Route_Buissonni%C3%A8re

Repartir sur une aventure longue distance en faisant la Route Buissonnière est rapidement devenu pour moi une évidence. Et surtout cette Route Buissonnière part de Fontainebleau, à quelques kilomètres de chez moi. Le parcours idéal pour un 100 % vélo.
Lundi 28 juillet 2025 : Etape 1 – Fontainebleau / Moulins-Engilbert
Il est 5 h 22 lorsque j’enfourche mon vélo pour un beau périple. Il fait encore nuit, même si l’horizon commence à prendre cette teinte argentée annonciatrice du levée du jour. La température est certes un peu fraîche, mais agréable. Livry-sur-Seine, Chartrettes, Bois-le-Roi tous ces villages sont encore endormis lorsque je les traverse. La forêt de Fontainebleau se réveille peu à peu. Je progresse avec le champ des oiseaux. En cette fin juillet, je peux en profiter, car en temps normal, le trafic automobile est déjà dense sur la D 138. Mes jambes tournent bien. Aussi, c’est avec une certaine aisance que je franchis la côte de la Croix d’Augas depuis la Croix de Toulouse. C’est un premier test avec le vélo chargé. Il me faut une quarantaine de minutes pour atteindre Fontainebleau. Partir du château de Fontainebleau historiquement n’est pas bon signe. Le 20 avril 1814, Napoléon y a fait ses adieux à la Garde Impériale avant son exil sur l’île d’Elbe. Par chance, je ne suis ni empereur, ni Napoléon…
Le Château de Fontainebleau s’illumine avec l’aube naissante. Pour quelques heures encore, sa cour des adieux demeure vide et paisible. Mais dès son ouverture des nuées de touristes viendront parcourir ses pavés.


Si traditionnellement, je franchis uniquement en voiture le rond-point de l’Obélisque toujours très saturé et dangereux pour des cyclistes. Je ne l’ai jamais franchi aussi facilement en voiture et encore moins à vélo. J’y croise en tout et pour tout, deux voitures. Point de camion, point de file d’attente aux « cédez le passage ». Les trois voies qui constituent le rond-point sont totalement libres. Une sérénité absolue. Cette route buissonnière commence vraiment bien.
La traversée du massif de la forêt de Fontainebleau jusqu’à la Plaine de Sorques est des plus agréables. À Nanteau-Sur-Lunain, je commets ma première erreur de navigation. Ce n’est pas grave, il y en aura d’autres. Et le chemin des écoliers n’est pas rectiligne, il laisse la place à quelques digressions. J’en ferai une seconde volontaire, cette fois-ci sur la commune d’Egreville. Pourquoi passer au large de sa belle église gothique et surtout de la halle qui se cache derrière. La route buissonnière est une invitation à la flânerie. Il ne faut donc pas hésiter à sortir de son tracé pour explorer quelques beaux patrimoines.
C’est jour de marché à Egreville. En cette heure matinale, la halle s’égaye de la gouaille de certains commerçants qui se charrient tout en installant leurs étales. Beaucoup rigolent, les réparties pleuvent. Tout cela respire la bonne humeur. Les premiers clients matinaux arrivent déjà. La terrasse d’un café s’emplit progressivement de clients qui attendent que les étales soient installés, en consommant un café.
Peu après Egreville, à hauteur de la commune de Le Bignon Mirabeau, j’entre dans le Département du Loiret. La route des vacances semble encore chargée en ce début de semaine, le ronronnement régulier du défilé des véhicules se fait entendre au loin sur l’autoroute A6. Il m’accompagne jusqu’à Courtenay où je passe au-dessus de l’autoroute A19.
Dans la ville, deux sculptures semblent me poser une question : Lièvre ou tortue sur cette route buissonnière ? Le lièvre qui pense pouvoir profiter tout en comptant ensuite sur sa vitesse pour rattraper son retard, ou la tortue lente, constante et régulière. Pourquoi choisir l’un ou l’autre ? Pourquoi pas un peu des deux ! La tortue pour sa persévérance et sa régularité et le lièvre pour sa volonté de profiter de l’instant. Je n’irais pas jusqu’à me reposer en chemin, car la route est encore longue. Mais la route Buissonnière offre de belles opportunités de découverte et de poésie. Faut-il y voir un lien avec les panneaux marquant le tracé de cette route buissonnière ? L’histoire ne le dit pas ! Telle la tortue, je poursuis ma route plein sud en direction de l’Yonne et de la Puisaye et tel le lièvre, je surveille les points de vue.

Je quitte le Loiret en sortant de Douchy-Montcorbon. Le village est connu pour être la résidence de la famille Delon. Sur ma Route Buissonnière, c’est surtout le village qui m’amène sur les rives de l’Ouanne, que je vais suivre pendant de longs kilomètres. Son nom provient de l’Armoricain « laouen » qui signifient « riant, joyeux, agréable ». Tout un programme sur cette escapade et effectivement par moment le chant des flots de la rivière viennent égayer ma progression.
À Charny-Orée-de-Puisaye, mon regard est attiré par la Halle Louis-Philippe. Le lièvre reprend le dessus, je m’arrête quelques instants pour observer cette belle halle à l’histoire tortueuse, car elle fut détruite puis reconstruite avec des piliers issus du château de Montargis. Elle est magnifique et mérite bien un petit arrêt !

Petit à petit, la route se fait plus vallonnée. À Saint-Martin-Sur-Ouanne je remets un peu d’Est en direction de Toucy et Ouanne par le D 950. Pour repartir plein sud à Pierrefitte-le-Bas. Lorsque j’ai préparé ma trace à partir du parcours officielle de la route Buissonnière, j’ai trouvé un joyau de l’art médiéval du XIIe siècle : le Château de Druyes-les-Belles-Fontaines. Le château, perché sur un promontoire calcaire, est caché de la route par les habitations et les arbres qui l’entourent. Même en levant la tête en contre-bas, il est difficile de l’apercevoir. Seule, l’approche par le Nord permet de voir émerger une partie de ses tours au-dessus de la cime des arbres. Y grimper nécessite un peu d’effort avec un vélo chargé. Mais comme indiqué, je voulais faire cette route Buissonnière par le chemin des écoliers sans respecter, à la lettre, la trace initiale. J’ai bien fait ! Le Château est magnifiquement conservé, même si les courtines et les tours d’angle ont subi les affres du temps. Je ne regrette ni le détour, ni l’effort consenti pour accéder en haut de promontoire et à ce bel édifice médiéval.
Sitôt repartis, j’entre dans le département de la Nièvre à hauteur de la commune de Billy-Sur-Oisy. J’approche d’un des points de ravitaillement cochés sur le parcours. Et il est environ 12 h 30 lorsque j’arrive sur la belle ville de Clamecy. Si j’ai alors tout le loisir d’observer au loin l’ancienne Cathédrale Saint-Martin. Mon attention se concentre essentiellement sur les commerces, car je dois penser à me restaurer. Après plus de 168 kilomètres parcourus, mon estomac ne se satisfait plus des bretzels et des bonbons qui me permettent de grignoter entre deux ravitaillements. Assez rapidement, je trouve une boulangerie : le menu sera simple une quiche lorraine de belle taille, le fameux flan qui demeure une valeur sûre en longue distance. Le tout est arrosé d’un soda. Les coursiers rétorqueront que ce régime alimentaire n’est pas bon du tout, mais en longue distance ce qui prime, c’est l’apport calorique sous la forme d’un subtil équilibre entre le salé et le sucré et surtout beaucoup de plaisir et d’envie. Je savoure mon repas sur les bords de l’Yonne et profite un peu, même si je n’ai guère de temps pour visiter la ville. C’est l’aspect tortue qui me pousse à ne pas trop flâner.
En repartant, je sais que je vais devoir jouer des muscles. J’ai en effet prévu, une fois de plus, de prendre le chemin des écoliers. Cette fois-ci, il s’agit d’aller chercher le col du « Poteau de Montvigne ». Il n’est guère très haut, mais rajoute près d’une vingtaine de kilomètres et surtout, c’est un premier test à l’entrée du Morvan et en vue des Monts du Beaujolais du lendemain. Son ascension commence à Monceaux-le-Comte. Le col du « Poteau de Montvigne » est un des rares cols du secteur qui n’a pas été franchi par la cyclosportive la Jean-François Bernard à laquelle j’ai participé à de nombreuses reprises.
Lorsque je vire à gauche sur la route des Régies, une première inquiétude se fait jour. Des panneaux annoncent la fermeture de la route quelques kilomètres plus loin. Qu’à cela ne tienne, je teste ! Si ça ne passe pas, je ferai demi-tour pour aller chercher une autre route. Par chance, les travaux semblent finis, et le passage est libre. Je croise même des locaux en voiture ainsi que des agriculteurs en tracteurs. La route des Régies serpente entre les prairies et les exploitations agricoles. Des Charollaises paissent, tantôt sur ma droite, tantôt sur ma gauche. Tout autour de moi ce ne sont que vallons et collines. Par moments, quelques haies m’offrent un peu d’ombre. La chaleur s’élève un peu, mais reste supportable. Après neuf kilomètres d’ascension, j’atteins le Col. Et un de plus dans mon escarcelle pour les cent cols. Ce premier col annonce aussi mon entrée dans le Massif du Morvan.

Je redescends en direction de Corbigny en empruntant la départementale 959 que je préfère à l’option initiale de revenir sur mes pas. La descente est plaisante, longue et régulière. Le revêtement est plutôt de bonne qualité et la circulation est insignifiante. Je savoure, le vélo file. J’en profite pour travailler un peu mes trajectoires. Si la vitesse est grisante, elle ne m’empêche pas de porter une attention à l’environnement qui m’entoure et notamment au beau château de Villemolin juché sur sa colline boisée sur ma droite.

La D 959 m’amène directement sur Corbigny par son côté Nord-est. Je traverse assez rapidement la ville. Elle ne manque pas d’attrait, mais je la connais bien pour y avoir séjourné plusieurs week-ends au gré de mes participations à « La Jean-François Bernard ». Aussi, mes séjours m’ont permis de la découvrir. Il en est de même du Château de Marcilly quelques kilomètres plus loin sur la D 985. Cette forteresse du XVe siècle est perchée sur un promontoire dominant un ancien gué de l’Yonne. En arrivant de Corbigny, on peut presque l’ignorer en contrebas de son mur d’enceinte et concentré sur ses trajectoires pour négocier les deux courbes de la départementale. Ce serait dommage, car la bâtisse médiévale et son environnement proche, avec l’Yonne qui s’écoule à ses pieds, offrent un beau point de vue qui mérite de s’arrêter quelques minutes. Ce que je fais !
Je n’ai plus que trente-sept kilomètres à parcourir pour atteindre la fin de cette première étape. Cependant, rejoindre Moulins-Engilbert nécessite de jouer un peu du dérailleur, car la route se fait de plus en plus vallonnée. Mais je suis aussi venu pour cela. Et je savais à quoi m’attendre après avoir écumé les cyclosportives organisées dans le Morvan telle la Jean-François Bernard, déjà mentionnée, mais aussi la Claudio Chiappucci, La Machinoise, Courir pour la Paix, La Look Master et enfin la Morvandelle qui ouvrent généralement la saison.
Et une fois encore, l’entrée dans le Parc Naturel du Morvan va m’offrir de beaux « raidards » notamment à partir de Tamnay-en-Bazois par de petites routes de campagne aux revêtements plutôt rugueux et irréguliers. Par moments, il faudra me mettre debout sur les pédales pour effacer les plus de 13 % de pente.
Il est 18 h 00 lorsque j’atteins Moulins-Engilbert, après plus de 248 kilomètres parcourus. J’arrive alors dans le fief d’un ami devenu aujourd’hui breton d’adoption, mais dont une grande partie de sa famille vie sur cette commune.

Si la trace définitive de ma première étape diffère légèrement du parcours officiel de cette route Buissonnière, c’est justement que cette route touristique offre de belles occasions de sortir du parcours que l’on soit contemplateur ou sportif. Et sortir des chemins tracés, c’est se donner la liberté d’explorer et d’être un peu rebelle. Ce fut une belle première journée, plaisante, bucolique, sportive.
Un seul regret, les panneaux officiels de la route Buissonnière semble avoir disparu ! Je n’en ai vu aucun ! Ils sont pourtant l’emblème de cette route touristique.


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Mardi 29 juillet 2025 : Etape 2 – Moulins-Engilbert / Lyon
Dès le départ du projet, cette deuxième étape s’annonçait comme la plus sportive de cette aventure. Le programme est assez simple rouler en direction de Lyon en passant par le Morvan et les Monts du Beaujolais. Elle devait me permettre de tester ma cheville avec un enchaînement de nombreuses montées sur une distance de deux cents kilomètres. Aussi, pour cette deuxième journée, je me suis tenu au parcours officiel de la route Buissonnière. Inutile de rajouter de la distance, si je veux savourer chaque montée sans arriver trop tard à Lyon.
Il est un plus de 6 h 00 lorsque je m’élance. Moulins-Engilbert sommeil encore. Les rues sont vides. La sortie de ville est assez plate. J’en profite pour m’échauffer tranquillement d’autant que mes jambes tournent bien.
Au moment où le soleil se lève, le ciel s’illumine lentement d’un dégradé de couleurs fascinantes. Les premières lueurs effleurent l’horizon. Les rayons, comme des pinceaux de lumière, s’étendent gracieusement sur les collines, caressant les feuilles des arbres. Les silhouettes des paysages se parent de cette douce chaleur dorée, tandis que les ombres se retirent timidement. Les façades des maisons s’embrasent. Le chant des oiseaux s’élève, accompagnant ce spectacle comme pour saluer l’arrivée du jour. C’est un moment magique où la nature semble s’éveiller, pleine de vie et de promesses, enveloppée dans les bras chaleureux du soleil levant. C’est certainement un des moments les plus beau de cette matinée.
Au carrefour avec la D 985, je vire à gauche direction Luzy et Saint-Honoré-les-Bains. La route s’élève progressivement entre haies et forêt. Je suis seul et savoure ces heures calmes où la nature s’éveille.
J’atteins assez vite Saint-Honoré-les-Bains que je connais bien pour l’avoir traversée à de nombreuses reprises sur la Morvandelle. À la sortie de la ville, je rencontre enfin mon premier panneau officiel de la Route Buissonnière. Je commençais à désespérer d’en apercevoir un. Une photo de cet emblème de la Route Buissonnière s’impose, car je ne suis pas certain d’en voir d’autre.

Sitôt reparti, la route s’élève de nouveau. Point de gros pourcentage, mais une belle petite montée qui permet de me mettre dans le rythme de la journée. Je suis surpris, en arrivant à son sommet, de découvrir le panneau du col des Montarons, car ce col ne figurait pas dans la liste des cols que j’avais recensé dans le catalogue des cols de France édité par le club des cent cols. Et pour cause, je découvrirais à mon retour que la confrérie des cent cols ne le reconnaît pas comme un col officiel. Ce n’est pas grave, voilà une montée de plus dans les jambes et j’y ai pris un certain plaisir, là est l’essentiel !

Je redémarre en direction de Luzy. La D 985 est une petite départementale paisible qui chemine à travers la campagne du sud Nivernais. Les charollaises me regardent passer tout en continuant de ruminer dans des prairies aux reflets de chaumes. De-ci, de-là, des panneaux fleurissent en bord de route pour matérialiser la route touristique. La proximité avec Corbigny ne doit pas être étranger à une meilleure signalisation de la Route Buissonnière. Au moins, je suis sûr d’être sur la route officielle.
Peu après avoir passé Luzy, je quitte le département de la Nièvre et entre dans celui de la Saône-et-Loire.

Toulon-sur-Arroux marque la sortie du Morvan. Je m’arrête quelques instants pour profiter de la vue sur l’Arroux et son Pont du Diable. Deux légendes seraient liées aux Pont sur l’Arroux. Il serait dénommé le Pont du Diable, car le maçon qui devait le terminer, pactisa avec le Malin pour qu’il l’aide à terminer son ouvrage dans les délais en échange, il lui offrait sa fille en mariage. La seconde veut que ce pont fût construit pour éviter à la dulcinée d’un seigneur de traverser l’Arroux sans l’aide d’un cheval. Cette femme était jeune et belle, le seul souci aurait été que l’on aperçoive son pied qui n’était qu’un sabot de chèvre… Oubliant pour un temps ses légendes et le pont du diable, je reprends ma route en direction d’une des boulangeries de la ville, car il est temps pour moi de me ravitailler un peu avant de continuer mon chemin en direction de Perrecy-les-Forges et Charolles.
J’évolue une fois encore en terrain connu. Certains noms de villes me renvoient à des épreuves récentes. Je passe ainsi, non loin de Gueugnon qui faisait office de base de vie sur ma Race Across France 2022. J’y étais arrivé après une nuit d’orage qui m’avait suivi de Nevers à Gueugnon. C’était en fait, la troisième nuit d’orage consécutive sur cette RAF. J’en garde en mémoire l’accueil chaleureux et les impressionnants stigmates que cette météo dantesque avait laissé dans ces lieux avec une foultitude de cadavres de chambre à air, des visages fatigués et marqués, les habits qui séchaient partout où cela était possible. Je me souviens avoir été contraint de réparer trois chambres à air avant de repartir le dimanche matin afin de pouvoir faire face à de nouvelles crevaisons. Malgré la situation difficile, j’en garde un bon souvenir. L’expérience, est la bibliothèque de notre corps. Au fur et à mesure que la vie avance, les livres s’empilent. Les étagères se garnissent d’archives, de romans d’amour, de récits d’aventures, de romans noirs. Couche après couches les souvenirs s’empilent, c’est l’existence qui se remplie. C’est pour cela aussi, que je me passionne pour ces aventures de longues distances, car elles me fournissent un grand nombre d’œuvres.
Vers 13 h, j’arrive sur la commune de La Clayette avec son magnifique château. D’abord maison forte, cette dernière fût transformée en château-fort dès 1380 à l’occasion de la guerre de Cent Ans. Ce château est l’un des lieux historiques mis officiellement en avant par la Route Buissonnière. On le comprend aisément vu son excellent état et sa beauté.
J’entre peu à peu dans les reliefs des monts du Beaujolais, après avoir laissé derrière moi les départements de la Saône-et-Loire et de la Loire et croisé les viaducs ferroviaires. J’arrive au pied de l’ascension du col des Echarmeaux qui constitue le point le plus élevé de cette étape. Son ascension se fait par plusieurs montées successives, entre forêt et prairies. S’il y a peu de place pour la récupération entre chaque montée, je profite pleinement des paysages et de mes sensations. J’atteins le sommet du col des Echarmeaux et ses 712 mètres satisfait et heureux. Ma cheville a tenu malgré l’effort !
Après une assez longue descente, ma progression se complique un peu à partir de l’Arbresle en direction d’Eveux par la D 19. Si jusqu’alors, j’ai été plutôt préservé de la circulation, l’arrivée sur l’agglomération lyonnaise marque un fort changement. Je n’y avais pas forcément porté une attention particulière dans la préparation de mon projet, mais arriver aux heures de sortie du travail avec un vélo chargé dans des pentes dépassant parfois les 12 % et donc à vitesse réduite et peu d’espace pour doubler est par moment un véritable exercice d’équilibriste. Être l’enquiquineur du jour sur la trajectoire d’automobilistes pressés n’est pas un moment facile et agréable. Même les voitures, presque à l’arrêt derrière moi, doivent jouer brutalement de l’accélérateur pour me doubler dans la pente alors que les deux sens de circulation sont presque en file indienne. Cependant, aucun des automobilistes n’exprime son mécontentement à coup de klaxon rageur ou d’insulte. Je me concentre sur mes trajectoires, j’anticipe chaque trou, chaque débris tout en montant à mon rythme et en gardant un œil en permanence sur les voitures. La situation s’améliore enfin vers Marcy l’Etoile. Je peux enfin me détendre.
Il est prés de 18 h 30 lorsque je franchis le panneau de la ville de Lyon. Je pourrais m’arrêter là, mais j’ai choisi d’aller chasser un col lyonnais : le col de Trion. Il se situe Place du Trion au carrefour de l’Avenue Barthélémy Buyer, de la rue de Trion et de la rue de la Favorite. Compte tenu de l’affluence automobile j’abandonne l’idée d’y réaliser une photo souvenir qui ne serait qu’un catalogue éphémère de voitures lyonnaises, d’autant que je n’aperçois aucun panneau de col. Je reprends donc ma route pour Tassin-la-Demi-Lune, où j’ai prévu de passer la nuit après une belle journée de vélo.


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Je clos cette route buissonnière avec plus de 454 km parcourus et plus de 4 700 mètres de dénivelé positif. Ce parcours est magnifique. Il traverse de belle région française le Gâtinais, la Puisaye, Le Morvan, le Beaujolais. Je ne regrette nullement d’être sortie du parcours officiel pour aller découvrir de beaux patrimoines ou chasser des cols. Je ne regrette pas plus mon choix de parcours qui s’avère en parfaite symbiose avec l’objectif de cette aventure : un voyage mi-slow bike mi-sportif et sans contrainte de temps. Je le recommande à qui veut se lancer sur un parcours bucolique.
La route Buissonnière, et après ?
Si la Capitale des Gaules est le terminus de cette belle « Route Buissonnière », je dois rentrer ! Faire le chemin inverse aurait manquer particulièrement d’attrait et de poésie, car voyager, c’est explorer, c’est sillonner de nouvelles voies, c’est vagabonder dans de nouveaux paysages ! Je devais donc rentrer par le chemin des écoliers, découvrir une nouvelle route. Mais par quel chemin, par quelle route ?
« Le flâneur est le prince qui jouit partout de son incognito »
Charles Baudelaire
En observant la carte des « Véloroutes » et des « Eurovélos » une opportunité s’est ouverte : finir ma pérégrination bucolique en empruntant « La Véloire », l’Eurovélo6 « Entre Rhin et Loire » et « La Loire à Vélo », pour finir par l’Eurovélo3 « La Scandibérique » qui passe à quelques poignées de kilomètres de mon domicile. Je les emprunte peu. Les épreuves longues distances, les ignorent bien souvent. Elles leur préfèrent des terrains de jeu plus vallonnés, plus montagneux, plus sportifs. C’est donc une opportunité pour les découvrir, les explorer. Cette option est d’autant plus intéressante que six cols routiers se dressent en travers de ma route entre Lyon et la « Véloire ». Autre aspect qui n’est pas des moindre, elle invite au relâchement en me préservant de la circulation automobile tout ce qu’il me faut pour finir de buissonner en toute sérénité.

Les véloroutes Lyon Melun
Etape 1 : Lyon / Decize
Il est 5 h 15 lorsque je m’élance pour cette troisième journée. Je tricote un peu avec la trace dès le départ. Je vire à gauche lorsqu’il faut aller à droite, je tourne lorsqu’il faut aller tout droit. Je semble manquer d’attention en ce début de matinée. J’arrive à me ressaisir. Progressivement, la route s’élève. Au début par petite touche. Puis plus fortement à partir de Grézieu-la-Varenne où rapidement les premiers gros pourcentages font leur apparition. Par chance, les jambes ne sont pas trop lourdes, car la pente fleurte par moments avec les 19 %. Debout sur les pédales, je me hisse du mieux que je peux. Le souffle court, tête baisser en plein effort, j’arrive à hisser mon vélo chargé au sommet des côtes. À Pollionnay, nouvelle erreur de parcours, mon look veut m’emmener faire une séance de grimpe à la Salle d’escalade Lionel Daudet. Je viens justement de finir de lire un de ses livres. Je repars avec un nouveau raidard. J’arrive alors au premier col de la journée : le Col de la Croix du Ban.
Petit arrêt photo et je repars assez vite pour une belle descente qui me permet de récupérer un peu de ces premiers efforts. Mais dès Sain-Bel, la route s’élève progressivement pour dépasser de nouveau les 12 % peu après Savigny.
Il est 7 h 49 lorsque je sors de Tarare pour attaquer un bel enchaînement de cols via la D 8. Immédiatement, la route s’élève pour atteinte les 13 %. Après un peu plus de trois kilomètres de grimpée, j’atteins le premier col de cet enchaînement : le Col de la Croix Paquet. Puis dans la foulée, le col de la Croix du Plat. Il me faudra parcourir deux kilomètres supplémentaires pour atteindre le col des Cassettes. La pente se calme un peu. Je valide maintenant le col des Sauvages situé juste sur la ligne de partage des eaux. J’en termine avec le col de Le Pin Bouchain au carrefour avec la RN 7, que j’emprunte en partie pour rejoindre Roanne. Plus de mille cinq-cents mètres de dénivelé positif en cinquante-trois kilomètres, voilà comme bien débuter une belle journée de vélo.
Mon arrivée sur Roanne est marquée par la découverte de la fameuse station OZO de la RN 7 située sur la commune du Coteau et qui a été restaurée façon années soixante par une association. Elle a d’ailleurs sa page Facebook https://www.facebook.com/groups/1424881867888489

Roanne est ma porte d’entrée sur la « Véloire ». Cette voie vélo de 140 kilomètres débute à Montrond-les-Bains jusqu’à Paray-le-Monial. Pour ma part en venant de Lyon et pour pouvoir gravir les cols, j’ai fait le choix d’y entrer depuis Roanne où elle emprunte le chemin de halage du « canal de Roanne à Digoin ». Cette voie vélo est plutôt agréable. Le revêtement est de bonne qualité.
À Iguerande, après un ravitaillement en eau sur une aire de repos mis à disposition pour les cyclo-voyageurs, je me serais bien arrêté pour une petite pause à la guinguette « le train vert » situé quelques centaines de mètres plus loin. D’autant que depuis un moment, je rêve d’un « Diabolo menthe » ma boisson plaisir sur le vélo. Cependant, en l’absence de dispositif pour garer les vélos et au refus de la serveuse de me permettre de poser mon vélo chargé sur la façade de la guinguette, je suis reparti le gosier sec ! Il est dommage qu’un établissement situé sur une voie vélo ne fasse pas l’effort de prévoir des dispositifs pour permettre aux cyclistes de stationner leurs vélos. Et manifestement, la serveuse n’y connaît pas grand-chose en vélo, puisqu’elle m’a proposé de mettre mon vélo sur sa béquille.
Après quelques kilomètres, j’arrive à Digon et franchi son pont-canal. Construit au début du 19e siècle, il a été conçu pour permettre aux bateaux de naviguer sur le canal latéral de la Loire tout en enjambant le cours de la Loire en contrebas. Pour être déjà passé dans la ville cette année lors de ma diagonale Strasbourg – Hendaye, je sais Digoin sinistrée en termes de commerces. Je fais donc le choix de ne pas perdre de temps inutile à essayer de ravitailler. Je poursuis ma route jusqu’au Super U de Dompierre-sur-Besbre. Je poursuis donc mon chemin en suivant le canal latéral que je quitte un peu avant Dompierre-sur-Besbre pour une dérivation qui m’amène dans Dompierre. Son Super U, est manifestement un point de ravitaillement pour cyclistes. J’y trouve deux cyclo-campeurs qui ravitaillent. Tout en avalant un rapide repas, nous échangeons sur nos voyages respectifs. Tous deux se déplacent en saut de puce de cinquante à soixante kilomètres par jour. Lorsque je leur détaille mon périple, ils sont surpris par mes distances quotidiennes et mes capacités. Mais je n’ai aucun mérite, car en réalité, nous n’avons pas les mêmes vélos et surtout pas le même poids à déplacer. Je dirais même à hisser lorsque la route s’élève. Et concernant mon endurance, je dispose d’une capacité à optimiser ma vitesse tout en gérant le niveau d’effort fourni. Et là c’est surtout mon expérience dans les longues distances qui a forgé cette capacité. Nous séparons en reprenant chacun notre route.
Je roule maintenant dans la campagne bourbonnaise. Comme l’Allier en a pris l’habitude lorsque je traverse ce département, les premières gouttes de pluie s’abattent sur moi. Me voilà contraint à nouveau de passer de longues minutes à me vêtir, enlever puis revêtir ma veste de pluie. Décidément, je n’ai jamais de chance avec la météo dans cette zone. J’atteins Yzeure puis Moulins sous une météo très changeante et plutôt humide.
Lorsque j’arrive dans Moulins, la circulation est assez soutenue en centre-ville et ne me laisse guère le loisir de profiter de la Tour Jacquemart, ni de sa Cathédrale Notre-Dame-de-l’Annonciation, ni de ses rues anciennes. Malgré tout, sa traversée est assez facile. Les automobilistes sont compréhensifs et surtout respectueux. Si redémarrer en côte avec un vélo chargé et au milieu des voitures et utilitaires en file indienne n’est pas toujours simple et fluide, je n’ai senti aucune pression. Un peu avant la sortie de l’agglomération, à hauteur d’Avermes, une nouvelle averse orageuse s’abat, m’obligeant de nouveau à m’équiper. Ce sera la dernière de la journée.
Je roule maintenant en direction de Decize. Il me reste une quarantaine de kilomètres à parcourir pour atteindre mon point de chute du soir : le gîte d’étape du port de Decize. Dans le nord du département de l’Allier, le revêtement de certaines routes blanches est fortement dégradé voire absent. Je suis même obligé par moment de mettre pied à terre, car ma roue arrière patine sur une terre détrempée. Ma vitesse chute assez fortement. Or, je dois arriver sur Decize à 19 h au plus tard afin de récupérer ma clef du gîte d’étape. Au lieu-dit Vaucoulmin, je décide de faire le point. Soit je poursuis sur la trace sans garantie que l’état des routes s’améliore, soit je sors de la trace pour emprunter de meilleures voies. Une option s’offre à moi : prendre la D 13. Rejoindre Saint-Ennemond pour ensuite virer à gauche sur la D 979a qui me conduit directement sur Decize. C’est validé, je sors de la trace et choisi l’option D 13 et D 979a. À Toury-Lurcy, j’entre dans le département de la Nièvre. J’atteins Decize peu avant 19 h 00 et me présente quelques minutes plus tard à la réception du Port de Decize pour prendre possession de ma chambre du gîte d’étape. Pour cette troisième étape j’ai parcouru 246 kilomètres pour 1893 mètres de dénivelé positif.
Cette nuitée en gîte d’étape était une première pour moi. Lors de la réservation, je voulais tester la formule, le confort et aussi rencontrer d’autres voyageurs pour échanger. Mais je serais seul pour cette première expérience. Tout est fait pour accueillir les cyclo-voyageurs : l’accueil chaleureux du personnel, les structures avec un local vélo sécurisé accolé au gîte d’Étape, un restaurant où l’on peut dîner et petit-déjeuner.
Ma soirée fut agréable. Nul besoin de courir faire quelques courses pour le dîner. De même, manger face au port et avec le soleil couchant fut un moment particulier après une belle journée de vélo. La nuit n’a rien eu à enlever aux autres en termes de confort et de calme.


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Etape 2 : Decize / Melun
Dernière journée de mon périple ! Sentir l’écurie me donne toujours des ailes. Après un petit-déjeuner copieux, je repars rassasié pour une étape de plus deux cent cinquante kilomètres sur les Eurovélos 6 et 3. Il est 8 h 39 lorsque je m’élance. Je pars tardivement, mais j’avais prévu de profiter un peu notamment en dormant un peu plus. Mais surtout, la salle de restaurant n’était accessible qu’à partir de 7 h 00.
Traditionnellement, je regarde toujours ma trace et le départ avant de m’élancer. Ce matin, j’ai allumé mon GPS en lui faisant confiance et en appuyant sur « rejoindre le départ ». Il ne faut jamais lâcher un pouce d’attention avec un Garmin. En ce jeudi matin, il a choisi à son tour un chemin des écoliers. Au lieu de partir directement dans Decize, il m’a fait filer en sens opposé via le canal latéral à la Loire en direction de Lamenay-Sur-Loire. Il me faudra presque deux kilomètres et surtout une indication un peu surprenante de l’appareil, pour saisir l’erreur et comprendre que mon GPS voulait me faire revenir au Port de Decize à travers champs par un chemin impraticable. J’ai donc repris la main sur l’appareil, en revenant sur mes pas et en rejoignant à ma façon le point de départ. Le pêcheur a dû sourire en me voyant repasser en sens inverse à quelques minutes d’intervalle !
En ce début de matinée, la circulation sur la D 116 est assez paisible. Après presque dix kilomètres, j’emprunte l’Eurovélo 6 « Entre Rhin et Loire » qui longe le canal latéral à la Loire. J’y croise d’autre cyclo-voyageurs et quelques randonneurs. À chaque fois, nous nous saluons. Le revêtement goudronné est assez bon, si l’on fait exception des racines qui créaient parfois une espèce de tôles ondulées. Je suis alors secouée comme un prunier. Les douleurs aux points d’appuis sur la selle se réveillent. J’essaye d’anticiper en passant les zones les plus abîmées en danseuse. Avril-sur-Loire, Fleury-sur-Loire, Chevenon, Sermoise-sur-Loire, les communes défilent le long du canal latéral.
J’atteins enfin Nevers et quitte pour un temps le calme de l’Eurovélo 6 pour le tumulte de la circulation automobile nivernaise. Par chance, les pistes cyclables me permettent de m’affranchir des ralentissements, en partie protégées elles sont totalement fluide. Là encore, je connais bien cette ville pour y avoir séjourné à plusieurs reprises. Aussi, je n’ai pas jugé bon de me dérouter vers le centre historique afin de visiter la cathédrale Saint-Cyr-Sainte-Julitte de Never, le Palais Ducal et la Porte de Croux qui mérite le détour. La route est encore longue et je dois rejoindre la suite de l’Eurovélo 6 « La loire à vélo » en passant par Varennes-Vauzelles, Marzy et Fourchambault.
La traversée de la Loire à la sortie de Fourchambault m’amène dans le département du Cher. Dès la sortie du pont sur le D 12, je vire à droite sur la « Levée de la Loire ». Les paysages changent dans cette première portion d’Eurovélo. Si la Loire se trouve sur ma droite, elle reste bien cachée derrière une rangée d’arbres plantée dans son lit majeur. Du haut de la digue, ce ne sont que des champs à perte de vue sur ma gauche entrecoupés de quelques rangées d’arbres au loin. La monotonie des paysages est parfois interrompue par un étang, un village qui égaye ma progression un peu monotone.
Et soudains après quelques kilomètres, La Loire apparaît, sauvage, large avec ses îles et méandres faits de bancs de sable. Et brutalement elle disparaît à nouveau derrière une rangée d’arbres. La Loire est facétieuse, elle se cache pour mieux réapparaître plus tard.
À Marseilles-lès-Aubigny, je quitte la Levée de la Loire pour le Canal latéral de la Loire. Mais dans l’immédiat, c’est surtout un ensemble de panneaux qui attire mon attention à la mi-journée, notamment celui indiquant « commerces, boulangerie ». Deux cents mètres me séparent d’un bon sandwich et d’un bon dessert. Les emplacements vélo sont tous occupés, qu’à cela ne tienne, je pose ma machine sur une clôture à deux pas. La boulangère me propose de la mettre en appui sur les chaises de la table d’à côté ça me change de la guinguette « Le train vert » de la veille. Un sandwich chorizo crudités accompagnées d’un beau flanc et d’un soda constitueront mon déjeuner que j’avale attablé à la terrasse. La vue sur le port et le village sur l’autre rive du canal est agréable. Une famille britannique en sortie vélo pour la journée assure une ambiance joyeuse dans la langue de Shakespeare. Les enfants semblent se taquiner, pendant que les parents étudient la suite du parcours. Ils sont notamment à la recherche d’un point d’eau et de toilettes. La boulangère, toujours aussi aimable leur indique un emplacement au centre du village.
Je repars rassasié. À la sortie du village, je quitte le canal pour traverser la D 45 et emprunter la Sourive qui longe la Loire. J’arrive assez vite sur la Charité-sur-Loire et change de nouveau de voie pour emprunter le chemin du Pont de la Batte. Un restaurant fait l’angle avec la nationale 151. Les effluves de cuisines attirent un groupe de cyclistes alors que la terrasse semble pleine à craquer. Je poursuis ma route sur la D 7 puis vire à droite pour prendre à nouveau la « Levée de Loire » le Cher sur la rive gauche, la Nièvre sur la rive droite. Depuis Fourchambault, la Loire sert de frontière administrative entre ses deux départements. Quelques kilomètres plus loin, je laisse Pouilly-Sur-Loire sur ma droite tout en poursuivant ma route vers Sancerre.
On ne peut pas manquer la ville de Sancerre perchée sur sa montagne isolée. Elle émerge au loin au milieu des vignes, on ne voit quelle ! Sancerre, c’est aussi Chavignol qui est fusionné avec elle. Il n’est donc pas surprenant de voir apparaître sur le bord de ma route des troupeaux de chèvres. Ce qui l’est plus c’est de voir ces troupeaux gardés par des Patous et autre chiens de protection que l’on trouve traditionnellement en montagne pour éloigner les loups et autres prédateurs.
Je poursuis ma route sur l’Eurovélo6 dont le tracé nous conduit à quitter provisoirement les bords de Loire pour aller traverser le village de Bannay. Ce détour est voulu et n’est pas futile. De prime abord, on pourrait penser que le tracer veut nous conduire à observer l’architecture particulière de L’église Saint-Julien en allant nous dégourdir les jambes dans un petit raidard. Mais ce détour nous incite surtout à passer devant une aire de repos doté d’un point d’eau parfaitement signalé au voyageur de passage. En cette journée un peu chaude, cette eau bien fraîche, pour remplir mes bidons arrive à point nommé.

À hauteur de Belleville-sur-Loire, je tombe sur une station de recharge pour VAE, il n’y a pas à dire tout est anticipé sur cette Eurovélo6. Avec une charge sur ce site, les propriétaires de VAE ont la garantie de pouvoir aller à l’autre bout de l’Europe sans recharger (hihi). Plus sérieusement, il n’y a pas de prise de recharge pour les VAE au pied de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire ! Par contre, elle se voit de loin et concentre notre attention pendant quelques kilomètres.

À partir de Belleville-sur-Loire, je quitte la Levée pour le canal latéral à la Loire qui me conduit à Châtillon-sur-Loire et surtout, j’entre dans le département du Loiret. Je me rapproche de la maison.
À Châtillon-sur-Loire, je traverse à nouveau la Loire et longe de nouveau un canal en direction de Briare.
Le pont-canal de Briare est en vue. En arrivant en contrebas, je distingue d’abord les deux colonnes. C’est en arrivant sur le Pont du Port que je peux l’admirer dans sa totalité. Après quelques minutes à l’observer, je repars pour un dernier ravitaillement. Il me reste autour de 120 kilomètres à parcourir pour arriver à la maison, il faut donc que je refasse le plein pour cette dernière ligne droite. Je tricote un peu pour trouver le commerce que j’avais identifié. Une fois dans la place, je refais le plein de nourriture salé et complète mes bidons. J’achète une bouteille d’eau supplémentaire pour compléter mes bidons en cours de route. Je repars sitôt mes achats réalisés.
J’utilise souvent le verbe tricoter pour décrire mes pérégrinations lorsque des erreurs de guidage ou de localisations d’un commerce me font perdre le fil du parcours et tourner en rond. Voici mon tricotage à Briare : une maille à l’envers, une maille endroit…

Je longe maintenant la rivière Trézée. Sur un pont, je me vois contraint de cédé le passage à un petit train rempli de touristes. Il passe tout juste en largeur. Sa manœuvre est lente et délicate. Je ne suis pas pressé, mais il doit aligner les wagons avec le tracteur sans heurter les balustrades du pont. Je m’interroge sur la nécessité de passer sur un tel pont avec un petit train chargé de touristes. J’en viens même à me dire que ce n’est pas le moment qu’il crève une roue ! Il libère enfin le passage. Quelques kilomètres plus au nord, la rivière devient un simple ruisseau en partant sur la droite. Elle cède la place au canal de Briare. La couleur de l’eau ne change pas plutôt brune et chargée en sédiments.
À hauteur de l’étang de la Gazzonne, je dois quitter l’Eurovélo3 fermée en raison de sa dangerosité. Je rejoins alors la départementale 43 que je quitte en arrivant au Sud de Rogny-les-sept-écluses et en enjambant le Canal de Briare. J’entre alors de le département de l’Yonne. Je retrouve la Scandibérique à hauteur du Bois du Rondeau. Le sous-bois m’offre une ombre appréciable et revigorante. Après quelques kilomètres parcourus, j’atteins une zone dégagée où se trouve les vestiges des sept écluses. Ces sept écluses s’intégraient dans un projet d’Henri IV et son ministre Sully pour approvisionner Paris en reliant la Seine à la Loire, alors navigable. Ce projet évitait les transbordements longs, coûteux. Le principe d’écluses accolées était fondé sur l’économie de l’entreprise qui n’exigeait que huit mécanismes de portes au lieu de quatorze avec un volume de maçonnerie nettement moins élevé et une tranchée plus courte à creuser. À la suite de tergiversation, de guerres, de changements de règne, les écluses seront mises en service en 1642. En 1880, les sept écluses furent remplacées par les six actuelles au gabarit des péniche Freycinet et qui contournent la colline de Rogny.
Pour les cyclistes qui souhaitent suivre l’Eurovélo3, Rogny-les-Sept-Écluses réserve une autre surprise, et de taille ! En effet pour rejoindre Dammarie-sur-Loing et notamment retrouver le Canal de Briare, il n’y a qu’une option : la rue de la Petite Montagne. Cette rue porte bien son nom ! Il s’agit en fait d’une belle côte, que dis-je d’un parfait raidard qui monte jusqu’à 16 % au compteur sur presque un kilomètre. J’avoue, j’ai mis pied à terre dans les plus forts pourcentages. Et même en poussant, il a fallu que je m’active pour arriver au sommet marqué par l’église.
En entrant sur la commune de Bruxelles, à la sortie de Rogny-les-Sept-Écluses, j’entre à nouveau dans le département du Loiret et retrouve le canal de Briare. La nature du revêtement de l’Eurovélo3 change petit à petit. Les portions goudronnées disparaissent pour laisser la place à des chemins en terre, des portions sont gravillonnées, des bandes herbeuses de plus en plus larges font leur apparition au début par intermittence. Par chance en cette fin d’après-midi, il n’y a plus beaucoup de randonneurs ou de cyclo-voyageurs. Il reste malgré tout des portions au revêtement plus adapté à mon vélo de route et ses pneumatiques de vingt-huit millimètres. Mais à chaque changement de rive, c’est la surprise. Il faut rester vigilant pour éviter les amas de gravillons et quelques branches ou ronces qui dépassent sur la piste et qui peuvent venir nous griffer le visage ou les bras.
Il est plus de 19 h lorsque j’arrive à Montargis. La ville est encore bien vivante en ce début de soirée. Une fois encore, je tricote pour retrouver l’Eurovélo3 en changeant de rive. Si depuis le Boulevard du Rempart, j’aperçois l’Eurovélo qui passe sous le pont de la rue du Loing et si des cyclistes l’empruntent bien, je ne vois pas comment y accéder. Je sais qu’il existe un passage au droit de la prison située bien plus loin en passant pas un dédale de petites rues. Mais dans l’immédiat mon GPS m’incite à tourner à droite sitôt le pont franchi en empruntant des marches. Rechercher un passage routier me semble compliqué dans l’enchevêtrement de rues. Je me résous donc à porter mon vélo sur les marches en pierre bien lisses. Avec mes cales automatiques qui ont tendance à glisser, cela devient une sorte d’exercice d’équilibriste. Mais ça passe ! Je retrouve ainsi la Scandibérique et me dirige maintenant vers Châlette-sur-Loing.
Passer Dordives, j’entre en Seine-et-Marne. La qualité de la voie vélo se dégrade de plus en plus et se résume parfois à un rail de gravillons. Le summum arrive à hauteur de la sucrerie de Souppes-sur-Loing où la voie est partagée avec les poids lourds qui se garent à proximité immédiate de l’Eurovélo en l’empruntant. D’énormes nids de poules se sont formés et nécessitent un peu de vigilance pour passer sans encombre.
Mon arrivée à hauteur de Bagneaux-sur-Loing, marque mon approche sur Nemours. Le soleil rasant arrive à percer à travers le plafond de nuages bas. Cela donne une ambiance blafarde particulière de fin de journée qui m’incite à un petit arrêt photo à hauteur de l’église Saint-Léonard. Le religieux se mélange en perspective avec la verrerie industrielle au loin. Le soleil, qui semble accroché au sommet de la croix, se reflète dans l’eau et donne un aspect de phare au clocher de l’église. Point de vision divine, ni ange, ni Dieu, juste un instant fugace qui a attiré mon regard.
En ce début de soirée, les rues nemouriennes sont quelque peu désertées. Cependant, la « Scandibérique » évite soigneusement le centre-ville, ce dernier est peut-être plus animé. Deux jeunes, assis sur un banc, semblent en visioconférence sur un portable. À mon passage, ils me crient que je passe en direct puis éclatent de rire. Peut-être sont-ils des youtubeurs en cours de production. Je ne le saurais pas, et poursuis ma route. Un peu plus loin, sur le quai des mariniers, c’est l’heure de sortie pour un bouledogue français tenu en laisse par sa maîtresse. Je m’écarte un peu au cas où la laisse serait trop longue. Passé, la rue Thiers, le canal du Loing fait jonction avec le Loing. j’empreinte le pont qui enjambe la rivière pour rejoindre le quai de Fromonville sur l’autre rive. J’abandonne alors provisoirement le canal et je quitte Nemours. Je roule maintenant le long du Loing. La rivière s’écoule paisiblement sur ma gauche. Un couple de cygnes cherchent leur pitance dans l’eau sombre, la tête immergée par intermittence. Passé sous le pont de l’autoroute du Soleil, le canal reprend ses droits et se sépare du Loing, qu’il laisse sur sa gauche. Je poursuis ma route vers Moncourt-Fromonville. J’aurais pu suivre la Scandibérique jusqu’à Melun. Cependant, l’état de son revêtement et les branches qui empiètent par moment sur le passage me ralentissent et m’imposent de rester en permanence vigilant. Je décide donc de quitter l’Eurovélo3 à hauteur du parking de Moncourt-Fromonville au pied du pont de la D 40D.
Pour la suite, je roule quasiment dans mon poulailler ou tout au moins sur mes routes d’entraînement. Montcourt-Fromonville, Grez-sur-Loing, Bourron-Marlotte. Me voilà revenu dans le massif de la forêt de Fontainebleau. Peu à peu le ciel se re dégage. Le voile de nuages gris semble s’évaporer à l’approche du massif forestier et de son microclimat. Ma crainte, d’avoir de nouveau des averses orageuses s’estompe. Sur la D 148, l’Obélisque de Fontainebleau se dessine au loin entre les cimes des arbres. Majestueuse, comme un phare qui me sert de guide vers la fin de mon périple. Après quelques minutes, j’entre dans Fontainebleau et passe le rond-point de l’obélisque sans encombre dans un trafic atone. Il y a encore une certaine activité au sein du château avec les visites guidées nocturnes. Cela change du départ, lorsque Fontainebleau était encore endormie.
S’il me reste encore quelques kilomètres pour rejoindre mon domicile et retrouver Nathalie. La boucle est bouclée : Parti de Fontainebleau me voilà de retour dans cette belle ville après quatre jours magnifiques de vélo à travers des bouts de France !
Il est 21 h 00 lorsque j’arrive à mon domicile dans la banlieue Melunaise. Nathalie me trouve en pleine forme. En tout cas, je suis pleinement satisfait de ce beau périple de neuf-cent cinquante-six kilomètres parcourus en quatre jours. J’y ai pris plaisir. J’ai pleinement profiter sans contrainte, sans pression du chronomètre, excepté peut-être la veille, avec cette nécessité d’arriver au plus tard à 19 h.
Je termine cette dernière étape après avoir parcouru 259 km pour 619 mètres de dénivelé positif.


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Bilan
Le format de ce périple a totalement répondu à mes attentes. Toutefois, je ne suis pas fait pour les longues chevauchés sur les Eurovélos. Y progresser devient vite monotone. Le profil est particulièrement plat. Les canaux assez similaires en termes de paysages : un canal, deux rives, une rangée d’arbres sur chaque rive. Lorsqu’un village apparaît, souvent la voie se contente de l’éviter. Même, les bords de Loire deviennent vite lassants avec ces arbres qui cachent le fleuve, mais en même temps, ils jouent un rôle crucial de protection et ont toute leur place dans le lit majeur du fleuve. Si les voies Eurovélos peuvent être agréables, elles le sont à petite dose. Il faut ainsi prendre encore plus son temps, faire des sauts de puces. Dans ce cas, on peut alors sortir des voies vélo, visiter des sites et y revenir pour continuer sa route. Mais les emprunter pour des étapes de deux cent cinquante kilomètres, cela devient lassant. Aussi, j’ai été beaucoup plus captivé par le format des deux premières étapes sur le tracé de la route Buissonnière. Ces deux premières étapes m’ont offert des changements de paysages plus marqués, des profils vallonnés. Elles ont traversé des villages. Elles m’ont permis de voir beaucoup de monuments.
Après mon arrêt sur blessure lors de ma diagonale Strasbourg – Hendaye, ce périple devait aussi permettre de tester ma cheville sur du long. Objectif rempli ! Je n’ai rencontré aucun souci physiologiques anormal. La cheville à tenue bon.
Côté logistique, le format Airbnb offre toujours autant de liberté quant aux horaires d’arrivée et de départ. Cependant, je ne regrette pas ma nuitée en gîte d’Étape au Port de Decize, même si j’aurais bien aimé pouvoir échanger avec d’autres voyageurs. Mais j’ai l’impression que beaucoup préfèrent le bivouac au gîtes d’étape. Je les comprends , car j’étais comme eux jusqu’à récemment avant mes soucis de vision nocturne.
N'hésitez pas à laisser un commentaire ou des question, je vous répondrais toujours.