La Race Across France 1100 édition 2021

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21 au 23 juillet Le Prologue

Mercredi 21 juillet 2021, 19 h 09. Je quitte la gare de Bois-le-Roi, sac à dos chargé et vélo en main, en direction de Mandelieu-la-Napoule. Nathalie m’accompagne pour ce départ vers ce qui est l’objectif de ma saison « la Race Across France ». En toute humilité, j’ai encore des craintes sur mon niveau de préparation. Peut-on être suffisamment prêt lorsque l’on va sauter dans l’inconnue ? Lorsque l’on va s’élancer pour la première fois sur une épreuve de 1100 kilomètres et 21 000 mètres de dénivelé positif, en solo et en autonomie, à travers les Alpes et sur un parcours particulièrement exigeant. Tout au long de ma carrière de sapeur-pompier, j’ai appris à gérer et à anticiper l’imprévisible. Le principe de la Loi de Murphy fait partie de notre raisonnement tactique. Cette loi, qui s’applique parfaitement au cyclisme ultra distance, dit que s’il existe une possibilité qu’un mal, une erreur ou un dommage se produise, cela va inéluctablement se produire. Après plusieurs mois de préparation physique et mentale, après plusieurs tests « longues distances » pour éprouver le matériel et le bonhomme, je pense être prêt. La volonté d’en découdre avec ce parcours est là, mais je ne peux m’empêcher de penser que tout peut arriver sur un tel défi, que rien n’est écrit d’avance. S’élancer sur un tel parcours nécessite aussi de préparer les éventuels échecs, les éventuelles casses dans une configuration où la part de l’imprévisible est importante. C’est justement ce qui fait la beauté de ce type d’épreuve. 

Les portes du train pour Paris se ferment : que l’aventure commence !

La Race Across France est une épreuve française d’ultra cyclisme, organisée par Arnaud Manzanini. Elle comporte quatre parcours de 300, 500, 1100 et 2500 kilomètres. On peut s’y élancer avec assistance ou sans assistance. Avec assistance, le concurrent est libéré de toutes les contraintes logistiques. Il peut même disposer de plusieurs vélos lui permettant de changer de monture suivant le profil du terrain. Dans la configuration avec assistance, l’objectif est bien la performance pure. Pas de place à l’inconnu, tout est préparé avec la précision d’un horloger. La course est tout aussi harassante pour le concurrent que pour l’assistance. 

En mode sans assistance, le concurrent ne peut compter que sur lui-même. Il doit subvenir seul à ses besoins alimentaires et mécaniques. Il doit gérer sa stratégie vis à vis de la météorologie ou du sommeil. Il doit avoir un mental d’acier pour surmonter les passages à vide. Il doit se préparer à faire face à tout un tas de petits tracas. Pour ce faire, il emmène avec lui tout ce dont il pense avoir besoin. Surtout, il ne peut disposer d’aucune assistance extérieure, si ce n’est les commerces ou les habitants qu’il peut éventuellement solliciter pour se faire dépanner en eau par exemple.

Sur chaque format de course, on peut s’y inscrire en solo, ou par équipe. En solo, il est formellement interdit de profiter de l’abri d’un autre coureur, règle du « no drafting ». L’effort doit être solitaire sans aucune aide extérieure ou intérieure. En équipe, on peut réaliser du drafting, mais quel que soit le nombre d’équipiers au départ, tous devront franchir la ligne d’arrivée ensemble.

Pour ma part, je me suis inscrit sur le parcours de 1100 kilomètres en mode solitaire et sans assistance. Pour une première expérience, je n’ai pas voulu me lancer directement sur l’épreuve reine de 2 500 kilomètres. Le principe des petits pas qui me permet de progresser au fur et à mesure des expériences.

À mes yeux, la Race Across France est plus qu’un défi sportif, même si cela est est un et de taille, avec les 1 100 kilomètres du parcours et les 21 000 mètres de dénivelé positif. Sans compter, les portes horaires qui viennent complexifier la tâche des concurrents. Ne pas les franchir dans les temps, nous expose à une possible disqualification par la direction de course. Elles sont de 24 heures pour atteindre le sommet du Ventoux et parcourir les 334 premiers kilomètres du parcours, et de 36 heures pour atteindre la base de vie de Saint-Jean-en-Royans au 545ième kilomètres. Et 120 heures pour boucler le parcours et atteindre Doussard. La Race Across France, en solitaire et sans assistance, est surtout une belle aventure montagnarde où nous devons nous préparer à gérer l’imprévisible. C’est dans cette gestion que ressort cet esprit pionnier. Dans ce format, le combat est surtout contre soi-même, contre nos propres faiblesses, contre la fatigue, contre nos craintes, nos hésitations. Nous devons rouler et encore rouler, grimper et toujours grimper, tout en affinant notre stratégie, tout en veillant à nous alimenter, à gérer le sommeil et surtout le manque de sommeil. En prenant soin de notre machine. C’est pour moi une première expérience sur cette distance. C’est donc un saut dans l’inconnu que je me prépare à réaliser ! Au moment de m’élancer, je sais que le parcours exigeant ne tolérera aucune faiblesse. Je n’ignore pas que je vais connaître des moments difficiles et d’euphorie. Je sais que je vais passer par toutes les émotions. Mais je sais aussi que je vais prendre beaucoup de plaisir et que je vais beaucoup apprendre sur moi ! Mais j’ai vraiment envie d’y aller !

Jeudi 22 juillet 8 h 40, l’aventure ferroviaire, c’est plutôt bien déroulé. La nuit en couchette n’a pas été des plus reposantes, mais au moins me voici arrivé en gare de Cannes avec vélo et bagages. Le soleil réchauffe déjà l’atmosphère. En cette heure matinale, la circulation cannoise est intense et bruyante. Comme convenu dès ma réservation de mon billet de train, je m’arrête entre Canne et Mandelieu pour petit-déjeuner face à la grande bleue avant de prendre mes quartiers à l’hôtel Ibis de Mandelieu-la-Napoule. C’est un véritable plaisir ! 

Cette journée du jeudi va être réservée à la récupération du voyage et à l’accumulation de sommeil avant la course. Le programme est simple couché de bonne heure, lever tard et sieste l’après-midi. Je ne prévois pas de visite de la ville en réservant mes forces pour l’épreuve qui m’attend. Je vais juste m’attacher à réaliser l’achat des provisions pour les premiers jours de course et pour le « drop bag » qui sera déposé à mi-parcours. Progressivement, l’hôtel se remplit de cyclistes venus se confronter aux différents parcours de la RAF. Les membres de la délégation de la Team Cyclosportissimo arrivent un à un. 

Vendredi 23 juillet, je dois satisfaire aux procédures de contrôle des vélos et matériels obligatoires, à la pose de la plaque de cadre, au dépôt du « Drop Bag » : notre « roue de secours matériel » à mi-parcours. Le contrôle du vélo et du matériel est le passage obligé pour tous les concurrents qui souhaitent pouvoir accéder à la rampe de départ. Pas de contrôle, pas de plaque de cadre et sans plaque point de départ. Je quitte la zone de contrôle dès 10 heures. Tout est OK ! Pour la composition du « Drop Bag », ce ne fut pas simple, car elle est stratégique. J’ai longtemps hésité, prendre trop d’équipement dès le départ de Mandelieu revient chargé exagérément le vélo pour les premières ascensions et notamment le Ventoux. A contrario, mettre certains équipements de protection dans le « Drop bag » en prévision des cols alpins, plus froids, c’est aussi prendre le risque d’avoir froid dans les descentes du Ventoux, ou du Vercors. Mais à un moment, comme tout au long de la course, il faut faire un choix et l’assumer. Je partirais donc avec un vélo chargé à quatorze kilogrammes, bidons pleins compris.

Avec quelques copains de la Team Cyclosportissimo, nous organisons un sympathique déjeuner commun. C’est peut-être un des rares moments où nous pouvons nous rassembler avant le grand saut. Nous nous croiserons peut-être sur le parcours, mais pour la majeure partie d’entre nous, nous nous reverrons pas avant le prochain rassemblement. À l’initiative de Patrick, notre président, une page WhatsApp est ouverte pour l’épreuve. Afin de garder le lien et de nous encourager mutuellement tout au long de l’épreuve, d’autant que certains ont déjà une grande expérience dans l’ultra distance et sur la Race Across France !

Dès vingt heures, les concurrents inscrits sur le parcours de 2500 kilomètres s’élancent pour six à dix jours de course. Pour ma part, je dois patienter jusqu’au lendemain matin huit heures et sept minutes. Quatre membres de la team Cyclosportissimo sont inscrits sur le parcours de 2500 kilomètres. Quoi de plus naturel que de venir les encourager et les soutenir avant le départ. 

24 juillet le saut dans l’inconnu : Mandelieu-La Napoule Bed-end- Bike (base de vie n°1)

Samedi 24 juillet 8 h 07, après un bon petit-déjeuner me voici sous les ordres du starter ! La puce GPS dans la poche, le vélo prêt à bondir. Le compte à rebours est lancé, 5 ,4, 3, 2, 1, top. C’est parti ! Je quitte la rampe de départ, comme pour un contre-la-montre de 1 100 kilomètres. La nuit a été relativement bonne. Étrangement, je ne suis pas trop stressé.

En ce début de matinée, le ciel est particulièrement nuageux. Quelques gouttes viennent même nous rafraîchir sur le début du parcours. Mais cela ne va pas durer bien longtemps. Pour le profil du parcours, c’est assez simple : ça grimpe pendant au moins 120 kilomètres. Huit cols sont au programme : les cols du Ferrier, de la Sine, de Castellaras et de Saint-Barnabé au-dessus de Grasse et par Saint-Vallier-de-Thiey. C’est ce qu’Arnaud Manzanini nomme les difficiles quatre-vingt-huit premiers kilomètres, où il faut mesurer son effort et ne pas partir trop vite. Mais la suite n’est guère mieux, car il faut ensuite enchaîner avec les Gorges du Verdon, et bien se souvenir que si nous descendons, nous allons forcément remonter. Nous enchaînerons ensuite les cols d’Ayen, de l’Olivier puis de Murs juste après la longue et usante montée sur le village de Gordes. 

Pour l’heure, j’essaye de m’économiser, la route va être longue avant l’arrivée sur Bed-And-Bike. La montée sur Grasse est faite d’un enchaînement de traversée de zones urbaines : Mandelieu-la-Napoule, Pégomas, Auribeau-sur-Siagne, Grasse. En ce dimanche matin, la circulation est déjà importante, mais soutenable. Comme sur toutes ces épreuves d’ultra-distance, il y a ceux qui s’enferment dans leur bulle en contrôlant leur effort et il y a les « avions de chasse » qui décident de jouer la gagne dès le début de course. J’entendrais souvent tout au long de cette matinée le fameux « Salut, ça va », car j’ai décidé de m’inscrire dans la première famille de concurrents, celle qui part doucement, mais sûrement !

Petit à petit, nous quittons les grandes zones urbaines et nous nous enfonçons dans l’arrière-pays. Les constructions laissent alors la place à la forêt de résineux et à une roche plutôt jaune pâle. Le ciel se dégage et la chaleur monte crescendo. Avant la mi-journée, nous atteignons déjà les 32 °C. La chasse aux fontaines commence alors ! Avec la chaleur qui monte, il faut éviter la déshydratation et tous les désordres physiologiques qui vont avec. Au sommet du col de Bleine, lors d’un arrêt photo, je suis rejoint par Patrick de la Team Cyclosportissimo. Je le laisse au sommet et repars. Partit à très peu d’intervalle, nous allons nous croiser régulièrement tout au long de cette première journée. Un peu avant le col de Saint-Barnabé au soixante-douzième kilomètre, nous quittons les Alpes-Maritimes pour les Alpes-de-Haute-Provence. Patrick me rejoint de nouveau à Demandoix, lors d’un nouvel arrêt « fontaine » et quelques hectomètres plus loin à l’occasion d’un arrêt déjeuner dans une petite épicerie. Nous dégustons ensemble une pizza qui nous ravigote un peu et terminons par un sorbet bien rafraîchissant que Patrick décide de finir sur le vélo, pour ma part, je prends le parti de repartir une fois la glace terminée.

La montée puis la descente vers les gorges du Verdon est de toute beauté. Les eaux du Lac de Chaudanne d’un bleu turquoise illumine les paysages et contraste nettement avec le vert foncé des résineux. Le chronomètre tourne et du coup, je prends la décision de privilégier les arrêts fontaines sur les arrêts photos. Je garderais donc au fond de ma mémoire ces belles perspectives de la descente avec le lac en fond de gorges. La descente vers le lac s’avère technique avec des virages en épingle et quelques gravillons. Il faut donc rester concentré.  

Arrivé au point le plus bas des gorges, la présence de l’eau à proximité n’arrive pas à rafraîchir l’atmosphère. Je traverse rapidement Castellane. En ce jour de marché, la circulation est assez soutenue dans ce beau village. Partout, les terrasses sont envahies de touristes, mais aussi de concurrents de la RAF qui profitent de l’occasion pour se restaurer. Je poursuis ma route, qui se dresse de nouveau assez fortement. La chaleur devient harassante. Les arrêts fontaines ne font qu’accroître les temps de pause. Je profite de la fontaine sur la place de l’église de la Palud-sur-Verdon pour m’arrêter de nouveau, j’y retrouve Patrick. Nous sommes une demi-douzaine à nous mouiller abondamment la tête et le maillot. La fraîcheur de l’eau fait son effet. Je me sens tout de suite mieux. Nous en profitons pour avaler la deuxième moitié de notre pizza achetée à Demandoix. Je connais déjà des difficultés pour avaler les parties plus sèches de ce qui reste de la pizza. Nous repartons à quelques dizaines de secondes d’intervalles. Si tout va bien le prochain arrêt restauration se fera à Forcalquier. 

Quelques kilomètres plus loin, je franchis le col d’Ayen qui marque la bascule vers la Lac de Sainte-Croix que je laisse sur ma gauche en remontant sur Moustier-Sainte-Marie. 

Les odeurs de lavandes se font plus prégnantes. Nous arrivons sur le plateau de Valensole. C’est avec un peu de soulagement que la route adopte un profil un peu moins accidenté. Cet intermède va nous permettre de pouvoir récupérer un peu, tout en augmentant notre moyenne kilométrique. La chaleur ne faiblit pas bien au contraire. La chasse aux fontaines ou aux épiceries s’amplifie pour éviter la déshydratation et le coup de chaud. Depuis de nombreuses heures, les barres de céréales ne passent plus. Ce qui commence à m’interroger sur ce que je peux faire pour y remédier. J’attends avec impatience le crépuscule et sa fraîcheur pour voir si les choses s’améliorent. Un peu avant Forcalquier, je m’arrête avec d’autres concurrents à un stand de ventre de melon. Cette pose sera rafraîchissante. Nous avalons chacun un peu plus d’un demi-melon. Patrick nous rejoint en pleine dégustation !

Dernier arrêt à Forcalquier. Après la recherche en vain d’un sandwich dans les boulangeries, je me rabats sur un croque monsieur dans un bar. J’ai de plus en plus de difficulté à m’alimenter. Les aliments secs ne passent plus. Je me force à manger et laisse la moitié du pain, par bonheur la garniture passe, je n’en laisse pas une miette.

Je repars le plus rapidement possible pour ne pas perdre trop de temps. Je profite du terrain pour rouler en position aérodynamique sur les prolongateurs et gagner quelques kilomètres par heure supplémentaires. La nuit est tombée lorsque j’entame la longue montée sur Gordes, après un dernier arrêt fontaine au pied de la montée. Cette montée est plutôt exténuante et interminable. Je croise un concurrent, qui monte en poussant son vélo. Je bascule vers le village Murs et son col. Ce sera le dernier col avant la base de vie de Bed-and-Bike où j’arrive un peu avant minuit. Je mets plus d’une heure pour arriver à manger la moitié d’un box de pâtes au jambon, préparer le matériel pour un cours sommeil d’une heure, et préparer le vélo pour la suite. Tous les lits de camp sont pris, nous sommes nombreux à dormir à même le gazon. Nous devons d’abord trouver quelques mètres carrés pour pouvoir nous poser. 

Comme à mon habitude, j’émerge de mon très court sommeil sans avoir besoin de réveil ! Deux heures et quarante-cinq minutes, la fraîcheur m’aide à retrouver mes esprits. Le temps de replier mon matériel et de prendre un petit-déjeuner très sommaire (quelques morceaux de pastèque et melon et un café noir), je repars, il est presque quatre heures.

25 juillet la terrible journée des portes horaires et de la chaleur : de Bed-end-Bike à Saint-Jean en Royans (base de vie n°2)

Le parcours de la journée n’est pas un long fleuve tranquille. Nous commençons par l’ascension du Ventoux par Bédoin, puis nous allons partir vers le Nord-ouest et la vallée de la Drôme, en remontant vers Valence sur un axe sud-nord, puis nous bifurquerons vers l’Est pour pour rejoindre Die, où nous attaquerons alors les ascensions des cols du Rousset et de La Chau avant de redescendre sur Saint-Jean-en-Royans par les Gorges de combes Laval.

Le Ventoux :

Avec un vélo chargé avec des sacoches de bikepacking, la vitesse moyenne pour l’ascension du Ventoux par Bédoin s’établit, selon Arnaud Manzanini, autour de cinq kilomètres par heure. Je prévois donc quatre heures depuis Bed-and-bike pour arriver au sommet du Ventoux. La marge de sécurité est très faible, mais c’est aussi cela le défi. Et ce défi est double, car au cours de cette même journée nous avons une seconde porte horaire à passer, celle de Saint-Jean-en-Royans, que nous devons atteindre en trente-six heures calculées depuis notre départ de Mandelieu. 

Je m’élance aux environ de quatre heures. La nuit est fraîche ! Devant moi des feux rouges scintillent au loin. La montée sur Bédoin et le Ventoux est jalonnée d’une multitudes de feux rouges. Mes jambes répondent présent bien. Je ne ressens aucune fatigue excessive, ni douleur. Tout au long de la route pour Bédoin, je me concentre sur une image : l’antenne au sommet du Mont Ventoux et mon arrivée au sommet. L’imagerie mentale est un fabuleux outil pour se motiver et atteindre son objectif !

En traversant Bédoin, les bonnes odeurs de viennoiserie et de pains chauds remontent des fourneaux des boulangeries. Mais pour l’heure, ces dernières demeurent malheureusement fermées. Je vais devoir gravir le Ventoux le ventre presque vide ! La ville est encore endormie, pas un bruit, seul le cliquetis de nos vélos vient troubler ce parfais silence. Passé les dernières constructions, nous nous retrouvons au pied de l’ascension du Géant de Provence. Jusqu’au hameau de Brun, la montée est une belle mise en jambes. La route s’élève sans exagération sur une pente assez régulière. C’est après ce hameau que la route se cabre très nettement. J’ai déjà connu des ascensions difficiles, où les jambes brûlent, où les pulsations cardiaques s’emballent, où le souffle vient à manquer passé les 2500 mètres d’altitude. Mais j’avoue, hissé mon look en surcharge dans les virages de Saint-Estève s’avère être un véritable combat jamais connu jusqu’alors surtout avec le ventre vide. Coup de pédale après coup de pédale, il faut hisser les quatorze kilogrammes de la machine. C’est interminable ! Je voudrais en finir rapidement, mais la vitesse oscille inexorablement entre quatre et six kilomètres à l’heure. Au plus fort de la pente, nous sommes nombreux à zigzaguer pour essayer de casser les pourcentages à deux chiffres. Chaque mètre gagné est déjà une victoire. Nous nous encourageons mutuellement, car nous connaissons tous à un moment ou un autre un coup de moins bien. Les premières bâtisses annoncent enfin le Chalet Reynard. Ce dernier arrive après presque deux heures d’effort intense. La pente s’aplatit ! Le Chalet Reynard est un repère important dans cette ascension. Il la sépare en deux parties bien distinctes. La première longue et rude, la seconde beaucoup moins longue et moins pentue, si l’on excepte les dernières rampes entre le col des tempêtes et le sommet. Le replat du Chalet Reynard me permet de souffler avant de repartir pour les sept derniers kilomètres d’ascension. Le jour se lève peu à peu. À mi-pente entre le Chalet Reynard et le sommet du Mont Ventoux, les premiers rayons de soleil font leur apparition. La pierre blanche, si particulière au Ventoux, s’illumine. Tout comme le bâtiment au sommet. Au loin, les flammes de la RAF volent au vent. Le sommet n’est plus très loin. Après un dernier effort sur une pente entre neuf et douze pourcents et me voilà au sommet avant les délais impartis.

La descente sur Malaucène est un véritable plaisir. Au bas de la descente, la boulangerie m’attend. Nous sommes nombreux à nous y arrêter, non sans un certain mécontentement de la boulangère qui n’était pas prévenu ! En quelques minutes, telle une meute affamée, nous vidons sa boutique de ses diverses viennoiseries ! Je décide de compléter ce petit-déjeuner d’un bon chocolat chaud et de deux jus d’orange pressés à la terrasse d’un café. 

Comme la journée s’annonce longue et chaude, je profite de cet instant de pause pour réviser ma stratégie alimentaire et jette mon dévolue sur une épicerie située en face du bar. Une barquette de tomates cerises, quatre pêches et deux litres de S.Pellegrino. J’abandonne pour un temps, les aliments secs et le plan alimentaire prévu par la diététicienne, pour une alimentation plus humide, sucrée et vitaminée. La S. Pellegrino va m’apporter tout le sel nécessaire pour combler la perte de minéraux liée à la sueur. Tout au long de ma remontée du Vaucluse et de la Drôme, je n’aurais de cesse de ravitailler en fruits. À Nyons, je profite d’une boulangerie pour absorber un sandwich jambon Emmental Crudité. Avec toujours des difficultés pour avaler le pain. 

Comme la veille, la chaleur s’installe rapidement. Elle nous harasse, nous épuise et captent toute notre eau. Les bidons chauffent vite. Et vu la météo des dernières semaines, je ne suis pas encore acclimaté à cette chaleur. Par bonheur, une légère brise vient souffler sur une partie du parcours. Je franchis assez facilement le petit col de Novezan, puis le long col d’Aleyrac. La température monte maintenant à 42 °C. Seuls les arrêts fontaines me permettent de la supporter et d’avancer. Avec la chaleur, les champs de lavandes distillent leur agréable senteur. Les localités s’enchaînent La Bégude-de-Mazenc, Cléon-d’Andran où je profite d’une fontaine pour m’immerger la tête complètement dans la fontaine. Puy-Saint-Martin arrive rapidement avec son raidard vers la Répara-Auriples, pas un brin d’ombre, la circulation y est intense comme la chaleur. 

Petit à petit, le massif du Vercors se dessine plus nettement. Crest marque la bascule vers l’Est et vers Die. Une terrasse ombragée me tend les bras. J’y croise d’autres concurrents qui m’invitent à aller consulter un message important sur le WhatsApp de l’épreuve. Depuis ce matin, de nombreux concurrents abandonnent pris de coup de chaleur, d’insolation et de soucis gastriques. L’organisation de la course a décidé de repousser de deux heures les délais de la porte horaire sur Saint-Jean-en-Royans. Pour ma part, il y a bien longtemps que je ne tiens plus compte de ces délais. Avec les arrêts fontaines qui s’imposent quasiment toutes les trente minutes, les temps de pauses augmentent considérablement alors que la garantie d’atteindre Saint-Jean-en-Royans avant vingt heures s’éloigne. D’autant qu’en ce dimanche après-midi tous les commerces excepté les bars sont fermés. Ce qui rend très difficile la quête de l’eau. Tout mon travail, réalisé en amont avec le recensement des fontaines, me facilite un peu la tâche même si certains tronçons de parcours sont peu pourvus en point d’eau.

La remontée d’un peu plus de trente kilomètres vers Die va encore aggraver la situation, car il existe sur cette partie de parcours un seul robinet que je vais découvrir pas hasard sur un arrêt de bus. Et bien après un arrêt dans un camping, où le gérant va me contraindre à consommer pour obtenir le litre et demi d’eau nécessaire pour remplir mes bidons. J’aurais pu essayer de sonner chez les habitants, mais toutes les maisons paraissent fermées, alors que la population semble s’être donnée rendez-vous sur les rives de la Drôme en contre-bas où coulent les eaux fraîches de la rivière. Je les envie un peu.

Les Cols du Rousset, de la Chau et de Chaud-Clapier :

Die marque la bascule vers le Nord. Je me trouve maintenant au pied du long Col du Rousset avec ses plus de vingt-six kilomètres à plus de quatre pourcents de moyenne. Je monte sereinement à ma vitesse. À Chamaloc, une fontaine me tend les bras. C’est idéal pour sécuriser la fin de l’ascension. 

Avec le crépuscule, je prends un grand coup de fatigue. Avec seulement une heure de sommeil depuis le départ et les cinq-cents kilomètres dans les jambes, il n’est pas étonnant que le corps réagisse. Mais je dois clore le parcours avant la base de vie. Je décide de réaliser des siestes éclaires, assis sur un muret le bras gauche et la tête sur la selle, le vélo maintenu de la main droite au niveau du tube horizontal. Lorsque le vélo commence à partir, c’est que je me suis endormie quelques secondes. Cela ne remplace pas une bonne nuit, mais réaliser trois à quatre fois ça permet de repartir en reprenant un peu de lucidité en écartant pour quelques instants mon besoin de sommeil. Je termine plutôt bien l’ascension du col du Rousset au sommet duquel m’attend l’équipe média. C’est parti pour un suivi par un drone dans le tunnel.

Sur ce parcours de la RAF, à un col, succède toujours un ou plusieurs autres cols. C’est encore le cas ! La difficulté suivante fait beaucoup parler depuis le départ, je la redoute un peu notamment ses deux derniers kilomètres annoncés comme très difficiles par certains. Il s’agit du Col de la Chau depuis Vassieux-en-Vercors. Cette commune est surtout connue pour son Mémorial Nationale de la Résistance et les événements tragiques de juillet 1944 où soixante-treize habitants et quatre-vingt-onze résistants ont été massacrés par les troupes allemandes. Un peu moins pour son col. Ce dernier est assez particulier avec une seule épingle et une rampe très pentue à plus de sept et demi-pourcent menant sur le plateau de Vassieux et se terminant par la montée vers le col de Chaud Clapier. 

Les premiers kilomètres sont assez paisibles, mais dès que l’on atteins la Nécropole Nationale de la Résistance, la pente se cabre assez brutalement, vient ensuite l’unique épingle et une longue rampe. Malgré mes craintes, je passe plutôt bien cette dernière. Certes, il faut y mettre un peu de cœur à l’ouvrage, mais cela n’a rien à voir avec ce que j’ai connu le matin même dans le Ventoux. Du coup, je bascule assez rapidement dans la descente et les gorges de Combe Laval. En contre bas les lumières de Saint-Jean-en-Royans apparaissent. Je rêve des ravioles annoncé par Arnaud Manzanini comme étant le ravitaillement prévu à la base de vie pour tous les concurrents. Je vais être bien déçu ! Car après une descente assez technique et une arrivée assez tardive, je découvre en lieu et place des ravioles, de la fougasse et de la brioche aux pralines. Tout ce qui ne passe pas depuis plus de vingt-quatre heures. Je me force donc à manger un peu de brioche arrosée abondement de coca cola. Encore un repas raté ! Je vais rapidement me coucher après avoir pris une bonne douche et enfilé la tenue propre du « drop bag ».

26 juillet entrée dans les Alpes sous la chaleur : de Saint-Jean-en-Royans à La Grave.

La nuit fut une nouvelle fois courte mais conforme à ma stratégie : dormir peu sur Bed-and-Bike (1 heure) et faire une nuit de quatre heures à Saint-Jean-en-Royans. Comme la veille nul besoins de réveil. Mon cerveau se suffit à lui seul pour me faire sortir du sommeil à l’heure prévue, aidé, je dois l’avouer par le bruit environnant aussi. Contrairement à la veille, point de carré de gazon, j’ai passé ma nuit sur un tapis de gymnastique dans un gymnase, en tenue de vélo et doudoune. Les quatre heures de sommeil ont été réparatrices. Rapidement, je me remets en ordre de marche, je récupère mon électronique qui était en charge pendant mon sommeil. Je change la batterie de ma lampe avant et remplace les piles de mes deux lampes arrières. Les équipements contre le froid remplacent ceux plus légers du début de parcours. Je refais le plein de mon Food Pouch en remplaçant les barres de secours qui ont subi la chaleur. Me voilà prêt à repartir.

La base vie de Saint-Jean-en-Royans

Saint-Jean-en-Royans marque une nouvelle phase dans cette épreuve. Exit les portes horaires contraignantes qui nous limitent dans certaines actions. Fini les bases de vie, nous devenons totalement autonomes exceptés pour Sollières où la société Upguides met à notre disposition ses infrastructures au pied de l’Iseran. À partir de maintenant, je vais pouvoir gérer plus sereinement mon alimentation et la mettre en phase avec les préconisations de la diététicienne à savoir un repas complet par jour plutôt le soir. 

Cette journée devait initialement me conduire de Saint-Jean-en-Royans à Sollières au pied du col de l’Iseran. Mais dans une aventure sportive et montagnarde, il faut savoir adapter son plan de marche aux contraintes rencontrées…

Lorsque l’on observe une carte, pour sortir du Vercors et rejoindre l’Oisans, il n’y a guère d’option, il faut grimper par les gorges de la Bourne et basculer au col de Cossey vers Grenoble pour remonter la route de l’Oisans jusq’au Bourg-d’Oisans. Les gorges de la Bourne à l’aube sont sublimes. Si la pente n’y est pas très élevée, elle est propice au réveil musculaire. En ce beau matin, seul les appuis sur la selle commencent à être douloureux. Il faut prendre son temps pour que les douleurs s’estompent au bout de deux à cinq minutes. Je déguste donc cette remontée et profite de la vue et du chant des flots en contre-bas qui berce ma progression. En ce début de matinée, le ciel est légèrement couvert. La température un peu fraîche nous fait du bien après les fortes chaleurs des premiers jours.  

Premier arrêt du jour à Lans-en-Vercors, pour un sandwich en boulangerie accompagné d’un oasis et de S.pellegrino. Le sandwich passe un peu mieux. J’en profite et savoure. Je reprends rapidement ma route vers Saint-Nizier-du-Moucherotte. Sur la route, je suis vivement encouragé par les jeunes occupants d’un Van. À grand coup de klaxon de cris. Ils roulent quelques secondes à ma hauteur et m’expliquent qu’un de leurs amis a couru la RAF sur l’édition 2020. Ça fait du bien au mental. J’atteins assez rapidement le col de Cossey. La bascule vers Pont-de-Claix est moins accueillante. Dans la descente, je manque de me faire renverser par une toupie à béton qui quitte un chantier en me coupant la route sans même regarder sur sa droite. 

Dès le départ, nous le savions, la portion entre Pont-de-Claix et le Bourg-d’Oisans n’a rien d’agréable. La circulation y est dense, la piste cyclable y est sale et jonchée de débris et de détritus divers. Et c’est un enchaînement de montées, de faux-plats montants et de courtes descentes qui cassent les jambes. Pour couronner le tout, la chaleur qui remonte très rapidement rend notre progression suffocante. Je vais devoir être vigilant pour ne pas me faire prendre par un coup de chaud. Je connais parfaitement les cols et montées à venir au moins jusqu’au pied de la Colombière. Je sais que la montée vers l’Alpe d’Huez et que son enchaînement avec le col de Sarenne n’offre aucun abri contre le soleil et que la pente y est rude. J’ai déjà réalisé à plusieurs reprises cet enchaînement, en plein cagnard, sur des cyclosportives. Je ne l’apprécie guère ! Un nouveau combat se prépare mentalement dans ma tête. J’arrive sur le Bourg-d’Oisans vers midi. J’ai prévu d’y réaliser un arrêt restauration. Je jette mon dévolu sur une Pizzeria. Deux autres concurrents du 1100 y sont déjà attablés. La pizza aux légumes me semble tout à fait appropriée pour reprendre des forces avant de gravir l’Alpe d’Huez et d’enchaîner avec le Col de Sarenne. Je laisse les parties les plus sèches de la pizza et avale tout le reste. Un vrai festin comparativement aux deux premiers jours. Je repars rassasié. Avant de repartir, je jette un œil sur le WhatsApp de l’épreuve et de la Team Cyclosportissimo. Je découvre que Patrick mon copain de la Team est en difficulté quelques dizaines de kilomètres derrière moi. Vraisemblablement un coup de chaleur. Je l’encourage pour essayer de lui remonter le moral. La litanie des abandons se poursuit. La journée va encore être difficile.

L’Alpe d’Huez et ascension du col de Sarenne :

La montée de l’Alpe d’Huez, n’est pas simple les premières rampes sont très pentues avec un maximum qui atteint par moments les douze pourcents. Ensuite, c’est une longue pente à plus de sept pourcents de moyenne et des passages à huit et neuf pourcents. Le final se redresse de nouveau pour dépasser les dix pourcents. J’attaque la montée. La route se cabre ! Il faut tenir. Il fait chaud, très chaud ! Par bonheur, quelques nuages épars distribuent leurs grosses gouttes rafraîchissantes. Mais ça ne dure pas. À la Garde, je trouve une rampe de robinets alimentée par un tuyau d’incendie. Pensant qu’elle est mise à disposition des cyclistes, je remplis mes bidons. Et reprend mon ascension. À la première gorgée quelques hectomètres plus loin, je recrache immédiatement l’eau et vide mes bidons. L’eau a un goût amer, comme si elle était contaminé par quelque chose. Par bonheur, je peux refaire le plein dans le septième virage, en face de l’Église de Saint-Ferréol, au niveau du point d’eau des toilettes publiques. Tout au long de la montée, je suis encouragé par les occupants des nombreuses voitures qui montent ou descendent. Les Hollandais sont les plus bruyants et les plus enthousiastes ! Ces encouragements me transcendent un peu, car le combat contre la pente est harassant. Par moments, je prends une photo et l’envoi à Patrick pour essayer de l’encourager. Je passe Huez. Les derniers virages apparaissent peu à peu. Encore quelques coups de pédale dans une pente qui se redresse encore plus et me voilà en haut. Un arrêt diabolo menthe s’impose. Les nouvelles de Patrick ne sont pas optimistes.

J’enchaîne rapidement avec la montée sur Sarenne. Les paysages sont toujours aussi beaux et aussi sauvages. Étrangement, je trouve l’ascension moins difficile que d’habitude. Dans les dernières rampes la pluie fait son apparition, mais elle ne dure guère longtemps. Tout juste le temps d’humecter très légèrement mon maillot. La descente du col vers Mizoën est très compliquée. La route est étroite, sans parapet, et souvent des pierres et gravillons jonchent la route. Il faut rester vigilant et ne pas prendre trop de vitesse. Je suis déjà content de ne pas franchir ce col de nuit ! 

À Mizoën, je vire à gauche et commence la longue remontée vers le Lautaret. Le soleil rasant me tape sur la nuque. Sous l’effet de la chaleur, un grand coup de fatigue commence à monter. L’homme au marteau n’est pas très loin. J’ai de plus en plus envie de dormir. Ma vitesse faiblie, je dois m’arrêter pour une courte sieste ! Trouver un endroit propice et à l’ombre sur la D 1091 semble difficile. Je continue à avancer en espérant trouver une table de pique-nique ou une aire de repos. Le lieu choisi ne doit laisser aucun doute aux automobilistes. Sous peine d’être régulièrement réveillé, pire de voire arriver les sapeurs-pompiers ou les gendarmes alerté par des automobilistes. Soudain, un gros rocher posé sur un large bas côté attire mon attention. Il dispose sur sa face à l’ombre d’une excroissance semblable à un siège. Et me cache du flux montant de la circulation. Seuls les automobilistes venant du Lautaret peuvent me voir. Je décide donc de m’installer le mieux possible et de m’endormir en tenant mon casque sur l’abdomen pour bien monter que je n’ai fait ni malaise, ni chute. Je dors ainsi vingt bonnes minutes. À mon réveil, le soleil a basculé derrière les sommets. La route est maintenant à l’ombre, et la température commence à légèrement baisser. 

Alors que je repars, Nicolas un concurrent du 1100 me rattrape et me double. Nous échangeons quelques mots, lui file pendant que je sors doucement de ma sieste. Je ne le sais pas encore, mais nous allons passer ensemble les prochaines vingt-quatre heures. Seulement, cinq heures et vingt minutes de sommeil après cinquante-huit heures de course, le corps commence à réagir. Je dois rapidement trouver un endroit pour manger un repas complet et dormir un peu. D’autant que la météo annonce un risque d’orage pour la fin d’après-midi et début de soirée. Arrivé à La Grave, je retrouve Nicolas arrêté devant l’hôtel Restaurant « le Castillan ». Ce nom ne m’est pas inconnu ! Il me semble que c’est l’hôtel qui a accueilli Patrick, le Président de ma Team, lors de l’édition 2020 de la RAF et alors qu’un violent orage empêchait l’ascension du Galibier. Je décide de m’arrêter et de rejoindre Nicolas. Ce dernier a pu réserver une chambre. Comme l’hôtel est plein, le gérant lui à proposé, un peu à regret, la suite familiale pour un prix réduit. Je lui demande si cela le dérange que nous partagions la chambre et son coût. Il accepte sans hésiter. Après une bonne douche, nous prenons un repas en salle. Enfin un repas complet ! Ce sera donc une entrée salade avec quinoa et une truite avec pomme de terre et légumes. Nicolas me suit, en remplaçant les pommes de terre et légumes par les traditionnelles pâtes du cycliste. Comme nous prévoyons de repartir vers quatre ou cinq heures, la gérante de la réception accepte de nous préparer au salon un petit-déjeuner complet. Couchés vers 23 heures, nous émergeons à quatre heures. Après un bon petit-déjeuner, nous voilà d’attaque pour une nouvelle journée.

27 juillet le Galibier et l’Iseran : de La Grave à Bourg-Saint-Maurice.

Nous repartons en direction du Lautaret. Les appuis sur la selle sont de plus en plus douloureux. Il me faut maintenant au moins cinq bonnes minutes pour que je puisse m’asseoir correctement et avoir un pédalage efficace. Ces douleurs ne sont pas liées aux frottements, mais plutôt au tassement des chaires. Je commence également à ressentir un début d’insensibilité des annulaires et auriculaires gauches et droits lié aux appuis prolongés des paumes des mains sur le cintre du vélo. Rien d’extraordinaire pour l’ultra distance, c’est même plutôt courant. 

Nous nous dirigeons vers le Lautaret en papotant tantôt l’un à côté de l’autre, tantôt en retrait et décaler pour respecter la règle du « no drafting ». Le temps semble s’écouler plus rapidement. Sitôt le Lautaret franchi, nous virons à gauche et attaquons la montée sur le Galibier. Huit kilomètres à sept pourcents de moyenne. Je connais cette montée comme ma poche pour l’avoir gravi un grand nombre de fois. Je m’élance donc sereinement, car j’apprécie cette ascension. Tout au long de la montée, nous cherchons les marmottes dont nous entendons leurs sifflets stridents. Nous en débusquons quelques-unes du regard. Après plus d’une heure d’effort nous atteignons le refuge au niveau du tunnel. Encore un petit kilomètre d’effort et nous serons au sommet du Galibier. Être si près de cet objectif, nous donne des ailes. Nous avalons assez facilement la dernière rampe. Un aimable cycliste nous propose de nous prendre en photo. Malheureusement l’objectif de l’appareil est plein de condensation et les photos ne sont pas nette 

La descente sur Valloire, quoiqu’un peu fraîche est agréable. Quel plaisir de pouvoir négocier de belles courbes et de retrouver des sensations de vitesse sur une belle descente. Nous réalisons un rapide arrêt en sortie de Valloire pour nous dévêtir un peu et pour ravitailler en vue de la remontée de la vallée de la Maurienne.

Nouvel arrêt à Saint-Michel-de-Maurienne, pour enlever nos derniers vêtement de protection contre la fraîcheur conservé pour la descente du col du télégraphe. La température remonte assez vite. Nous repartons en direction de Modane. La route n’est pas agréable. La circulation y est assez dense et bruyante. Le profil est assez le casse-patte avec une succession de faux-plats montants. Et surtout, nous n’y trouvons que très peu d’ombre pour nous protéger du soleil, alors que la température commence sérieusement à regrimper. Nouvel arrêt boulangerie à Modane pour petit-déjeuner. Notre prochain arrêt est planifié au local « Upguides » de Sollières. Nous repartons. Au rond-point à la sortie de Modane, nous virons à gauche en direction d’Aussois et franchissons l’Arc. Devant nous se présente une belle montée de prêt de 8 kilomètres, exposée en plein soleil. La végétation arbustive nous offre aucune ombre protectrice. Sans aucune fontaine, nous allons devoir supporter une fois de plus une chaleur harassante. Au fur et à mesure que nous nous élevons, je monte en température. Je voudrais m’arroser, mais je dois garder l’eau de mes bidons pour boire. Ma vitesse commence à baisser. Je dois éviter le coup de chaud ! Je décide d’enlever mon maillot première peau et repars. Ça va mieux, j’ai l’impression que mon maillot devait retenir la chaleur. Nous atteignons enfin Aussois où se tient un marché des artisans locaux. Je surveille d’un œil les nombreux touristes au cas où l’un d’entre eux s’aviserait à traverser sans regarder.

Nous basculons enfin dans la courte descente vers Sollières et gagnons le local UpGuides. Nicolas décide d’aller dormir un petit peu. Pour ma part, j’opte plutôt pour une assiette de pâtes sauce tomate basilic afin de recharger les batteries. Un ami cycliste de Nicolas, en vacance à Bourg-Saint-Maurice, doit nous rejoindre au local pour nous accompagner dans l’ascension du col de l’Iseran. La stratégie pour la suite comprend deux options : soit nous continuons en direction du col du Cormet-de-Roselend, soit nous dormons à Bourg-Saint-Maurice. Tout dépendra de l’heure d’arrivée au pied du Cormet-de-Roselend, de notre état de fatigue et surtout de la météo.

Après, une heure de pause. Nous repartons, avec un bon vent de face. L’ascension du col de l’Iseran, longue de près de 40 kilomètres, commence par quelques petites montées, puis une descente en ligne droite jusqu’au village de Bonneval-Sur-Arc. Entre Sollières et Bessan, je laisse partir Nicolas et son ami en restant cinquante à deux-cents mètres derrière pour respecter les règles du no drafting. Pour m’économiser face au vent, j’opte le plus possible pour une position sur les prolongateurs. Un peu avant Bonneval-sur-Arc, nous nous regroupons. Puis je passe devant, ayant prévu de réaliser un arrêt fontaine pour compléter mes bidons. Nicolas profite de cet arrêt pour repasser devant en m’envoyant un : »À tout à l’heure ! ». Retardé par des camping-caristes venus faire le plein de jerricans d’eau, mon arrêt, se prolonge, un peu. Leur expliquant ma situation, ils acceptent enfin de me laisser faire le plein de mes bidons avant de poursuivre le remplissage de leurs jerricans. Nicolas a pris une telle avance, qu’il m’est impossible de le rattraper sans y laisser des forces. Je repars et pour la première fois, je monte avec les écouteurs dans les oreilles sur les chansons d’Aaron. La pente me semble moins rude ainsi. Dans un lacet à onze kilomètres du sommet, j’ai une belle vue sur la vallée et une borne kilométrique bien placée m’invite à une belle photo. Cette borne va devenir un des points marquants de cette ascension et de cette épreuve, car elle annonce une pente moyenne de neuf pourcents sur un kilomètre. Neuf pourcents, que je vais avaler avec plaisir, sans souffrir, sans subir la pente. À la borne suivante, m’apercevant de cet état de fait, les émotions vont remonter brutalement. Je pleure de joie sur le vélo, car je viens de prendre conscience que je vais finir ! Que je vais venir à bout de ce parcours, que plus rien ne peut m’arrêter physiquement. Même mes douleurs deviennent supportables, comme-ci depuis ce matin mon corps les avait acceptées. Bien sûr, il reste encore quelques cols, bien sûr, je ne suis pas encore au sommet de l’Iseran. Mais physiquement, je suis bien, j’enchaîne comme un métronome les kilomètres de montée et je sais maintenant que je vais avaler les difficultés à venir quelle que soit la pente. 

Les deux derniers kilomètres de l’Iseran sont exigeants. Je passe régulièrement en danseuse, parfois, je zigzague pour casser les pourcentages à deux chiffres. J’atteins enfin le sommet. Nicolas semble être reparti ! C’est aussi le principe de cette épreuve que de faire des rencontres, qui se font et défont tout au long de l’épreuve ! Et en fait, je ne le reverrais plus. 

Après un arrêt photo et diabolo menthe au refuge, je m’équipe pour affronter la fraîcheur de la descente. D’autant, que le ciel se couvre sérieusement dans la vallée, ce qui n’annonce rien de bon. Les premières gouttes commencent à tomber un peu Val d’Isère. Plus je descends et plus la pluie s’intensifie. À la sortie d’un tunnel à hauteur du barrage de Tignes, c’est un déluge qui me cueille sur une route en travaux. Pendant quelques kilomètres, la pluie me cingle le visage. J’ai le plus grand mal à concentrer mon attention sur mes trajectoires tellement, la pluie pique, telles des aiguilles, la peau du visage. À mi-chemin vers Bourg-Saint-Maurice, la pluie se calme un peu, puis cesse. C’est bien humide que j’arrive à Bourg-Saint-Maurice. 

Je dois affiner ma stratégie. Pour le Cormet-de-Roselend, je devrais virer à gauche, mais un peu plus loin à droite un restaurant me tend les bras. Que je reparte immédiatement ou pas, il faut que je m’alimente ! J’opte donc dans un premier temps pour le restaurant. Je m’installe donc en terrasse et passe ma commande, tout en commençant a regarder la météo pour le Cormet-de-Roselend, les Saisies et Cluses. Partout des pluies orageuses et des orages sont prévus. Il y aurait une possible accalmie en milieu de nuit avec ensuite de rares averses dans la matinée. Je voudrais repartir, mais si je repars et que j’ai un gros coup de fatigue, il faudra que je puisse trouver un abri. Le temps de prendre une décision, j’appelle Nathalie. Je la trouve particulièrement inquiète. Je tente de la rassurer et ne comprend pas trop la situation alors que le plus difficile est derrière moi ! Je lui explique les options possibles : repartir ce soir, ou cette nuit… Pendant la conversation téléphonique, la serveuse m’apporte mon entrée, je la questionne sur la disponibilité des chambres. Son retour est assez rapide : « Oui, il y a des disponibilités, il faut voir avec la réception de l’hôtel ». Je propose à Nathalie de me laisser arrêter définitivement ma stratégie et m’engage à la rappeler ensuite.

La météo pour la Cormet-de-Roselend n’est pas top jusqu’au milieu de nuit, je n’ai aucune garantie de trouver un endroit abrité des orages en pleine nuit en cas de besoins. Je repasse en détail les cols restant à gravir en planifiant mes temps passages approximatifs aux différents cols. Ma marge de sécurité est telle, que même si je repars dans la nuit une fois les orages passés, je finirais dans les délais. Un nouveau déluge s’abat sur Bourg-Saint-Maurice confirmant la météo et m’obligeant à changer de table pour me mettre à l’abri. Je décide de prendre la chambre. Deux autres concurrents arrivent et en font de même. Nous négocions un petit-déjeuner qui sera laissé à l’accueil. Je prévois de me lever vers trois heures du matin et de repartir pour quatre heures au plus tard. Mes compères décident de repartir vers cinq heures. Si tout va bien, je serai au sommet du Cormet-de-Roselent entre six heures trente et sept heures. Au col des Saisies avant midi et au sommet de la Colombière en milieu d’après-midi pour attaquer ensuite la belle descente vers le Lac d’Annecy. 

Je rappelle Nathalie et lui explique l’option choisie. Elle m’avoue, enfin, avoir reçu un appel plutôt négatif d’un proche à mon sujet l’informant qu’il me reste 173 kilomètres et que je ne pourrais certainement pas finir dans les délais. Je comprends mieux maintenant son inquiétude. Je la rassure de nouveau et lui dévoile mon plan de marche jusqu’à Doussard. Je la sens enfin rassurée. Il est tant de dormir, car une belle journée m’attend. Je la quitte en lui promettant de la tenir informée demain dans la journée de ma progression. Je ne peux m’empêcher de repenser à cet appel négatif. Je ne m’attendais pas à cela de la part de son auteur ! 

28 juillet Cormet de Roselend, Saisies et Colombière : de Bourg-Saint-Maurice à Doussard.

Il est un peu moins de quatre heures du matin lorsque je quitte l’hôtel. La température est douce. Quelques éclairs percent le ciel par moment. En cours de nuit, météo France a revu ses prévisions. Les pluies orageuses vont reprendre vers six heures pour cesser vers le milieu de matinée. Il va être difficile de passer à travers, mais c’est le jeu, il faut faire avec les conditions météo. 

J’attaque la montée du Cormet-de-Roselend, et laisse Bourg-Saint-Maurice endormie derrière moi. Je ne profiterais guère du silence. Les écouteurs sur les oreilles, je progresse sur les chansons de la famille Chedid. Les secousses liées au revêtement réveillent quelques douleurs au niveau de la selle, mais ces dernières restent supportables. Je grimpe à mon rythme et chante parfois à tue-tête pour m’encourager. À mi-pente, la pluie fait son apparition. Premier arrêt pour m’équiper. Les éclairs se font de plus en plus rapprochés, illuminant parfois la route. À quatre kilomètres du sommet, la pluie redouble et un fort vent se lève avec l’aube. Je fais face ! Ma vitesse diminue forcément, mais je suis décidé. Je rajoute ma doudoune sous ma veste Goretex. Les gants d’hivers, remplacent rapidement les gants mi-saison. Vent de face, la pluie me cingle le visage, je pense déjà à la descente qui ne va pas être simple. Plus j’approche du sommet, plus la pluie et le vent redoublent. Les paysages en deviennent sublimes. Quelles que soient les conditions météorologiques, la montagne est toujours belle. Le gris foncé du ciel contraste avec les nuages blancs qui s’étiolent sur les sommets sous l’effet du vent. Le vert des prairies d’alpage est sublimé par la grisaille. De nombreuses bâtisses sont plantées çà et là. Mais en cette heures matinale, aucune lumière ne s’en échappe. Tout semble endormi. Seuls, les va-et-vient des camions des laiteries animent ma progression. Je chante de plus en plus à tue-tête pour me donner du courage face à la pluie et au vent. Enfin le sommet !  

Je bascule rapidement dans la descente. Le déluge est tel que si je veux boire, je n’ai qu’à ouvrir la bouche pour avaler une gorgée d’eau de pluie. Avec la descente, je retrouve les morsures des gouttes d’eau sur le visage. La descente est difficile et technique avec la pluie. Malgré la pluie, mes freins répondent bien ! La pluie rentre partout, y compris dans les chaussures malgré les couvre-chaussures étanches. Je laisse derrière moi le col du Meraillet. Je m’attends à atteindre Beaufort, mais presque au bas de la descente le GPS me demande de virer à gauche. La route se cabre de nouveau. Je roule maintenant vers Hauteluce. La pluie se calme, puis s’arrête progressivement. Après quelques kilomètres de montée, je décide de retirer ma doudoune. Tout est trempé : cuissard, chaussure, doudoune, excepté peut être mon maillot ce qui explique que je ne ressente pas forcément de froid, tout juste une petite fraicheur. J’atteins Hauteluce vers huit heures trente. Je suis en phase avec mon plan de marche, même un peu en avance. Je profite d’un SMS de Nathalie, qui est matinale, pour lui envoyer mes dernières photos et un message d’info sur ma progression.

La montée de sept kilomètres vers les Saisies n’est pas très longue. Par contre sa pente, m’avais fait un peu souffrir l’année dernière. Là, je suis bien, la pente autour de sept pourcents passe bien. Je ne vois même pas la route défiler. Je prends un grand plaisir à me hisser vers les Saisies. Pour l’occasion, j’avale quelques bonbons Haribo saveur coca-cola acheter la veille. Je savoure ! Arrivé aux Saisies, je réalise un arrêt épicerie pour me ravitailler. C’est assez sommaire mais efficace : une barquette de tranches de saucisson à l’ancienne, un paquet de bonbons et une citronnade. J’envoie un nouveau SMS à Nathalie, et un message sur le WhatsApp de la Team.

Dix heures, c’est reparti pour une belle descente vers Flumet et la vallée. Je suis en avance sur mon plan de marche. Praz-sur-Arly, Megève, Combloux… Les villes défilent ! Ça sent l’écurie, les jambes sont légères. Je savoure vraiment cette dernière journée et avales comme un rien les raidards qui se présentent. Bien caler sur les prolongateurs, je déroule, Sallanches, Magland, Cluses… Un petit coup de chapeau à Pascal Bride pour avoir intégré une portion de Gravel juste avant Cluses. Il fallait y penser et pour nous, il fallait rester concentré pour ne pas aller tout droit. Bon ce petit détour champêtre m’a quand même conduit à devoir m’arrêter pour retirer une branche qui s’est enroulée dans mon moyeu arrière. 

Scionzier marque le début de l’ascension du col de la Colombière. Ce col est inconnu pour moi. Aussi, je me suis renseigné. Tous les avis convergents attention aux deux derniers kilomètres. « Ça pique, c’est long, tu vois le refuge au sommet, mais tu as l’impression de ne pas avancer… » Je me prépare donc à un combat avec la pente. Il y a une fontaine au Reposoir, ensuite, il faudra attendre le sommet pour ravitailler.

J’entame la montée sereinement. Jusqu’au Reposoir, j’ai neuf kilomètres d’ascension avec des pentes qui oscillent entre deux et huit et demi-pourcents. Avec de belles parties où l’on peut récupérer. À partir du Reposoir, la pente se redresse nettement sur cinq kilomètres entre huit et neuf pourcents pour nous acheminer vers le final à dix et demi-pourcent de moyenne sur deux kilomètres. Le revêtement rend bien. Je déguste cette dernière ascension. Les paysages sont sublimes. La circulation n’est pas très dense, du coup, je peux vraiment profiter des paysages et réaliser quelques photos. J’arrive assez rapidement au Reposoir et en profite pour refaire le plein des bidons. Il y a peu de monde dans les rues. Le village est calme. Dès la sortie de ce dernier, les premiers lacets se présentent, et comme prévu la pende se redresse. Comme tout au long de l’épreuve, je monte aux sensations mais cette fois-ci au rythme des chansons de Lady Gaga, ça envoie ! Au détour d’une courbe, les derniers kilomètres se dévoilent à flanc de montagne. Je réalise une photo et me lance. Le début de la rampe reste acceptable. Nul besoin de passer en danseuse. Mais un peu avant de petits lacets les choses changes. La pente se redresse effectivement. Le chalet au sommet apparaît, disparaît, réapparaît… J’alterne entre position assise et en danseuse et progresse lentement. Malgré tout, je ne ressens pas le besoin de zigzaguer pour adoucir la pente. Après de longues minutes d’effort, j’atteins enfin le sommet. J’immortalise mon arrivée avec une photo que je m’empresse d’envoyer à Nathalie et à la Team. Je prends même le luxe de prendre deux diabolos menthe avant de m’élancer vers le Lac d’Annecy. J’échange avec Nathalie qui se trouve à Annecy. Nous nous calons pour l’heure d’arrivée, que je repréciserai lorsque je serai a Thônes. 

Je m’élance pour une belle descente. Je la savoure ! L’Euphorie me gagne. Par moments, je laisse échapper quelques larmes de bonheur, car maintenant, c’est sûr, c’est fini ! Dans moins de deux heures, je vais franchir la ligne d’arrivée. Je laisse rapidement derrière moi le Chinaillon, le Grand-Bornand, Saint-Jean-de-Sixt. À Thônes, je rappelle Nathalie, je vais arriver plus vite que prévu… J’atteins enfin les rives du Lacs d’Annecy, l’eau est d’un beau bleu turquoise. La circulation est dense et compliquée. Je dois rester concentré sur le tracé du parcours. Arrivé à Doussard, je suis impatient de retrouver Nathalie et de franchir la ligne d’arrivée et de clore ce sublime parcours, cette belle aventure. Un bonheur n’arrive jamais seul, et lorsque je débouche sur le site d’arrivée, je découvre avec une joie immense que Nathalie n’est pas venue seule. Ma fille Emilie et mes trois petits-fils sont là également. Je tombe dans leur bras et laisse encore échapper quelques larmes de bonheur. 

Quelques chiffres

Quatre jours, neuf heures, vingt-sept minutes et trente-cinq secondes, c’est le temps qu’il m’aura fallu pour clore les 1066 kilomètres du parcours et franchir les 20 888 mètres de dénivelé positif. Cette aventure fut exceptionnelle et sublime. La préparation fut longue, les doutes souvent présents. Mais une fois lancé, j’ai vraiment pris un grand plaisir à cheminer et à franchir toutes les difficultés.

S’inscrire sur le format solo et en autonomie nous impose de devoir tout gérer. Sur 105 heures de 27 minutes d’épreuve, le temps passé à pédaler s’établit à 61 heures. Les 44 heures de pause ont été consommées par les arrêts, dont 13 heures et vingt minutes à dormir, et 31 heures à manger, m’hydrater, faire les emplettes, me changer pour affronter les conditions météo changeantes, à préparer le bivouac ou la nuit, consulter la météo, etc…

Ma vitesse moyenne de déplacement, avec un vélo à 14 kilogrammes, s’établit à 17,5 km/h.

Ma fréquence cardiaque moyenne s’établie à 116 pulsations par minute avec un max à 173.

J’ai brûlé 32.742 kilocalories, pas mal pour maigrir !

Côté températures les écarts s’établissent ainsi, minimale 7°C, maximale 42°C moyenne 23,2 °C.

Remerciements :

Mes premiers remerciements iront vers Nathalie, qui m’a toujours soutenu même si parfois les contraintes de la préparation étaient lourdes. Je sais que nous laisser ainsi partir sur une telle aventure et un défi sportif et montagnard, où nous roulons de jour comme de nuit n’est pas simple pour nos proches qui restent à la maison. L’inquiétude est toujours présente, même si avec l’expérience elle s’attenue un peu. Ma réussite est aussi la sienne, la tienne ! Nous avons formé, nous formons une belle équipe. Un grand merci à toi !

Quelques mois avant l’épreuve, j’ai été victime d’une tendinite du tendon d’Achille. Cette dernière aurait pu hypothéquer ma participation à cette belle épreuve. Trois praticiens sont intervenus pour me remettre d’aplomb et me permettre d’atteindre mes objectifs dans des délais très courts. Tout au long de l’épreuve à aucun moment, je n’ai ressenti de gêne ou de douleur, et ce, malgré des efforts prolongés, l’enchaînement des ascensions et les changements météo. Je tiens donc à les remercier chaleureusement. Il s’agit notamment de Karin Stephan kinésithérapeute, qui m’a permis de sortir par le haut de cette mauvaise tendinite. De Jérémie Rebelo, podologue, qui en deux séances a identifié et résolu mes soucis d’appuis plantaires, qui outres ma tendinite, généraient également des douleurs au niveau de la voûte plantaire autour de six à huit heures de vélo. Grâce aux semelles orthopédiques qu’il m’a confectionné, ces douleurs ont disparu. Pouvoir s’engager sur une épreuve de 1100 kilomètres montagnarde en oubliant ce risque de douleurs est vraiment un plus et un grand soulagement. La troisième praticienne est Chloé Laizeau ostéopathe. Elle est notamment intervenue au début pour ma tendinite, puis régulièrement pendant ma préparation sur mon souci de bassin qui vrille et pour libérer des points de contracture et des blocages articulaires. Ses conseils d’exercices pour limiter les contractures et prévenir les blocages articulaires ont été d’un grand secours pendant l’épreuve. Encore un grand merci à eux !

Dans les ascensions, outre la pente, le cycliste à un ennemi : le poids et notamment son surpoids corporel ! Or par définition, une épreuve en solitaire et en autonomie conduit à surcharger sa machine. Pour des raisons physiologiques et de poids total roulant, il est donc primordial d’arriver sur l’épreuve avec son poids de forme. Or, comme beaucoup, je sors généralement de l’hiver en situation de surpoids. Il est assez tentant de résorber ce surpoids en s’imposant un régime alimentaire strict. Malheureusement, ce genre de régime conduit trop souvent à des évictions et donc à des déséquilibres et parfois même à une fonte musculaire, ce qui est contre productif. J’ai donc décidé de me faire aider dans cet aspect primordial de la préparation qu’est la diététique et qui consiste à avoir une alimentation saine et équilibrée tout en faisant baisser sa masse grasse. Enfin, passer la ligne d’arrivée, la diététique est souvent oubliée dans la phase de récupération. Nous aurions même plutôt tendance à nous relâcher ! Or, le plan alimentaire qui m’a été proposé pour les trois jours d’après course, a favorisé ma récupération musculaire en l’espace d’une semaine, quand il m’avait fallu trois semaines lors de ma RAF Île-de-France 500 de 2019. Cela va me permettre de reprendre plus rapidement mes séances structurées en vue des 7 majeurs sur lesquels j’ai prévu de m’élancer début septembre. Je tiens donc à remercier Virginie Claveau Gallard diététicienne, pour l’accompagnement alimentaire dans ma phase de préparation, de course et post-course. Arriver sur l’épreuve comme la Race Across France avec mon poids de forme était l’objectif. Je pense que nous y sommes parvenus, sans mettre à mal mes capacités physiques bien au contraire. De même, pouvoir m’appuyer sur ces conseils alimentaires pendant la course a été d’un grand secours passé Saint-Jean-en-Royans. Encore un grand merci à elle. J’espère qu’elle ne m’en voudra pas d’avoir intégré des bonbons dans mon alimentation d’effort lors des deux derniers jours…Hihi.

Plus qu’un club, la Team Cyclosportissimo est un regroupement de copains autour d’une passion commune la longue distance sur un vélo. La camaraderie au sein de la Team n’est pas un vain mot et s’exprime sur l’ensemble des épreuves où des membres s’alignent. Conseils, encouragements accompagnent notre progression via les réseaux sociaux dédiés. Ça aide dans les passages à vide, et ça nous donne des ailes lorsque tout va bien. J’adresse donc un grand merci aux membres de la Team Cyclosportissimo pour leurs conseils et leurs encouragements. J’ai une pensée particulière pour tous les copains qui ont été contraints à l’abandon en raison de la chaleur ou de soucis logistiques liés à l’aiguillage des « drop bag » par l’organisation de course. Comme je l’ai déjà dit nous n’avons pas été meilleurs que vous, nous avons surtout été plus chanceux de ne pas tomber sous les coups de l’homme au marteau. Ce qui doit d’ailleurs nous inciter à rester humbles…

Enfin, j’adresse un grand merci à toutes celles et tous ceux qui m’ont adressé des encouragements tout au long de l’épreuve. Vous lire sur les réseaux sociaux m’a parfois boosté, encouragé ! Sur une épreuve comme la Race Across France, se sentir soutenu et supporter est un plus pour se surpasser dans l’effort ! J’aurais aimé vous faire vivre encore plus la course de l’intérieur, mais il n’est pas simple de rédiger des posts pendant l’épreuve. Encore un grand merci à vous !

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