Comme annoncé depuis quelques mois, ma saison 2024 s’oriente vers une nouvelle forme de pratique de la longue distance à vélo. Ma décision n’est pas définitive, mais pour un temps au moins, j’aspire à prendre un peu de recul avec les épreuves longues distance de masse pour aller vers des organisations plus intimistes. Aujourd’hui, j’ai besoin de rouler en solitaire, de me retrouver et de faire le point. En solitaire et sans assistance, on redevient soi, on peut se recentrer sur ses simples besoins essentiels et sur ses sensations. On peut méditer, réfléchir, et même se laisser aller à ne penser à rien ! On oublie pour un temps les soucis, pour regagner en sérénité. Et j’ai aussi besoin de retrouver ce plaisir de rouler de longues heures, de voir la route défilée, de vivre de belles aventures, de profiter des paysages, des levers et couchers de soleil. Les Diagonales de France me semblent être un bon support. Surtout, elles n’ont rien à envier aux épreuves de masse. Elles sont toutes aussi passionnantes et offrent de belles aventures sportives et d’une belle opportunité de se dépasser en y prenant plaisir. C’est juste un autre format !
Les diagonales de France sont régies par l’Amicale des Diagonalistes de France. Au nombre de neuf, elles consistent à relier à vélo ou toute machine mue par la seule force musculaire, dans des délais impartis, deux sommets non-consécutifs de l’Hexagone français. Chaque “ Diagonale ” constitue une randonnée indépendante pouvant être effectuée dans l’un ou l’autre sens. Les sommets de l’hexagone sont : Dunkerque, Strasbourg, Menton, Perpignan, Hendaye et Brest.
Pour découvrir et m’adapter aux règles de cette nouvelle activité tout en développant ma stratégie personnelle, je m’élancerai tout d’abord sur la diagonale Brest – Strasbourg. Elle n’est pas forcément la plus belle, mais elle semble adaptée à une première expérience. Et si le dénivelé n’y est pas trop important, le vent peut y jouer un rôle important. Pour la seconde, il s’agira de la diagonale Dunkerque – Perpignan. Je m’y élancerai, fin août, peut-être en duo avec un copain de la Team Cyclosportissimo. Rien n’est encore arrêté, lui doit se jauger sur deux aventures et moi me rôder sur ma première diagonale.
Les Diagonales de France sont présentées comme « des randonnées longues distance de la FFCT qui privilégient l’esprit randonneur ». Elles doivent être réalisées en totale autonomie. À chaque diagonale, correspond une distance de référence et un délai maximal pour l’homologation. À titre d’exemple, pour ma diagonale Brest-Strasbourg, que je réaliserai dans un mois, la distance de référence est de 1050 kilomètres, et le délai maximal pour atteindre Strasbourg depuis Brest est de quatre-vingt-huit heures. Pour ma seconde diagonale Dunkerque-Perpignan, les délais seront de cent heures pour 1190 kilomètres avec le massif central en travers de la route.
Lors de la préparation de ma diagonale Brest-Strasbourg et pour m’imprégner de l’expérience des diagonalistes avertis en m’assurant de ne rien omettre dans la planification de mon parcours, je suis allé flâner sur le Podcast « Diagonale de France – randonnées de longue distance à vélo ». Au gré des différents épisodes, j’y ai découvert que bon nombre de diagonalistes confirmés s’accordent à déclarer que : « pour réussir une diagonale, il est impératif d’optimiser ses arrêts et de les limiter au strict nécessaire ». Certains se nourrissent même uniquement de barre et de gels énergétiques pour ne pas avoir à perdre de temps à se ravitailler et garantir l’homologation de leur périple.
Un autre paramètre apparaît important dans la planification de la feuille de route d’une diagonale, il s’agit de la marge de temps. Elle correspond à la différence entre le temps que l’on prévoit de mettre pour parcourir la totalité de la diagonale, arrêts compris, et le délai maximal pour l’homologation. Elle constitue effectivement une marge de sécurité pour faire face à un éventuel incident ou un phénomène météorologique violent sans remettre en cause l’homologation. Elle est d’autant plus importante que le candidat diagonaliste doit annoncer sa date et son heure de départ au moins un mois avant au délégué Fédéral. Il n’est alors plus possible de les modifier et il seront pris en référence pour contrôler le respect des délais d’arrivée et l’homologation, et ce, quelles que soient les conditions météorologiques qui pourraient être rencontrées tout au long du parcours.
De primes abords, ces composantes n’incitent pas à flâner ! S’arrêter quelques minutes pour contempler un point du vue, un monument, un paysage, un animal sauvage, un coucher ou lever de soleil ne semblent pas au programme de nombreux diagonalistes lorsque l’on écoute les podcasts. Tout cela donne une notion toute relative au terme de randonnée.
Si j’apprécie de rouler, calé sur les prolongateurs, en position aéro et en recherchant les meilleures sensations, je n’ai pas l’intention de rouler la tête dans le guidon, le nez collé sur le chronomètre du compteur, en me nourrissant comme un coursier de barres ou de gels énergétiques. J’aborderai donc chaque journée comme une séance d’entraînement longue distance. En préparant au mieux ma progression en amont pour éviter de perdre du temps inutilement sur la route à chercher un commerce, un point d’eau, un point de contrôle. Cela me permettra de profiter sereinement de ma progression, des paysages, de mes sensations. Bref, de chaque instant qui passe ! Je vais essayer de laisser une grande place à l’aventure, aux sensations, aux envies, aux fantaisies, à la méditation. Si l’optimisation des arrêts est bien prise en compte, elle ne sera pas non plus une obsession ! Côté alimentation, le sandwich restera le traditionnel repas du midi, mais celui du soir sera complet et orienté plaisir. Le bonheur est aussi dans l’assiette après une belle journée de vélo !
Pour ma diagonale Brest-Strasbourg, ma marge de sécurité s’élève à sept heures. Elle devrait me permettre de gérer les événements inopinés. Mais surtout, j’ai fait le choix de gérer ma progression au jour le jour, en adaptant mon heure de départ à la difficulté et la météorologie du jour ainsi qu’à mon niveau de fatigue. Après échange avec mon copain diagonaliste de la Team Cyclosportissimo, j’ai abandonné mon projet de réserver des hôtels. Il y est souvent difficile de sécuriser son vélo et ses sacoches alors que notre machine, interdite en chambre, doit être remisée dans un couloir accessible au plus grand nombre. Il y est également difficile d’obtenir un petit-déjeuner à quatre heures du matin et parfois, l’idée même d’un thermos de café et de quelques tartines de pain sur un plateau semble compliqué, pour ne pas dire incongru. Contrairement à ma philosophie, il n’y a que les ânes qui ne changent pas d’avis, j’ai opté pour des Airbnb. Je serais ainsi plus libre sur les horaires d’arrivée et de départ. Je pourrais gérer mes trois premières journées de trois-cents kilomètres en étant libre et serein !
Définir son parcours peut paraître aisé et constituer un élément favorable à sa propre organisation. L’aventure débute bien souvent en s’égarant sur une carte à chercher une belle trace originale, les points remarquables à visiter, les monuments à border pour leur beauté en ayant toujours à l’esprit qu’il faudra aussi construire son reportage photos. Mais cette phase peut vite devenir bien plus compliquée qu’il n’y paraît. En effet, il faut essayer de rester le plus proche possible de la distance de référence prévue par le règlement, en jouant sur la distance et le dénivelé positif pour ne pas se pénaliser.
Définir son parcours, c’est surtout choisir les bonnes voies, même si toutes les voies mènent à Rome ! Il y a les routes, les vraies, les goudronnées : les nationales, les départementales, les communales. Pour ma sérénité, je cherche surtout celles où la circulation est moins soutenue « les routes blanches ». Mais parmi ces dernières, il y a les anciennes routes qui n’ont de route que le nom. Ce sont toutes ces voies où nos ancêtres se déplaçaient à cheval ou en voitures hippomobiles et qui ont garder officiellement le nom de route. Elles figurent souvent avec cette dénomination sur les cartes et applications. Cependant, une fois lancé, notre compteur nous les annonce en « route sans revêtement », car elles ne sont que de simples chemins agricoles ou forestiers qu’il est bien compliqué d’emprunter avec un vélo de route chargé ! Il faut contrôler, re contrôler chaque modification apportée en utilisant tous les outils à notre disposition, tels que Garmin Connect, OpenRunner, QGIS, Google Earth. L’amicale des Diagonalistes met à la disposition de tout candidat, une représentation des parcours déjà empruntés par nos prédécesseurs. C’est une aide véritable et il y a pléthore de traces ! Cependant, les jours et les heures de départ ne sont pas forcément identiques. Il faut alors éviter les routes nationales ou les départementales à camions, souvent les anciennes nationales, empruntées par certains prédécesseurs le week-end, alors que nous passons en semaine, voir empruntées dans la nuit alors que nous y passons aux heures de pointe en journée.
La définition de la route initiale n’est qu’une étape. Il convient ensuite, en se référant aux kilométrage, d’identifier des lieux de pointage qui doivent être répartis tous les cent-vingt kilomètres. L’exercice peut là aussi tourner au casse-tête, notamment lorsque notre diagonale croise une autre diagonale : la diagonale du vide ! Comment alors optimiser les arrêts lorsqu’il faudrait aussi y réaliser son ravitaillement liquide et solide et que les commerces ont désertés ces campagnes où que nos horaires de passage correspondent aux horaires de fermeture du rare commerce local. Trouver un tampon humide pour oblitérer notre carte de route et prouver notre passage peut vite se transformer en quête du graal. Il y a aussi les fermetures dominicales institutionnalisées des magasins qui peut varier considérablement d’un département à l’autre. J’ai ainsi le souvenir de ma RAF 2023 avec un dimanche compliqué dans les Vosges et en Alsace, suivi d’un lundi tout aussi compliqué dans le Jura. Je me retrouverais de nouveau dans cette situation sur l’avant dernier jour de ma diagonale Brest-Strasbourg. Il faut alors chercher les autres commerces éventuels, contrôler les heures d’ouverture, modifier la trace initiale, re contrôler chaque tronçon de route modifié pour ne pas se retrouver sur un chemin, re contrôler les distances, etc.
La traversée de certaines agglomérations, surtout aux heures de grandes affluences, peut aussi poser quelques soucis. Il y a notamment les sens interdits qui n’apparaissent pas sur les cartes, mais qui se mettent en travers de notre progression pour nous faire tourner en bourrique à suivre les sens uniques qui nous ramènent irrémédiablement à notre point initial, le tout dans un concert de klaxons des automobiliste locaux qui ne comprennent pas que l’on cherche à sortir du piège alors que nous sommes un peu perdus.
Après plusieurs semaines de travail, mon projet de diagonale Brest-Strasbourg semble abouti. Il est, en tout cas, validé par le délégué fédéral.
Etape 1 « Brest-Gorron » 24 mai 2024 : 311 km et 1892 m de dénivelé positif. Pointage carte de route : Brest, Guingamp, Combourg, Gorron.
Etape 2 « Gorron – Livry » 25 mai 2024 : 297 km et 1538 mètres de dénivelé positif. Pointage carte de route :Saint-Pierre-des-Nids, Fontaine-la-Guyon, Chailly-en-bière.
Etape 3 « Livry – Haroué » à travers la diagonale du vide 26 mai 2024 : 297 km et 1391 mètres de dénivelé positif. Pointage carte de route : Ormes, Houdelaincourt.
Etape 4 « Haroué – Strasbourg » 27 mai 2024 : 143 km et 781 mètres de dénivelé positif. Pointage carte de route : Raon-l’Étape, Strasbourg.
Vous pouvez retrouver les Podcast « Diagonale de France – randonnées de longue distance à vélo » à l’adresse suivante : https://www.podcastics.com/podcast/diagonalistes/
Pour en savoir plus sur le règlement, je vous invite à consulter la page de l’Amicale des Diagonalistes de France
Maintenant, place à l’aventure… Mais cela est une autre histoire…
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