La Look Marmotte Granfondo des Pyrénées

Classé dans : Non classé | 0

Le Tourmalet n’est pas un col comme les autres. Pour les passionnés, c’est un sommet mythique qui appartient depuis plus d’un siècle à la mythologie du cyclisme et du Tour de France. Gravi pour la première fois et à deux reprises, le 18 août 1902 lors du « concours de bicyclette de tourisme » organisé par le Touring club de France, le Tourmalet ne cesse depuis de marquer l’histoire du cyclisme. Etudier le parcours d’une épreuve comme la Look Marmotte Granfondo des Pyrénées, conduit à se replonger dans le passé. Le 21 juillet 1910 a lieux la dixième étape du Tour de France. Le Tourmalet est gravi pour la première fois par les « forçats » de la route. Octave Lapize passe en tête au sommet du Tourmalet et remporte l’étape. Devant la dureté de cette dernière, il traitera à plusieurs reprises les organisateurs d’assassins. Trois ans plus tard, le 9 juillet 1913, la sixième étape conduit les coureurs de Bayonne à Luchon. Eugène Christophe, y fait preuve d’un courage exceptionnel et d’une abnégation à toute épreuve. Après avoir brisé sa fourche dans le haut de la descente du Tourmalet, il franchira à pied, vélo sur l’épaule, les quatorze kilomètres qui le séparent d’une forge de Sainte-Marie de Campan où il réparera seul sa fourche, pour enfin repartir et finir l’étape. S’il perdra toutes ses chances dans le Tour 1913, il entrera par la grande porte dans la légende du Tour de France.

Aujourd’hui les routes menant au sommet du Col du Tourmalet sont goudronnées. Elles sont empruntées quotidiennement, dès les beaux jours venus, par une myriade de cyclistes venu affronter les pentes du Géant des Pyrénées. Défier le Tourmalet reste toujours une belle sortie sportive, un Graal pour beaucoup. Alors le gravir par ses deux versants sur une même épreuve en les enchaînant tour à tour avec les ascensions de la Hourquette d’Ancizan, de l’Aspin et de Luz-Ardiden c’est l’assurance d’une belle épreuve humaine et sportive. Et c’est justement le défi que nous proposait cette troisième édition de la Look Marmotte Granfondo des Pyrénées. Pouvais-je rester indifférent à un si beau parcours ? Non, assurément non ! Un amoureux de la montagne, un passionné de cols et un aventurier des pentes dois un jour venir se tester sur un tel parcours. C’est presque un passage quasi obligatoire, un parcours initiatique vers des épreuves toujours plus longues et toujours plus accidentées. Être un « cyclogrimpeur » se vit dans la pente, j’en fus donc…!

Ce dimanche 26 août 2018, il n’est pas encore sept heures lorsque je quitte Arras-en-Lavedan pour rejoindre Argelès-Gazost et la ligne de Départ. Le soleil est encore blotti derrière la ligne d’horizon. Aussi, lorsque je m’élance l’aube se lève à peine et les massifs montagneux ne sont encore que des masses sombres dans la pénombre. Il est difficile de distinguer nettement l’état du ciel. Les dix degrés de température me saisissent, j’ai presque froid. Sur la D918, de petits groupes descendent des villages situés en amont. Plus nous approchons d’Argelès et plus le nombre des cyclistes augmente. Dans Argelès certains cherchent leur route, d’autre déjeunent à la terrasse d’un café. Mais comme le plus grand nombre, je rejoins l’avenue Jules Dambe. Nous sommes déjà nombreux ! Le départ est donné à sept heures et trente-cinq minutes… Les premiers kilomètres servent de véritable échauffement. Inutile de gaspiller des forces avant la première ascension du Tourmalet. Comme sur beaucoup d’épreuves qui se caractérisent par de longues distances et des dénivelées positives importantes, l’allure de départ n’est pas très élevée. Elle oscille autour de trente kilomètres par heure. La sélection se fera dans les montées. Nous atteignons rapidement Pierreffite-Nestélas. La route s’élève un peu. En sortie du village, nous entrons dans la vallée escarpée de Luz. Les crêtes ne laissent pas encore passer les rayons du soleil. La douce musique du Gave de Pau remonte parfois jusqu’à nos oreilles. La vue est sublime…

Lorsque nous arrivons à Luz-Saint-Sauveur l’ambiance est chaleureuse. Un public joyeux nous encourage sur le bord de la route. Des supporters de différentes nationalités acclament leurs représentants nationaux agitant quelques étendards tantôt gallois, tantôt belge ou hollandais… Des familles entières sont sorties sur le pas de leurs portes pour nous encourager. Ce bouillant tintamarre nous donne du courage pour affronter la première ascension du jour, le merveilleux Tourmalet. Seuls quelques automobilistes semblent agacés par notre présence et par les motards qui sécurisent notre progression. Nous roulons encore dans un gros paquet. La sélection ne s’est pas encore faite, mais cela ne va plus tarder… L’ascension débute officiellement au carrefour entre la D921 et la D918. 

J’ai déjà gravi à plusieurs occasions le Tourmalet, mais jamais depuis Luz-Saint-Sauveur. Ce sera donc une première pour moi. Pour certains, c’est le versant le plus difficile. Cependant, si l’on se réfère à la pente moyenne les ascensions par les deux versants sont assez similaires. Par Luz-Saint-Sauveur, il y a en fait deux passages considérés comme difficiles : la sortie de Barrèges et le final avec une pente moyenne à plus de dix pour cent et des passages à douze. Sur le dernier kilomètre on atteint même les treize pour cent notamment sur les dernières rampes. Le seul répit dans l’ascension se situe aux abords de Super Barrèges où nous aurons quelques hectomètres pour récupérer un peu.

Nous laissons la D921 partir en direction de Gavarnie et nous entrons sur la D918. Si une plaque matérialise le début de l’ascension, c’est surtout la pente qui en s’élevant permet d’identifier le début du chantier. Les dérailleurs s’activent. Tout le monde descend sur le petit plateau et prend quelques dents à l’arrière. Les paquets s’étirent maintenant progressivement. La vallée s’ouvre largement et laisse passer le soleil qui illumine notre route et nous réchauffe un peu. Nous progressons entre le massif de Néouvielle sur notre droite et, celui du Soum de Lascours sur notre Gauche. Au loin la vallée se ferme sur le Pic du Midi de Bigorre et le Taoulet même si nous n’apercevons pas encore l’aiguille pic du Midi.

Le ciel, d’un bleu resplendissant, contraste avec le minéral et le vert des estives. La vue est superbe. Un peu plus haut sur notre gauche une cascade s’écoule à flanc de montagne. Sa blancheur sur le brun de la roche attire immanquablement le regard. Nous atteignons rapidement les hameaux d’Esterre, puis de Viella. Petit à petit le peloton s’étire et quelques groupes se créent. J’essaye de m’en tenir à ma stratégie : ne pas partir trop vite, contrôler tout au long et arriver dans les délais au pied de la montée sur Luz-Ardiden. La porte horaire se fermera à 18h30. Il ne sera alors plus possible de poursuivre en direction de la station de ski. Je compte gérer en contrôlant ma puissance développée. Mes séances en côte de juillet et août m’ont permis d’affiner ma puissance fonctionnelle qui correspond à la puissance moyenne développée sur soixante minutes. Ce seuil, qui s’élève pour moi à 223 Watts, sera ma puissance moyenne cible sur l’ensemble des ascensions du jour.

Passé Viella la pente reprend environ deux pour cent. La traversée de Barrèges et surtout ses passages à dix pour cent ne sont pas si terribles. Seul un véhicule qui essaye de forcer le passage nous contraint de mettre pied à terre et ensuite à redémarrer en côte en y laissant quelques watts… aux abords de Super Barrèges nous avons quelques centaines de mètres pour récupérer. Une fois passé la station de ski et ses lacets, nous entrons dans les estives et la partie pastorale du Tourmalet. Dans la montée les animaux en liberté ne posent guère de souci. Au contraire, ils animent la montée de leur présence et de leurs sonnailles. Il n’en sera pas de même dans les descentes où il faudra veiller à ne pas les percuter.

Au détour d’un lacet, le Pic du Midi de Bigorre apparaît. Sa longue antenne blanche pointe vers le ciel, comme pour nous inviter à lever la tête. Nous ne pouvons pas encore apercevoir précisément les dernières rampes qui mènent au sommet du col. La fraîcheur facilite notre progression et nous évite de monter en température. Les lacets s’enchaînent. Encore quelques efforts, pour franchir les dernières pentes, et le sommet se dévoile. Les dernières portions de pentes se distinguent de plus en plus nettement. Ce sont les plus rudes de cette première ascension. Comme beaucoup, je les franchis en danseuse. Au beau milieu de la dernière courbe, à droite, Octave le « Géant du Tourmalet », lui aussi en danseuse, se dévoile enfin rayonnant dans un soleil matinal. La première ascension du jour et du Tourmalet se termine. J’ai convenu avec Nathalie, de lui adresser une photo à chaque passage sur un col. Je me plie donc à cet engagement, et hop premier SMS du jour ! Je profite du premier point de ravitaillement pour compléter mes bidons et revêtir mes manchettes et gilets coupe-vent. Je m’élance alors dans la descente vers Sainte-Marie-de-Campan.

Les plus de dix-sept kilomètres de descente vers Sainte-Marie-de-Campan sont agréables. La route rend bien. Au début sinueux, son profil devient plus rectiligne à l’approche de la Mongie. La vitesse monte alors rapidement. Au plus fort de la pente, j’atteins les soixante-et-onze kilomètres par heure. Seule la traversée de la Mongie nécessite de ralentir et de se concentrer sur l’environnement urbain, mais dès les paravalanches la vitesse repart de plus belle. Les courbes sont belles. Bascule du vélo dans les virages, travail des trajectoires pour ne pas perdre trop de vitesse. Je remonte encore quelques places et surtout je reprends un peu de temps sur le chronomètre, tout en prenant du plaisir. Vingt-sept minutes plus tard, nous arrivons à Sainte-Marie-De-Campan et passons rapidement devant la statue d’Eugène Christophe brandissant sa fourche. Au carrefour avec la D935 nous virons à droite sous la protection des signaleurs, et entrons dans la Haute Vallée de l’Adour en direction de Payolle et du Col d’Aspin. Certains concurrents font le choix de s’arrêter pour compléter leur bidons.

Passé le carrefour, la pente repart à la hausse avec une moyenne de sept pour cent sur un peu plus d’un kilomètre. Je roule maintenant avec un concurrent espagnol inquiet de rouler vers le col d’Aspin et qui pense s’être trompé de parcours : « nous devrions d’abord gravir la Hourquette d’Ancizan ! ». Je le rassure, nous sommes bien sur le parcours en direction de la Hourquette que nous allons gravir effectivement avant le col d’Aspin. Un peu après la Séoube un raidar vient nous rappeler que nous sommes sur une épreuve de montagne. La pente s’élève brutalement à neuf pour cent nous forçant à nous mettre en danseuse. À l’entrée du  hameau de Payolle, nous virons à droite sur le plateau du même nom et entrons sur la route forestière de la Hourquette d’Ancizan. Le profil s’aplatit. Nous en profitons pour récupérer. Le plateau est une estive baignée par le lac de Payolle. La présence des troupeaux et du lac en font un lieu d’attraction pour les touristes et randonneurs. Au loin devant nous, la forêt semble reprendre ses droits et annonce la reprise de la dénivelée positive. La pente s’élève maintenant à cinq pour cent. Après ces quelques hectomètres de récupération sur le plateau de Payolle, les dérailleurs s’activent de nouveau pour amortir la dénivelée. C’est parti pour presque dix kilomètres de montée. Les paysages sont sublimes et viennent un peu égayer cette montée irrégulière avec de gros changements de pente de deux à douze pour cent qui font mal aux jambes. Nous nous étirons en une longue file ininterrompue de cyclistes. Passé la première partie de forêt, nous débouchons sur de nouvelles estives avec une grande ligne droite qui se ferme à son extrémité par une épingle à gauche suivi d’une belle rampe. Au-dessus les concurrents disparaissent de nouveau sous le couvert des résineux. Je franchis assez facilement les passages à douze pour cent. Après une courbe à droite nous attaquons une courte descente. Au détour d’un virage, deux ânes se reposent blotti l’un contre l’autre au beau milieu de la route et peu impressionnés par notre présence. Nous les esquivons en passant à gauche et à droite, alors que certains concurrents s’arrêtent les prendre en photo, je continue ma route. La descente de courte durée prend fin par une courbe de quatre-vint dix degrés à droite. Le sommet du col est déjà visible. A sa vue, l’effort se fait moins prégnant, toute la concentration se porte sur le point de ravitaillement et le paquet de cyclistes qui s’y trouve. La deuxième difficulté du jour est maintenant derrière nous. Place à la descente vers Arreau. Cette dernière est beaucoup moins belle que celle du Tourmalet. Très technique, elle autorise peu les pointes de vitesse sur une route qui ne rend pas bien et qui est parfois un peu caillouteuse ou gravillonneuse…

A Cadéac, nous trouvons le premier point de ravitaillement solide. Le suivant se trouve dans la dernière ascension vers Luz-Ardiden. Ce premier « ravito » est donc stratégique. Il doit donc nous permettre d’éviter la fringale dans l’ascension des cols d’Aspin puis du Tourmalet. Ne pas s’y arrêter me semble pas raisonnable. J’avale donc mes traditionnels casse-croûtes au camembert agrémentés de quelques tranches de mortadelle. Mon repas se clôt d’une banane. J’emmène d’ailleurs une demie banane avec moi en cas de petite faim. Je repars après quelques minutes d’arrêt. A l’entrée d’Arreau, nous bifurquons à gauche en direction du col d’Aspin. Je connais bien l’ascension de ce col par Arreau pour l’avoir déjà gravi à plusieurs reprises. Ce n’est pas une ascension à proprement parlé difficile. Mais lorsque la chaleur s’en mêle, elle peut vite devenir harassante d’autant qu’à ma connaissance, il n’y a pas de fontaine pour compléter les bidons. Le seul arrêt possible est un bar restaurant pour randonneurs qui se trouve à mi-pente. La première partie de l’ascension commence sous la protection de grands platanes et feuillus. Mais très rapidement nous quittons l’abri des grands arbres. Le soleil est au zénith. Il tape fort, très fort ! Il va falloir mettre en place une bonne stratégie d’hydratation et gérer les bidons jusqu’au sommet du col. Je me cale donc sur une gorgée toutes les dix minutes. Sur une montée sèche, le col d’Aspin est assez agréable à gravir. Sur la Marmotte Granfondo des Pyrénées, il se gravit en troisième position et précède la deuxième ascension du Tourmalet. Si la fatigue commence à y faire son oeuvre, il faut surtout gérer son effort pour ne pas craquer dans le Tourmalet puis dans la montée de Luz-Ardiden. Je reste donc fidèle à ma stratégie et continu de gérer ma progression au moyen de mon capteur de puissance. Pour le coup, si je sens les effets de la fatigue, je ne suis pas encore exténué. Néanmoins, l’absence de vent rend difficile la montée sous la chaleur. Au loin nous commençons à apercevoir le col, ou plutôt les véhicules qui y montent ou en descendent. Car, il est pour l’instant difficile d’apercevoir nettement la fin de l’ascension. Un concurrent s’arrête au bar situé à mi-pente, d’autres s’arrêtent quelques secondes à l’ombre pour reprendre quelques forces. J’en ferais autant pour manger ma demie banane et profiter un bref instant des paysages. Les troupeaux semblent absents, en tout cas nous ne percevons pas les sonnailles qui enchantent traditionnellement cette montée. Je les imagine à l’ombre en pleine sieste. J’atteins enfin le sommet du col, bien heureux de trouver un ravitaillement en eau pour m’abreuver et remplir mes bidons.

La descente du col d’Aspin annoncée comme dangereuse par l’organisation est pour moi une source de régénération mentale et physique. Prendre de la vitesse, mouliner et sentir l’air me fouetter le visage fait un bien fou. Ma connaissance du secteur me permet de lâcher les freins et de profiter de la pente pour reprendre un peu de temps sur le chrono. A plus de quarante-deux kilomètres par heures, je mets sept minutes à rejoindre Payolle. Je retrouve alors l’affluence touristique. A deux reprises, je ronge mon frein pendant de longues minutes derrière des voitures. Certains conducteurs me laissent passer en serrant sur leur droite. D’autres ne sont pas décidés à me faciliter le passage. Sans doute ne s’imaginent-ils pas que je puisse rouler bien plus vite qu’eux dans les descentes. Je suis patient et attend le moment propice pour déboîter, en mode sprinteur, sans prendre de risques inconsidérés. J’y laisse à chaque fois quelques forces, mais c’est la seule solution pour ne pas perdre trop de temps sur le chrono. La vitesse remonte immédiatement. Il me faudra sept minutes supplémentaires pour atteindre le bas de la descente et approcher de Sainte-Marie-de-Campan. Sur la place de l’église Notre-Dames-de-l’Assomption, je profite de la fraîcheur de sa fontaine pour refaire le plein des bidons et me rafraîchir et m’aspergeant de son eau limpide. L’ascension du Tourmalet va être difficile, je le sais pour l’avoir déjà gravi plusieurs fois par ce versant. Comme beaucoup, je décide d’avaler une barre sous la statue d’Eugène Christophe. D’autres y attendent des collègues allongés sur le muret. Je m’élance pour plus de dix-sept kilomètres de montée sous le cagnard. Globalement jusqu’à Gripp tout va bien la pente n’est pas très élevée, ensuite elle s’élève progressivement. La chaleur nous assaille. Un concurrent abandonne son maillot « première peau » en le jetant dans le bas côté. Un autre a déposé le sien délicatement sur le rail de sécurité. Sa couleur rose fluo semble signaler un danger, mais il n’en n’est rien. D’autres profitent d’une cascade pour se rafraîchir. Pour ma part je me suis mis dans ma bulle et monte à mon rythme. Un peu avant le paravalanche de la Mongie je suis dans le dur ! La chaleur amplifie le ressenti de l’effort. Ma moyenne a chuté, je subis de plein fouet la chaleur. Je sais que je peux finir, mais compte-tenu de ma vitesse actuelle, je m’interroge : « serais-je dans les délais à la porte horaire ? » Le doute m’assaille…Je commence à douter de ma capacité à arriver à temps au bas de Luz-Saint-Sauveur. J’appelle Nathalie et lui propose de ne pas monter sur Luz-Arddien et je lui fais part de mes doutes. Elle semble surprise vu l’heure. Mais je ne m’en rends pas compte et me concentre trop sur ma vitesse actuelle et sur la distance qu’il reste à parcourir pour atteindre le sommet du Tourmalet. Par manque de lucidité, je me suis mis dans une situation de doute. Il faut que je récupère et fasse baisser ma température… Je me focalise sur une chose, boire un diabolo menthe à la Mongie. Je me concentre sur cette décision et visualise déjà le verre devant moi et le bienfait qu’il me procure ! Nous sommes plusieurs à monter vers la Mongie harassés par le pente et surtout la chaleur. Au niveau du premier paravalanche, je ne prend pas la route normale et longe le paravalanche par l’ancienne route afin d’éviter les voitures qui nous rasent. L’ombre du second paravalanche me redonne un peu de courage. J’atteins enfin la Mongie et m’arrête à la première terrasse. D’autres concurrents sont déjà attablés et d’autres encore arriveront après moi. Comme décidé, je commande mon diabolo menthe et m’installe au frais à l’intérieur. Le patron demande à sa serveuse de me servir également une bouteille d’eau fraîche. Boire trop frais n’est pas bon, car cela coupe le phénomène de sudation et contribuent ainsi à l’augmentation de la température corporelle. Mais à chaque gorgées du précieux breuvage, je sens la fraîcheur progresser dans mon tube digestif. Entre les gorgées, je colle le verre froid sur mon front en le faisant rouler pour faire redescendre ma température. Cela fonctionne, j’ai moins chaud ! Après quelques minutes, je complète mes bidons avec le reste de la bouteille et repars. Je gravis en danseuse la partie la plus difficiles de la Mongie. Certains passants m’encouragent. Passer les longs immeubles en sortie de la Mongie, je me retrouve presque seul avec les troupeaux environnants. Beaucoup de concurrents ne sont pas encore reparti de la Mongie. Au loin un concurrent progresse difficilement. Il est accompagné d’un véhicule suiveur qui s’arrête presque tous les cinq-cents mètres pour encourager le malheureux qui semble à la dérive. Après quelques minutes à observer le manège, je les double ! Si mes doutes vis à vis de la « porte horaire » ne se sont pas encore estompés, avec l’altitude qui augmente, la chaleur est moins accablante. Je retrouve quelques forces. Dans les dernières rampes plusieurs photographes nous attendent pour quelques photos au beau milieu des voitures qui montent et qui m’empêchent d’arrondir les courbes pour passer là où la pente est moins forte. Dans une des courbes, je suis contraint de prendre le virage à l’intérieur où la pente est la plus forte, mais vraiment plus forte. Je me mets en danseuse ! Sous l’effort, ma roue avant se lève et provoque une petite frayeur le temps d’un dixième de seconde. Des frissons parcourent ma colonne vertébrale et ma nuque. Dans un sens c’est bon signe, cela signifie que je peut encore envoyer les watts. Mais d’un autre côté c’est aussi un manque de concentration. Ne pas chuter, je ne dois pas chuter ! Je reprends mes esprits maudissant mon manque de lucidité. Les derniers lacets s’enchaînent. J’atteins enfin et pour la seconde fois de la journée Octave le Géant du Tourmalet qui est toujours en danseuse. Avant dernier SMS de la journée. Je ne regarde plus le chrono et je doute encore. En retour je reçois un message de ma chérie, il me fait du bien. Je m’élance dans la descente…

Le début de la descente du Tourmalet est assez technique avec une pente assez prononcée et des virages en épingle. Il faut jouer des freins. Puis petit à petit les courbes s’espacent et je peux alors laisser partir mains en bas du cintre, coudes, épaules et genoux rentrés pour obtenir le meilleur coefficient de pénétration dans l’air. La vitesse s’élève rapidement et frôle les soixante-dix kilomètre par heure. Dans les portions rectilignes je pédale pour essayer de prendre encore un peu plus de vitesse et éliminer l’acide lactique de la montée précédente. Je suis sur un petit nuage et savoure cette belle descente. Route large, revêtement lisse, pas de vent, tout est réuni pour faire une belle descente. Passé Super Barrèges, je dois relancer le vélo sur la portion plate pour ne pas perdre trop de vitesse. Quelques voitures me gênent au niveau du terrain de parapente. J’arrive à les doubler en sprint, mains en bas du cintre dès la sortie de la courbe. Je frôle de nouveau les soixante-dix kilomètres par heure. Seule une voiture m’a rattrapé avant Barrèges. Dans Barrèges, je ralentis pour être en capacité de faire face à tout imprévu. Bien m’en a pris, au détour d’une courbe une famille marche au beau milieu de l’avenue Louvois « Attention ne bougez pas, je passe sur la gauche ! »  La famille s’arrête et se retourne. Par bonheur ils ont compris et se sont fixés. Passé Barrèges, je peux me détendre à nouveau et ré-accélérer. La route est maintenant très large et les voitures ne peuvent plus me gêner. Les villages et hameaux défilent Sers, Betpouey, Viella… Après vingt-trois minutes de descente à plus de cinquante kilomètres à l’heure j’atteins Luz-Saint-Sauveur. A L’approche du carrefour où je dois virer à gauche, Nathalie apparaît sur la droite. Elle est là ! Je m’arrête… La voir me fait du bien cela me permet de positiver. Je n’ai plus regardé l’heure depuis la Mongie, Nathalie m’annonce alors : « tu as plus de quarante-cinq minutes d’avance avant la fermeture de la barrière horaire » puis m’encourage… Je repars et vire à gauche sous la protection des signaleurs. Comme toujours, j’en profite pour les remercier au passage en leur adressant un sympathique « merci ! ». Sur ce carrefour stratégique, ils font un travail exceptionnel. C’est parti pour la dernière ascension vers la station de Luz-Ardiden…

Sur cette Look Marmotte Granfondo des Pyrénées le final nous emmène à la station de ski de Luz-Ardiden, soit plus de quatorze kilomètres d’ascension avec une pente moyenne de huit pour cent. Lorsque l’on est un habitué des cyclosportives du Grand Trophée, on est jamais surpris par les finals toujours très compliqués. Cela est même une tradition du Grand Trophée, à chaque course son final difficile : la Planche des Belles Filles sur les Trois Ballons, Le Galibier sur la Super Granfondo Galibier – Izoard, la montée sur Vaujany pour la Vaujany… etc. Il faut donc toujours essayer d’en garder un peu sous la pédale pour terminer ces épreuves. La montée de Luz-Ardiden est de ces finals compliqués. Le début de l’ascension peut paraître simple. Une route rectiligne qui rend bien. La pente n’y est pas très élevée. La fraîcheur qui tombe un peu en cette fin d’après-midi nous fait oublier le cagnard de l’Aspin et du Tourmalet. Ce calme apparent ne va pas durer bien longtemps, je le sais pour avoir déjà gravi cette montée vers Luz-Ardiden. 

Ma rencontre avec ma coach et ses encouragements m’ont redonné des forces et donc un second souffle. Je monte assez bien et repends quelques concurrents. La route chemine sous le couvert végétal qui cache la vue sur la vallée en contre-bas. Dès Sazos, la pente s’envole brusquement. Mon compteur, qui oscille autour de dix pour cent, affiche des portions à treize pour cent. La route prend un profil plutôt rectiligne. À l’approche de Grust de belles courbes en épingle viennent pimenter notre progression et casser cette monotonie de la progression en ligne droite. La pente ne redescend pas en dessous de sept à huit pour cent. Quelques concurrents s’arrêtent pour une pause restauration assis sur le rail de sécurité dans une courbe. A environ quatre kilomètres du sommet, la forêt s’efface et libère la vue sur les sommets et crêtes environnantes. Le panorama fait d’estives est somptueux. De mémoire, c’est le paradis des marmottes, mais en cette fin d’après-midi leurs sifflets sont rares et je n’ai guère le temps de les chercher. Ma vitesse d’ascension oscille autour de neuf kilomètres par heure. Je me concentre sur ma puissance développée et continu à reprendre quelques places sans être dans le rouge. Si je compare ma progression actuelle avec celle de bon nombre des concurrents devant moi, je monte même avec un assez bon rythme. Nathalie m’accompagne dans la montée en s’arrêtant tous les cinq kilomètres. Elle m’encourage et prend quelques clichés. Sa présence augmente l’euphorie qui m’envahit progressivement à l’approche de la ligne d’arrivée. Ca sent l’écurie ! Sur le dernier kilomètre, je fais la course avec un duo qui tente de me reprendre. Dans mon enthousiasme, je double un petit groupe de joyeux concurrents. Nous échangeons quelques mots. Ils me demandent de les attendre pour finir ensemble. Mais je me sens en jambe et poursuis à mon rythme. Malgré mes efforts le duo, vraisemblablement hollandais, me rattrape dans l’avant-dernier lacet. Ils semblent à l’aise et je n’arrive pas à prendre leurs roues. Je franchis la ligne d’arrivée après dix heures et quarante minutes de déplacement et plus de cent soixante et un kilomètre. J’ai gravi plus six mille huit cent quarante-trois mètres de dénivelée positive. Ce chiffre est plus important que la dénivelée annoncée par l’organisateur. Je pense que le bon chiffre se trouve plutôt entre la dénivelée annoncée par l’organisateur et celle affichée par mon compteur et qui se base essentiellement sur la variation de la pression atmosphérique qui évolue avec l’altitude. Je suis fatigué mais heureux et satisfait. L’accueil sur la ligne d’arrivée est chaleureux et bon enfant.  Nathalie me mitraille et réalise quelques vidéos tel un reporter de Stade 2, mais j’oscille entre euphorie et fatigue « Yes, c’est fait ! »

Mes impressions sitôt la ligne franchie…

 

Dès la planification de ma saison, cette Look Marmotte Granfondo des Pyrénées devait clore cette année cyclosportive 2018. Ses caractéristiques et sa dureté faisait de cette belle épreuve l’objectif majeur de ma saison 2018. Après les changements apportés début juillet, l’analyse de cette dernière épreuve me permet d’entrevoir quelques évolutions majeures pour 2019.

Avec de plus gros braqués que ceux utilisés traditionnellement lors des cyclosportives précédentes, j’ai pu développer, sur cette Marmotte des Pyrénées, un niveau d’effort plus important que sur mes courses antérieures sans m’effondrer physiquement et alors que la dénivelée positive était nettement plus élevée. Cela tend à confirmer l’efficacité du nouveau protocole d’entraînements mis en place en juillet et août. Mon plan d’entraînement antérieur issu du tome II des fondamentaux du cyclisme ne me permettait plus de progresser. Il était temps d’en changer. Le déclic s’est produit lors du bilan de mi-saison. Je pars donc pour une nouvelle aventure pour ma saison 2019 avec le défi de construire un nouveau plan d’entraînement axé sur le développement de la puissance et en prenant en compte une méthode d’entrainement plus contemporaine. Je n’en dirais pas plus, mais je m’autorise le droit à l’erreur pour progresser dans mes savoirs et pour ne plus avoir à copier ou suivre bêtement un plan sans en comprendre les subtilités…

A contrario, mon coup de moins bien dans la deuxième ascension du Tourmalet m’a fait prendre conscience de l’importance du troisième pilier de la performance : la préparation mentale. Insidieusement, le doute s’est installé sur ma capacité à franchir la porte horaire de Luz-Saint-Sauveur dans les temps. J’ai perdu momentanément le contrôle, sans doute l’effet conjugué de la chaleur, de l’effort, de la fatigue et peut-être de la déshydratation. Une fois la spirale du doute installé, je me suis presque résigné et ma vitesse a chuté. Je n’avais nullement le souhait d’abandonner, mais j’étais persuadé que j’avais perdu mon combat contre le chronomètre et que je n’arriverais jamais dans les délais. Par bonheur, deux éléments cruciaux m’ont permis de me relancer plutôt bien. Les encouragements de ma coach préférée qui a eu les mots justes, encore merci à elle. Mais aussi la confrontation avec la réalité « j’étais largement dans les temps ». Du coup j’ai trouvé un second souffle. C’est la grande leçon de cette Marmotte des Pyrénées ! J’ai appris depuis, que la concentration mentale se réalise sur trois espaces temps : le passé, le présent et le futur. A trop analyser la baisse de ma vitesse d’ascension pour atteindre la Mongie et à trop regarder celle du moment dans le secteur des paravalanches, j’en ai oublié de me remotiver pour trouver un second souffle en me projetant sur la dernière partie de la montée vers le Tourmalet et sa descente. Travailler ma préparation mentale, pour mieux gérer ces moments de doute, sera donc également un objectif pour ma saison 2019. D’autant que cela risque bien de me servir pour certains projets…, mais cela est une autre histoire !

Je ne peux terminer cet article sans citer la maxime d’Eugène Christophe qui figure sur sa statue à Sainte-Marie-de-Campan.

Laisser un commentaire