La Super Granfondo Galibier Izoard, orage au désespoir…

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Lorsque l’alarme de mon téléphone sonne ce samedi 22 juin, il couvre tout juste l’orage qui gronde. Il a grondé une bonne partie de la nuit. Il est cinq heures quarante-cinq. Dehors, la pluie orageuse tombe drue. Les sommets environnants sont couverts de cette ouate grise des mauvais jours. Tout incite à aller se recoucher, mais une seule question me taraude : comment vais-je m’habiller pour cette Super Granfondo Galibier Izoard ? Si la pluie nous accompagne tout au long des ascensions, ma tenue d’été risque d’être un peu légère à deux-mille six cents mètre d’altitude. A contrario, si le ciel se dégage comme prévu dans la matinée, ma tenue mi-saison pourrait bien être trop chaude. Mais, quelle que soit la tenue, je devrais compter sur ma veste de pluie.

Le départ sera donné dans une heure et quarante-cinq minutes. Tout en petit-déjeunant, je tapote sur mon téléphone et consulte la météo pour les communes de Saint-Chaffrey, Valloire, Guillestre, Arvieux que nous allons traverser tout au long de cette Super Granfondo Galibier Izoard. La litanie est quasi identique : orages, éclaircies avec risque d’averses orageuse… Les prévisions ont d’ailleurs évoluées depuis la veille. La période d’éclaircie du matin est moins marquée, voire à disparue des prévisions selon les vallées. Le chantier du jour va être complexe. Il devrait être difficile de passer entre les orages. Pour l’heure, la pluie tombe à grosses gouttes et le tonnerre gronde toujours. J’ai pris ma décision, ce sera corsaire et maillot d’été avec ma veste de pluie. Je prends mon gilet coupe-vent au cas où. Je décide de me passer de mes manchettes afin de dédier la place restante à mes barres énergétiques.

Cette année, le départ est donné depuis Chantemerle qui partage avec Valloire l’organisation de cette épreuve créée l’année dernière. Nous allons débuter par une première ascension du Galibier par le Lautaret depuis Chantemerle, trente kilomètres d’ascension en guise d’échauffement et de mise en jambe. Ensuite après une rapide descente vers Valloire et son point de ravitaillement, nous attaquerons la seconde ascension du Galibier.  À son sommet, nous basculerons dans une longue descente vers Briançon et L’Argentière-La-Bessé avant d’attaquer la mythique ascension de l’Izoard par Guillestre, la Vallée du Guil et la Casse Déserte. Un beau parcours qui s’annonce bien délicat pour ne pas dire tourmenté.

Lorsque je quitte notre camp de base, l’orage semble avoir quitté la vallée de la Guisane, mais la pluie tombe toujours. Les rues sont étrangement vides. Nous ne sommes que deux cyclistes à nous diriger en direction de la place du Téléphérique de Chantermerle, où est implanté la ligne de départ. D’ordinaire, les rues sont envahies par les concurrents en phase d’échauffement. Nous sommes un peu esseulés ! Sur la place, une situation rarissime se dévoile devant moi. À quelques minutes du départ, tous les concurrents sont agglutinés à l’abri. La moindre portion de toit, d’auvent est occupée. Même les vélos sont à l’abri de l’averse. Certains concurrents semblent comparer les différentes tenues adoptées par les uns et les autres. À l’autre extrémité du parking j’aperçois le maillot distinctif de la Team Cyclosportissimo. Je vais donc saluer Silvère avec qui j’échange régulièrement sur Facebook et Messenger. Tout comme moi, il hésite encore sur la tenue à adopter.

À cinq minutes du départ, nous sommes invités par l’organisation à rejoindre le sas de départ qui se remplit enfin ! Au loin, le ciel semble vouloir s’éclaircir, mais la pluie tombe toujours. Le Top départ est donné à sept heures et trente minutes. Nous voilà partis pour cent quatre-vingt-dix-huit kilomètres de course.

La montée vers le col du Lautaret n’est pas bien difficile. Jusqu’au Monêtier-les-Bains, la pente oscille entre un et trois pour-cent. Les premiers kilomètres servent d’échauffement. La vitesse de progression n’est donc pas très élevée. Seuls les prétendants au titre impriment déjà un rythme soutenu. La pluie cesse peu à peu. Beaucoup s’arrêtent pour s’alléger. D’autres font le choix de garder leur veste de pluie fermée. Et il y a ceux, qui comme moi, font le choix de conserver leur veste ouverte pour évacuer l’humidité tout en étant prêt à faire face à une nouvelle averse. Dès le Monêtier-les-Bains, la pente moyenne passe entre trois et cinq pour-cent sur un peu plus de douze kilomètres jusqu’au Lautaret. Mon groupe met un peu plus d’une heure pour atteindre le col du Lautaret. Nous virons alors à droite en direction du col du Galibier. L’ascension du Galibier depuis le Lautaret, c’est huit kilomètres et demi à presque sept pour-cent de moyenne avec des passages pouvant aller à plus de douze pour-cent. Les différents groupes s’étirent peu à peu. Je connais bien cette montée pour l’avoir gravi plusieurs fois. Ma dernière ascension de ce col remonte à plus d’une semaine. Je l’ai réalisé avec Nathalie dès le lendemain de notre arrivée sur Chantemerle. Je gère donc mon effort en veillant toutefois à ne pas lâcher trop de terrain. Le ciel se dégage petit à petit. Au beau milieu de l’ascension nous traversons quelques masses nuageuses que le soleil essaye de transpercer et qui donne cette luminosité si particulière oscillant entre le gris, le blanc des nuages qui s’étiolent et l’orange de l’astre solaire. Tout au long de la montée, nos efforts sont accompagnés du sifflement des marmottes. Le Galibier est leur paradis. C’est toujours pour moi un plaisir de retrouver mes espiègles copines. 

Après les orages de la nuit, je porte une attention particulière à l’état de la route afin d’anticiper la descente de tout à l’heure. Cette dernière est propre mis à part une pierre ou deux qu’il sera facile d’éviter lorsque je basculerai pour la deuxième fois au sommet du Galibier et que je descendrai vers Briançon.

Mes jambes tournent bien et ma vitesse d’ascension me semble correcte. Les passages les plus difficiles me rappellent que mon 34/28 m’impose d’être économe pour tenir sur la durée et la distance. Je monte donc à mon rythme et aux sensations. La partie la plus pentue se situe entre le tunnel et le sommet sur le dernier kilomètre. Je l’absorbe assez facilement tantôt en danseuse, tantôt assis. J’ai mis deux heures pour parcourir les trente premiers kilomètres du parcours. Je fais l’impasse sur le « Ravito » situé au sommet du Galibier. Le point de ravitaillement suivant se trouve dix-huit kilomètres plus bas à Valloire. La descente vers Valloire se déroule sans encombre à plus de quarante kilomètres par heures de moyenne. La température est un peu fraîche mais pas glaciale. Cependant, je regrette un peu mes manchettes. Entre les hameaux de Bonnenuit et de Plan Lachat, je croise les premiers qui remontent déjà à une vitesse surprenante. Nous n’avons pas le même âge, ni le même parcours cycliste, mais leur vitesse de progression est toujours autant impressionnante. Il y a bien plusieurs courses dans la course ! Je mets moins d’une demi-heure pour rejoindre Valloire et son point de ravitaillement. Ce dernier est essentiel pour la seconde ascension du Galibier, je m’y arrête donc pour compléter mes bidons et me restaurer un peu.

La seconde ascension du Galibier débute immédiatement après la fin de la petite boucle dans Valloire. Dès les premiers hectomètres, la pente s’élève à sept pour-cent. Il faut attendre le hameau du Verney pour voir la pente s’aplanir provisoirement. La température remonte à vingt-cinq degrés Celsius. Je commence à avoir chaud avec mon corsaire. J’envisage de me changer lors de mon passage sur Chantemerle avant de poursuivre vers Briançon. Passer la Rivine la pente repart à la hausse. Elle ne baissera plus avant la ligne droite de « Plan Lachat« . Pour ne pas subir la pente et détourner mon attention, je profite des paysages. Et ils sont toujours aussi merveilleux. La crête du Grand Galibier domine légèrement sur ma droite. Le Pic de la Fourche lui fait face sur ma gauche. Au milieu, s’écoule la Valoirette, que je longe sur sa rive droite. Sur la droite du Grand Galibier, se situe le col proprement dit qui n’est pas encore visible. Seul les rampes situées après Plan Lachat se dévoilent maintenant nettement. J’atteins Plan Lachat après cinquante-cinq minute d’effort. La pente s’aplatit un peu. J’en profite pour récupérer en moulinant, car la suite est plutôt physique. La fin de l’ascension peu d’ailleurs être scindée en deux. Un premier tronçon allant de plan Lachat aux Granges du Galibier, et un second qui relie Les Granges du Galibier au sommet du col. Plan Lachat et les Granges du Galibier offrant quelques hectomètres de moindre pente, où il est possible de récupérer et notamment de s’alimenter. Le reste justifie ma présence sur cette épreuve : ça monte plutôt fort !

Peu après le refuge de Plan Lachat, la route vire à droite dans une épingle et un pont qui enjambe La Valoirette. Passé l’épingle, le « Mur de Plan Lachat » se dresse devant nous. Ça commence avec une pente à sept pour-cent et ça monte jusqu’à dix. J’alterne les positions assise et en danseuse et absorbe les pourcentages à mon rythme. Je domine maintenant la vallée. Le point de vue est vraiment joli ! Au gré des lacets et de la pente, j’approche maintenant des Granges du Galibier. Les panneaux « Beaufort » marquent cette approche, c’est notamment au pied de l’un de ces panneaux que j’avais surpris une marmotte l’année dernière. Ses facéties me reviennent en mémoire, j’esquisse un sourire rien qu’en y repensant.

Après les Granges du Galibier, la pente repart de plus belle. Les lacets s’enchaînent et rapidement nous arrivons à l’intersection des routes avec le tunnel et le final vers le col. Le dernier kilomètre ne nous laisse pas de répit, le Galibier se gagne à la pédale ! Ca tombe bien, je suis motivé et la vue du sommet me donne des ailes. Je franchis le col après une heure et cinquante-sept minutes d’effort. Ayant presque vidé mes deux bidons, je fais le choix d’un arrêt au point de ravitaillement. La bascule vers la descente est au début assez plaisante. La température demeure clémente, le ciel est dégagé, la route assez propre. Tout semble réuni pour réaliser une belle descente.

Mais à mi-pente nous replongeons dans des masses nuageuses, plus grises qu’à l’aller. Elles n’annoncent rien de bon. À quelques lacets du Lautaret, de très fortes rafales de vent nous projettent en dehors de nos trajectoires. La maîtrise de nos machines devient difficile. Rapidement, une averse orageuse survient. De grosses gouttes lourdes nous fouettent. J’appréhende la survenue de la grêle. Passé le col du Lautaret, nous virons à gauche pousser par un fort vent qui remonte de La Grave. Je décide d’accélérer pour essayer de me mettre à l’abri en descendant le plus vite possible dans la vallée de la Guisane. Tout en pensant à ceux qui sont encore dans la descente du Galibier. Je laisse rapidement les paravalanches derrière moi. Comme prévu, avec le changement de vallée, le vent se calme un peu. La pluie se fait également moins forte. Cependant, si l’orage passe le sommet du Lautaret et descend la vallée en direction de Briançon, je risque de l’avoir très longtemps à mes trousses. Je décide donc « d’envoyer les watts » comme on dit en jargon cycliste. Ma stratégie semble fonctionner. La pluie cesse, et je laisse rapidement derrière moi les nuages et les villes de Le Monêtier-les-Bains et de la Salle-les-Alpes. Chantemerle arrive tout aussi rapidement. La descente rapide m’a cependant laissé le temps de revoir ma stratégie vestimentaire. Repasser en cuissard court si les orages refont leur apparition avec l’Izoard à gravir me semble être une mauvaise option. Je décide cependant de troquer mon gilet coupe-vent contre mes manchettes. Je réalise donc un « arrêt au stand » de quelques minutes avant de m’élancer dans la suite de la descente vers Briançon et L’Argentière-La-Bessée. Je l’apprendrais plus tard par Nathalie, l’orage du Galibier a effectivement suivi la vallée de la Guisane et a généré un véritable déluge sur Chantemerle peu après mon départ pour la suite du parcours.

Dès Saint-Chaffrey, je reprends plusieurs concurrents. Notre groupe s’étoffe encore dans Briançon et à la sortie de Briançon. Les concurrents repris en profitent pour prendre ma roue et se mettre à l’abri du vent de face qui commence à se faire sentir. Malgré mes demandes insistantes, personne ne prend de relais. Pourquoi le feraient-ils ? Je les emmène aux alentour de trente-cinq kilomètres par heure et les protège du vent pourquoi se fatiguer à prendre des relais et arriver un peu plus fatigué au pied de l’Izoard ! Triste comportement des suceurs de roues qui n’ont rien compris au cyclosport ! En collaborant, nous pourrions encore rouler plus vite et nous partager le travail. Mais eux préfèrent jouer quelques places. Je suis piégé, soit je lève le pied et je vais perdre du temps sur mon chrono, soit je continue à rouler, je les emmène dans un fauteuil jusqu’au pied de l’Izoard. Mais la météo va en décider autrement. Au loin, des nuages sombres s’amoncellent sur les sommets qui disparaissent petit à petit. L’ambiance qui se noircit n’annonce une fois de plus rien de bon. Les premières gouttes tombent dès Saint-Martin-de-Queyrière. Le vent se renforce progressivement et au loin l’orage gronde ! Je décide d’un arrêt minute pour m’équiper en conséquence avant que le déluge soit définitivement sur nous. Je préviens de mon arrêt les concurrents, vraisemblablement hollandais ou belge en tout cas flamand. Il semble me demander ce qui m’arrive. Ils vont devoir rouler maintenant ! Je repars équipé de mes manchettes et de ma veste de pluie. Bien m’en a pris ! Dès L’Argentière, un véritable déluge s’abat sur nous. Il fait presque nuit. Je reprends de nouveau quelques concurrents. Entre L’Argentière et La Roche de Rame, par deux fois, la foudre s’abat dans un bruit assourdissant dans la montagne environnante. La température chute et la route se transforme en ruisseau. Au loin dans la vallée, le ciel semble moins menaçant. Mais il devient difficile de savoir dans quelle direction se déplace l’orage. J’avance donc, avec de nouveaux suceurs de roue à mon train. À un feu rouge l’un deux me dit même « Je me mets à l’abri ! » Et prend la roue du dernier de notre petit groupe. Arrivé sur Saint-Crépin, l’orage se fait moins fort et la pluie diminue un peu pour cesser à notre arrivée sur Guillestre. Les vingt-cinq derniers kilomètres parcourus sous l’orage resteront dans ma mémoire. Non pas comme un exploit, mais plutôt comme nouvelle expérience de résistance aux éléments naturels. L’arrêt au ravitaillement de Guillestre est le bienvenu. Une boisson chaude m’aurait fait du bien, mais je vais devoir m’en passer. J’avale donc deux ou trois casse-croûtes au camembert, ma traditionnelle banane et repars pour le final. Petit à petit, le ciel se dégage.

Dans la route de la visite entre Guillestre et la Maison du Roy, je lâche mes derniers camarades, suceurs de roue. La remontée des Gorges du Guil en faux plat montant est assez plaisante. En mode dodécaudax : mains en bas du cintre, coudes rentrés le long du torse, j’avance en vélocité pour obtenir la meilleure vitesse possible en économisant mes forces et en m’appliquant sont sur ma gestuelle de pédalage. Ma recherche de fluidité et de relâchement est atteinte au bout de quelques minutes. J’y prends un immense plaisir d’autant que les paysages sont somptueux. Et cela me fait du bien au moral. Les températures remontent progressivement. Je réalise un nouvel arrêt minute pour abandonner ma veste de pluie et mes manchettes. Je finis même par ouvrir mon maillot pour évacuer la chaleur.

Un peu avant le col de la Plâtrière, je reprends quelques concurrents. Les premiers semblent bien se connaître et papotent bruyamment. Le suivant, le nez collé sur son compteur m’invite à passer tout en m’expliquant qu’il gère pour ne pas dépasser le seuil des deux-cent watts de puissance développé. Le col de la Plâtrière franchi, il ne me faut guère de temps pour rejoindre l’intersection entre les départementales neuf-cent deux et neuf-cent quarante-sept. À ma gauche l’Izoard, tout droit Château Queyras et le col d’Agnel. Pour aujourd’hui le parcours me conduit à prendre à gauche en direction du col de l’Izoard. 

Jusqu’à Avieux, la pente est irrégulière et offre des secteurs où il est possible de récupérer. Après Arvieux, la pente se fait plus forte jusqu’au hameau de La Chalp où nous disposerons d’un « Ravito« . À partir de Brunissard, nous rentrerons dans le dur. Pour l’heure, je vire à gauche sur la D902 sous les encouragements des signaleurs. Comme prévue, la pente se redresse brutalement et oscille autour de sept pour-cent. Elle s’aplatit un peu ensuite pour repartir de plus belle à partir du hameau « Les Moulins ». La chaleur est de plus en plus forte. Le « ravito » situé à cinq kilomètres m’incite à ne pas être économe sur l’eau. Je m’hydrate bien pour éviter le coup de moins bien qui pourrais rapidement survenir en cas de déshydratation.

Je monte au train en profitant des replats pour mouliner. Arvieux se présente déjà. Au loin derrière moi, le petit groupe d’ami progresse toujours joyeusement sans me reprendre. Leurs bavardages et leurs rires parviennent parfois jusqu’à moi. Dès la sortie d’Arvieux, la pente repart à la hausse sur une route qui ne rend pas. J’essaye d’éviter les fissures longitudinales tout en faisant avec les voitures et un tracteur qui montent vers la Chalp. Une musique commence à ce faire entendre. Son murmure se fait progressivement plus fort. À l’approche du « Ravito » elle se distingue nettement. Rapidement, nous comprenons que les habitants de La Chalp ont choisi le 22 et non le 21 juin pour fêter la musique. Les tentes de la fête sont justes en face des barnums du point de ravitaillement. Nous profitons donc de cette ambiance de fête tout au long de notre ravitaillement, où je décide de m’attarder un peu pour me restaurer et m’hydrater correctement avant le final.

Celui-ci s’annonce compliqué mêlant forte pente et chaleur. Je repars pour plus sept kilomètres à huit pour-cent de moyenne et des passages à douze ou treize pour-cent. Dès la sortie de Brunissard, les bas-côtés se parent de haut résineux. On pourrait penser que l’ombre va nous protéger de la chaleur. Mais il n’en n’est rien, bien au contraire ! Le climat méditerranéen y fait son office. La chaleur y est oppressante et sèche. Après un kilomètre, je fais le choix d’un arrêt minute pour alléger ma tenue. Ma première peau rejoint les poches arrières de mon maillot avec le reste de mes barres énergétiques, ma veste de pluie, mes manchettes. Mes poches sont maintenant bien chargées ! Je fais également le choix de garder mon maillot grand ouvert pour évacuer la chaleur. Je repars sans perdre trop de temps. Par chance, à mi-pente, une petite brise se lève et me rafraîchit un peu. Au gré des lacets, je la retrouve régulièrement et profite de ces courts instants où elle me rafraîchit un peu. Je monte à mon rythme en visualisant mentalement la Casse Déserte. Ma progression est par moment troublée par les pétarades de motos qui montent à tombeau ouvert vers le sommet. Je peux alors suivre leur progression à l’oreille jusqu’à ce qu’elles basculent dans la Casse Déserte. La durée du vacarme, me renseigne sur la distance qui me sépare de la Casse Déserte. Le sommet se rapproche, après un ultime lacet, les cimes de sapins se dégagent. Le minéral reprend progressivement le pas sur le végétal et après une légère courbe à droite, elle est là ! La Casse Déserte et ses cargneules se révèlent. La vue est toujours aussi sublime. Je bascule dans la courte descente et laisse sur ma gauche les plaques en mémoire de Louison Bobet et de Fausto Coppi apposé sur une cargneule servant de stèle. La pente repart à la hausse, mais ce sont les derniers kilomètres, les derniers lacets. Nous roulons maintenant à trois et nous nous encourageons mutuellement. L’approche du sommet nous donne des forces pour appuyer un peu plus sur les pédales dans les lacets et franchir les dernières pentes. L’obélisque en mémoire du Général baron Berge apparaît au détour du dernier virage. Le dernier Ravito m’ouvre ses bras ainsi que son camping-car pour que je puisse me revêtir à l’abri du vent frais qui souffle assez fort au sommet du col.

Les premiers lacets de la descente nécessitent un peu de concentration. À hauteur du refuge Napoléon, j’évite de justesse la chute. Je rattrape rapidement une voiture qui me précède. Je ralentis à son approche. Je suis prêt à la doubler dès que l’occasion se présentera. Le conducteur m’a vu dans son rétroviseur. Il ralentit assez fortement au beau milieu d’une courbe. La vue est totalement dégagée. Je peux doubler et pense qu’il souhaite me laisser passer. Au moment où je m’engage, il réaccélère et ferme ma trajectoire. Coup de frein brutal pour éviter le choc. La roue arrière, se bloque et dérape. En une fraction de seconde, je lâche la pression sur les freins arrières et retrouve le contrôle de mon vélo. Le conducteur qui a vu ma manœuvre s’arrête totalement pour me laisser passer. Le reste de la descente s’avère assez plaisante et grisante. Je ne croise aucun véhicule. Et pour cause, ils sont tous retenus par les signaleurs à hauteur du hameau de « Le Laus« .

L’arrivée sur Cervière marque une rupture de pente et les cinq derniers kilomètres de la descente. La route est moins belle et nécessite une plus grande concentration pour éviter les ornières et nids de poules. Plus bas à l’approche de Briançon, la circulation se fait plus intense. Si Briançon marque la fin de la descente, je n’en ai pas pour autant fini avec les difficultés, car il reste maintenant à remonter sur Chantemerle. Et les huit kilomètres qui nous séparent de la ligne d’arrivée ne sont pas de tout repos. La route est en montée quasi-permanente, avec des passages à onze pour-cent sur une route nationale très dégradée. La circulation en cette fin d’après-midi de samedi y est assez soutenue. Course ou pas course, nous ne sommes pas toujours bienvenus. D’autant que l’état de la route ne nous permet pas toujours de garder notre droite. Mais j’ai un avantage, je l’ai parcourue plusieurs fois ces derniers jours et en connais tous ses pièges. J’arrive à reprendre deux concurrents avant d’arriver sur Saint-Chaffrey, ensuite je n’ai plus qu’à dérouler jusqu’à la ligne d’arrivée où Nathalie m’attend pour la traditionnelle photo d’arrivée.

Avec un temps de déplacement de dix heures et huit minutes, j’améliore mon chrono précédent de seize minutes sur un parcours 2019 rallongé de vingt kilomètres par rapport à celui de 2018. Et surtout, je bats tous mes records personnels sur l’ensemble des ascensions de cols et beaucoup en côtes. Une fois de plus, je progresse sur un parcours vraiment sélectif, malgré la météo qui ne nous fut pas vraiment favorable. Nous y avons connu toutes les situations, la pluie, les orages, le vent, la chaleur. Il fallait donc gérer et finir. Je suis satisfait de ce premier bloque d’objectifs annuels. Maintenant place à la récupération avant la Race Across Île-de-France, pour ma première participation à une épreuve d’Ultra Cyclisme.

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