La Race Across Île-de-France, mon premier cinq-cents kilomètres, mon premier ultra…

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Pourquoi la Race Across Île-de-France

Le Larousse définit le terme Ultra comme un « Préfixe, du lat.ultra, au-delà, indiquant un dépassement, un degré extrême… Ou comme « une personne qui pousse à l’excès ses opinions », à l’image des « Ultras » qui forment une catégorie particulière des supporteurs assistant aux compétitions sportives. Le préfixe est de plus en plus associé à de nouvelles pratiques sportives : l’ultra marathon, l’ultra trail, Ultra Triathlon… 

L’ultra cyclisme est une spécialité du cyclisme qui existe depuis les années 1980. Cette pratique a vu le jour avec l’apparition des premières éditions de la Race Across América qui traverse les Etats-Unis d’Ouest en Est. Depuis, de nombreuses épreuves ont vu le jour à travers le monde, en Europe, et en France. Parfois certaines épreuves existaient avant même qu’elles soient classifiées d’Ultra cyclisme. Avec le temps, la pratiques même de l’ultra cyclisme a évoluée. Face aux courses axées essentiellement sur la performance et imposant à chaque concurrent, une assistance technique et médicale obligatoire, sont apparue de nouvelles épreuves de longues distances. Moins onéreuses, elles sont courues en totale autonomie sans assistance sur plusieurs centaines voir les milliers de kilomètres. L’ultra distance est alors devenu une forme de pratique de l’ultra-cyclisme où les règles essentielles reposent plutôt sur l’accomplissement personnel. Il s’agit souvent de relier un point A à un point B en passant par des points de contrôle. Le déplacement en peloton est souvent prohibé (règle du « No Drafting ») et parfois, il n’y a ni porte horaire, ni délai pour clore le parcours. L’assistance peut y être autorisée ou totalement interdite ou les deux selon les catégories de concurrents.

On n’arrive pas par hasard dans une épreuve d’ultra distance. Le cheminement peut être long. Généralement, les distances parcourues et les difficultés des parcours à l’entraînement augmentent progressivement. On prend alors plaisir à rouler des heures en explorant de nouveaux terrains de jeu. On s’engage sur des défis de type dodécaudax ou tridécaudax qui imposent de réaliser une sortie de deux-cents ou trois-cents kilomètres par mois pendant douze mois d’affilés. On sort de sa zone de confort de plus en plus souvent pour explorer de nouveaux domaines (mental, physique…). Et tout naturellement la distance et l’exigence des épreuves sur lesquelles on s’inscrit augmentent progressivement. Jusqu’au jour où sans s’en apercevoir la bascule de fait dans la pratique qualifiée d’ultra-distance ! 

Contrairement à la définition du Larousse, on ne pratique pas l’ultra distance « au-delà de » ses limites physiques et psychiques. L’ultra-distance repose pour beaucoup sur le couple endurance et mental. En matière d’ultra-distance, rien ne sert de courir vite. Il faut surtout courir longtemps et parfois très longtemps et souvent endurer un cumul important de dénivelée positive. La différence se fait ensuite sur la « cylindrée » des différents concurrents ou si vous préférez sur la puissance développée par chacun d’eux, mais aussi sur leur capacité à gérer l’effort et toute la logistique qui va avec (alimentation, sommeil, météo…) ! Le mental permet de supporter la pression, de passer les périodes difficiles où la fatigue physique et psychique s’installe, en attendant l’éclaircie qui nous permet de reprendre un bon rythme, de repartir de plus belle.

S’engager dans cette pratique impose d’être autonome sur les épreuves et donc de connaître ses machines que sont notre corps et notre vélo et de connaître leurs besoins ! Cette notion de « se connaître » me semble d’ailleurs avoir une place plus importante dans une pratique dite « ultra » que dans toutes autres pratiques dites « normales ». À titre d’exemple, un cycliste qui n’est pas en forme sur une course de village dira souvent « je n’avais pas les jambes », ou « j’ai eu un coup de moins bien ». Il attendra alors la course du week-end suivant pour « performer » ou refaire le même constat. Alors que l’ultra cycliste s’interrogera pour s’avoir s’il a suffisamment mangé et bu sur les dernières heures de l’épreuve, sur la qualité nutritionnelle de ce qu’il absorbe, s’il doit dormir un peu « micro sieste » ou plus longtemps « sommeil de quelques heures » avant de repartir… Un coup de moins bien, est le signe de quelque chose (sommeil, alimentation, fatigue psychique…), qu’il faut régler pour pouvoir continuer à avancer ! Cette philosophie de course est aussi une belle école de la patiente et de la persévérance et de l’humilité plus que de la performance chronométrique.

Le challenge Race Across France s’inscrit de mon point de vue dans cette philosophie. Le but de l’épreuve est bien de clore le parcours en totale autonomie, sans assistance et en mode « no drafting ». Et c’était pour moi une belle occasion de me tester sur un premier cinq-cents kilomètres après mon tridécaudax de trois-cent-vingt-sept kilomètre de mai. C’est ce qui m’a conduit à m’inscrire sur le très beau parcours de cinq-cents kilomètres de cette première édition de la Race Across Île-de-France.

Le parcours et les règles du jeu

Cette première Race Across Île-de-France proposait deux distances. Une distance de trois cent kilomètres comptant également pour le challenge « Assurance vélo ». Une distance de cinq-cents kilomètres.

Le parcours de cinq-cents kilomètres proposait deux premières boucles de cent-cinquante kilomètres, communes aux parcours de trois-cents et cinq-cents, puis une dernière boucle de deux-cents kilomètres. Chaque boucle nous faisant traverser les terrains de jeu les plus prisés des cyclistes franciliens : le Gâtinais et la Forêt de Fontainebleau pour la première boucle, la Vallée de Chevreuse pour la seconde boucle, et le Vexin pour la troisième et dernière boucle. Le profil accidenté du parcours et ses plus de quatre-mille-six-cents mètres de dénivelée positive était là pour donner à ce défi tout l’éclat qu’il mérite.

En termes d’organisation de la logistique de course, chaque boucle débutait et prenait fin en un point unique le « Barm Hôtel » situé sur la commune de Bonnelles dans les Yvelines et qui a donc servi de camp de base pendant toute la durée de l’épreuve.

Pour cette première édition, le parcours de cinq-cents kilomètres comptait quatre inscrits en catégorie solo sans assistance. Pour le parcours de trois-cents kilomètres, les effectifs étaient plus importants avec huit concurrents dans la catégorie solo sans assistance, et huit autres concurrents répartis dans quatre équipes de deux concurrents toujours en mode sans assistance. 

Pour faciliter le mode « no drafting« , l’organisation de course a organisé le départ de chaque concurrent ou équipe avec un intervalle de temps de deux minutes entre chaque concurrent. Les concurrents du parcours de cinq-cents kilomètres s’élançant les premiers, suivis par les concurrents « solo » puis les équipes du parcours de trois-cents kilomètres.

La première boucle de 150 kilomètres : Le Gâtinais

Comme prévu par l’organisation et après les procédures d’enregistrement, de contrôle et le briefing de sécurité, la procédure de départ a été lancée dès dix heures. En troisième et avant dernière position, je me suis pour ma part élancé à 10 h 04. Le premier concurrent à s’élancer est Stéven Le Hyaric, ancien cycliste élite qui a son actif de belles et difficiles aventures comme la traversée intégrale de l’Himalaya népalais en mountain bike et alpinisme en 51 jours, le parcours de l’Ultra Trail du Mont Blanc (UTMB) à VTT en 39h, la traversée de la France de Brest à Bonifacio en vélo sans assistance en moins de 20 jours enchaînée par le GR20, etc… Bien, avant le départ, Stéven est entouré d’une équipe de reportage de M6 qui va utiliser cette Race Across comme support pour présenter Stéven et son projet 666 (6 déserts, 6 continents, 6 fois un mois). À la lecture de son curriculum vitae, je savais dès la publication de la liste des inscrits qu’il y aurait du beau monde sur la ligne de départ de cette belle épreuve. Le second concurrent à s’élancer ne m’est pas inconnu, bien au contraire. Laurent assure depuis quelques années la fonction d’Ange gardien sur la cyclosportive la Jacques Gouin, membre de la « Team Cyclosportissimo » nous sommes follower sur facebook. Il est déjà finisher en 2018 sur la Normandicate, qui est une épreuve cycliste d’une seule étape de 900 km sans assistance et en totale autonomie. Laurent est également qualifié pour le Paris-Brest-Paris 2019. Il a donc au moins une expérience sur un Brevet de Randonneurs Mondiaux de six-cents kilomètres en 2019. Le dernier concurrent, Marco Bocchia, est comme moi néophyte sur la distance de cinq-cents kilomètres. 

Pour autant, en me présentant sur cette épreuve, je n’avais pas l’intention de me comparer à qui que se soit, ni la volonté de battre qui que se soit. Je me suis inscrit uniquement pour me découvrir sur cinq-cents kilomètres, prendre plaisir et d’être « Finisher » en franchissant la ligne d’arrivée dans les délais et sans me soucier du classement. Je savais aussi, que rien n’est écrit d’avance et que le moindre grain de sable peut venir troubler un aussi beau défi sportif.

Lorsque nous nous élançons, le ciel est d’un bleu resplendissant. La température dépasse déjà les vingt-cinq degrés Celsius. Et nous savons qu’elle va encore monter jusqu’à trente-deux degrés à l’ombre. Dans l’heure qui précède le départ, nous sommes tous à la recherche d’un coin d’ombre en attendant de nous élancer.

10 h 00, Stéven s’élance, puis c’est au tour de Laurent. Nous nous encourageons mutuellement. Deux minutes plus tard, je reçois le feu vert du starter et m’élance. Sitôt quitté le camp de base, nous virons deux fois à gauche en nous dirigeant droit sur le Sud-est. Je connais une partie de cette première boucle qui va nous conduire jusqu’à Fontainebleau via Maisse et Tousson. Elle emprunte mes routes d’entraînement et une partie du terrain de jeu de la Jacques Gouin. Partant pour essayer de maintenir le plus longtemps possible une moyenne de vingt-cinq kilomètres par heure, je sais qu’il faut que j’imprime un rythme assez soutenu sur le plat pour compenser la chute de la vitesse dans les côtes. Maintenir un rythme soutenu ne veut pas dire m’épuiser, mais plutôt rouler en haute vélocité en économisant mes efforts quitte à lâcher un peu de temps dans les côtes pour ne pas griller quelques cartouches.

Les premiers hectomètres du parcours se font en forêt. Ils apportent un peu de fraîcheur. Mais cela ne dure pas. Les sous-bois laissent rapidement la place aux plaines céréalières, où le soleil tape de plus en plus fort. Je laisse rapidement les faubourgs de Dourdan au loin sur ma droite et plonge en direction du Gâtinais.

Un peu avant Rotoir, je suis repris par Marco Bocchia, parti deux minutes après moi. Il me double à vive allure. J’aurais pu prendre un coup au moral, mais je m’y suis préparé. Mes derniers entraînements sur des trois-cents kilomètres m’ont appris à gérer sur la durée et la distance. Et la journée va être longue ! Je garde donc mon rythme sans me soucier de Marco. Mais je ne peux m’empêcher de m’interroger : « soit il est très fort, soit il ne va pas pouvoir tenir à ce rythme sur toute l’épreuve ». Peu après Etampes, le premier concurrent du parcours de trois-cents kilomètre me double également en me demandant si ça va ? Oui, ça va bien ! Il est jeune, et a toute la fougue pour lui. J’ai encore plus quatre-cent-cinquante kilomètre à parcourir et je dois m’en tenir à mon plan de course : tenir la moyenne de vingt-cinq kilomètres par heure et pour l’heure elle oscille autour de vingt-sept donc oui ça va ! Mais j’avoue que l’on a facilement envie de sortir du plan et d’envoyer un peu plus les watts. Un peu avant Maisse, le deuxième concurrent du parcours de trois-cents kilomètres me double également. Le doute commence à s’immiscer, ne serais-je pas un peu en-deçà ? Lui aussi est bien plus jeune que moi. La différence de vitesse est moins tranchante, mais clairement, il joue le chrono pour une place sur le podium de trois-cents kilomètres. Je ne le sais pas encore, mais il est le dernier qui me doublera. En attendant, nous rencontrons le premier souci du parcours, A Gironville-sur-Essonne nous devons emprunter la D1 et franchir le passage à niveau à hauteur de la gare de Bruno-Gironville. Cependant, le passage est totalement barré par un chantier. Des motos font demi-tour, mais nous devons franchir ce point pour rejoindre Tousson. Nous découvrons alors que de l’autre côté du passage à niveau, un accès a été aménagé pour les voyageurs pour leur permettre de rejoindre ou de quitter la gare qui reste opérationnelle. Un train est d’ailleurs à quai et les barrières de passage à niveau se sont abaissées à notre arrivée. Nous devons donc juste franchir la barrière de chantier et attendre que le train actuel quitte la gare pour passer. Nous trouvons enfin un passage pas très larges dans l’herbe. Nous nous faufilons et sommes enfin libérés. L’aventure continue ! Mon collègue du parcours de trois cent kilomètres repart aussi vite, mais reste en vue jusqu’à Tousson.

Dans Tousson, mon GPS sonne pour m’informer de la présence d’une fontaine. Comme j’en ai l’habitude sur mes longs parcours, j’ai intégré les coordonnés GPS de tous les points d’eau connus sur le parcours. La température monte de plus en plus, je fais donc le choix d’un premier arrêt. La fontaine existe bien. Malheureusement, je découvre que son robinet de manœuvre est condamné et nécessite une clef pour l’actionner. Voilà une des belles contradictions françaises, on pousse les Français à privilégier le vélo comme mode de déplacement doux et écologique, mais parallèlement dans les zones rurales ont ferme toutes les fontaines et points d’eau ainsi que les petits commerces, à méditer !

Je repars, en commençant à me soucier du ravitaillement en eau, car la température est déjà supérieure à trente degrés. Le VaudouéArchères-la-Forêt, ces villages annoncent notre entrée dans le Gâtinais et sur l’emprise du domaine de la forêt de Fontainebleau. Je suis un peu chez moi ! Peu après la sortie d’Achères, le bruit sourd des véhicules sur l’autoroute du soleil, vient désagréablement troubler ma progression. En ce jour de départ en vacances, le trafic semble soutenu. Par bonheur, je vire à droite et m’engage sur la route forestière de la plaine de la Haute-Borne. Ses presque six kilomètres sont une oasis de paix. Seul et à l’abri de la circulation automobile, je peux relâcher un peu ma concentration. Dès mon entrée sur la route forestière, l’ambiance change. Une bonne odeur de résineux parvient jusqu’à mes narines. Le silence s’installe, tout juste troublé par le sifflement de mes pneus sur le macadam. La route forestière rend peu et ressemble plus à une piste cyclable peu entretenue. Mais roulé seul au milieu de la forêt offre un certain charme dont on ne se lasse pas. Au détour d’une belle trouée, apparaît un des joyeux de la région : le beau et immaculé sable de Fontainebleau. Sous l’effet du soleil, sa blancheur m’éblouit presque.

Mais il n’y a pas que sur le sable que les rayons du soleil œuvrent. À plusieurs reprises, ils sont reflétés par quelque chose au loin devant moi. L’organisation de course nous a fait apposer sur le cadre et les roues de chaque concurrent de petits autocollants réfléchissants pour le parcours de nuit. Ce sont vraisemblablement les déflecteurs de mon collègue du parcours de trois-cents kilomètres qui renvoient les rayons solaires. Je me dis qu’il n’a pas pris une si grande avance depuis Gironville. Après de belles et longues minutes, je débouche sur la route ronde et vire presque immédiatement sur la D152. La route est belle et la circulation peu intense, ma vitesse augmente. Je laisse rapidement le Grand Parquet derrière moi et appréhende un peu le passage de l’Obélisque sur ce premier samedi de départ en vacances. Mais, à ma grande surprise, la circulation n’y est pas très soutenue. Je passe donc sans encombre ce carrefour stratégique et m’engage sur la D606 pour aller chercher la rue du Rocher d’Avon. Au loin devant apparaissent les premiers bâtiments du Château de Fontainebleau. L’avenue des cascades ouvre sa belle perspective. Profiter de la vue ne m’empêche pas de rester concentré sur ma progression et me recherche de points d’eau. Et pour l’heure ma quête reste vaine ! Seul le grand canal sur ma droite et les fontaines monumentales sur ma gauche apportent un peu de fraîcheur. Malheureusement, l’eau n’y est pas potable. Au sommet de l’avenue, je zigzague entre les spectateurs venu assister au festival Django Reinhardt. Je remonte progressivement les rues Paul Seramy et de France. Un peu avant le rond-point de la route nationale sept, je refais enfin le plein de mes bidons à la station-service. Les quatre-vingts premiers kilomètres sont franchis. J’ai donc dépassé la moitié de la première boucle.

J’entame la remontée vers Bonnelles et le camp de base. Pour l’heure, je reste concentré, car la D409 vient d’être fraîchement gravillonnée. Éviter de chuter est ma priorité. Malheureusement, je ne peux éviter deux projections dont l’une atteint le cadre et l’autre le casque lors de dépassement de voitures. Nous quittons le massif de la forêt par Macherin et Saint-Martin-en-Bière. La température atteint maintenant trente-cinq degrés. Il fait chaud et le vent de face me dessèche la bouche. Je bois régulièrement et du coup mes bidons se vident à nouveau progressivement. Au loin, je commence à distinguer le maillot rouge et blanc d’un cycliste. Ca ressemble à celui de Laurent parti devant moi, mais je ne suis sûr de rien. Sur Videlle, j’ai recensé un point d’eau dans le cimetière. La température a encore pris deux degrés supplémentaires. Je fais le choix d’un nouvel arrêt pour me ravitailler. L’eau est un peu chaude, mais je m’en satisfais. J’en profite pour m’asperger abondamment. Et repars. Il me faut peu de temps pour voir réapparaître le maillot rouge et blanc devant. Sur la grande ligne droite entre Itteville et Bourey-sur-Juine, je me rapproche de mon prédécesseur et le double. C’est bien Laurent. Nous échangeons quelques mots. Il souffre de la chaleur ! Je lui demande s’il a assez d’eau vu sa réponse positive, je l’encourage et repars. La température atteint maintenant un pique : quarante-trois degrés Celsius.

Les côtes s’enchaînent depuis le début de cette première boucle. Les pourcentages peuvent y tutoyer les neuf pour-cent avec la chaleur, ces efforts sont inconfortables. La bouche sèche vite et devient pâteuse. Dans le petit village Torfou, je distingue sur une placette ombragée un robinet un peu caché par un muret. Nouvel arrêt, je refais le plein de mes bidons et m’asperge à nouveau. Me mouiller permet de faire tomber la température et d’éviter la sur-chauffe. Cela donne même une bonne sensation de frais sur quelques kilomètres. Laurent n’arrive pas ! J’aurais voulu l’inviter à s’arrêter. Tout en espérant qu’il verra ce point d’eau, je repars. Je suis maintenant à vingt-cinq kilomètres de camp de base et du final de cette première boucle. Mauchamps, Souzy-la-Briche, Saint-Chéron et Angervilliers, les villages et difficultés défilent. Le portail du Barn hôtel apparaît ! 

Il est plus de 16 h 20, lorsque j’arrive au camp de base. J’y retrouve Marco qui se restaure. Nos échanges avec l’organisation sont coupés par une annonce : Laurent vient de « jeter l’éponge » et abandonne à dix-neuf kilomètres delà en raison d’une hypoglycémie. En fait, j’apprendrais bien plus tard, qu’il ne s’agissait pas d’une simple hypoglycémie, mais bien d’un coup de chaud, d’une insolation. Cela démontre que personne n’est l’abri d’une défaillance. Dommage ! Nous ne sommes plus que trois sur le parcours de cinq-cents kilomètres et surtout, c’est un mauvais coup pour Laurent avant son Paris-Brest-Paris. J’envoie un message à Nathalie pour la rassurer et lui dire que tout va bien et lui envoi quelques photo pour le live sur Facebook. Après cette pause restauration, je passe par ma voiture pour compléter mon ravitaillement pour la deuxième boucle. Je m’équipe en éclairage.

Bilan première boucle :

Distance parcourue : 151.36 km – Dénivelée positive : 1293 m – Temps cumulé : 6 h 20′ – Temps de déplacement : 6 h 01′ soit 19′ minutes dédiées au ravitaillement en eau.

La deuxième boucle de 150 km : La Vallée de Chevreuse

Il est presque dix-sept heures lorsque je m’élance pour cette deuxième boucle qui va me conduire en vallée de Chevreuse. Mentalement, je considère que je repars à zéro. La première boucle est terminée, et je dois donc l’oublier pour me concentrer sur cette nouvelle phase du parcours. Elle commence bien mal : mon guidage GPS me lâche. À chaque carrefour, je suis contraint de consulter la carte du compteur pour me positionner correctement. J’essaye de garder la tête froide. Je relance le parcours rien n’y fait le guidage ne fonctionne pas. Au bout de quelques minutes, à un carrefour un peu complexe, je zoome au plus fort grossissement pour essayer de trouver les noms de rue. Je constate alors que ma position sur la carte du compteur se trouve bien en dehors de la route, comme si la précision du GPS s’était fortement dégradée subitement. Du coup effectivement le compteur me considère hors parcours et ne peut me guider. Je coupe alors la puce GPS de mon compteur et la relance pour la réinitialiser. La manipulation fonctionne, je retrouve enfin un guidage. Il était temps, car j’ai perdu beaucoup de temps et surtout avec la nuit qui va arriver dans quelques heures, je devrais impérativement m’appuyer sur le GPS pour me guider. Je repars en essayant de retrouver un peu de sérénité et de confiance dans mon électronique pour la suite du parcours.

Je progresse en forêt jusqu’à Bullion, la température oscille toujours autour de trente-sept degrés. Malgré tout, l’écart avec le pic à quarante-trois degrés de l’après-midi donne une impression de presque fraîcheur. À Pecqueuse, je vire à gauche et entame la montée sur Chevreuse. La circulation s’est nettement assagie. Je peux profiter pleinement des paysages. Pour l’heure, je n’ai que des champs de céréales tout autour de moi. Seuls quelques bois viennent poser de-ci de-là quelques tâches vertes. Sous l’effet des rayons du soleil, qui commence à glisser vers l’horizon, les chaumes prennent leur couleur dorée qui fait le charme de ces fins d’après-midi estivales. Les moissons n’ont pas encore commencé. Cela ne devrait pas tarder, car les blés sont à point ! Il me faut atteindre Chevreuse pour que la couleur des chaumes soit rompue par le vert et l’ombre des sous-bois. Je roule sous la protection des arbres jusqu’à Dampierre-en-Yvelines. À l’ombre de leur feuillage, la température chute à trente-trois degrés. Enfin, une pause fraîcheur ! 

À partir de Dampierre, le parcours prend la forme du petite boucle triangulaire de quinze kilomètres et nous fait passer par deux fois dans cette belle ville en empruntant des rues distantes de quelques hectomètres. Au sommet du triangle, se trouve Le Mesnil-Saint-Denis, où je vire à gauche pour rejoindre Levis-Saint-Nom et revenir ensuite sur Dampierre-en-Yveline. Mon retour sur Dampierre me permet de refaire le plein d’eau à une fontaine. En quittant définitivement Dampierre, je retrouve la protection de la forêt. Le parcours reste tout aussi exigeant, j’ai même l’impression que les côtes y sont plus nombreuses que sur la première boucle. À Cernay-la-Ville, je vire à droite et m’engage sur la D24. Plusieurs étangs, situés de part et d’autre de la route, rafraîchissent un peu l’atmosphère. À Auffargis, un manque de concentration me conduit à sortir du parcours au niveau de l’église. Ensuite avec un manque provisoire de lucidité, je tricote pour me remettre sur la route. Cela a dû donner à sourire !

La perte de lucidité peut être due à un début de fatigue. Je fais le choix de m’arrêter au cimetière pour compléter mes bidons et me rafraîchir une nouvelle fois et manger un peu. Mon menu se compose d’une crêpe de l’effort maison accompagnée d’un peu de boisson énergétique. Je la savoure et reprends ma route ! Je laisse les Essarts-Le-Roi sur ma droite et poursuis en direction de la nationale dix. La franchir n’est pas simple et nécessite un peu de concentration. Quelques kilomètres plus loin, alors que je me suis calé sur la bande cyclable de la D191, j’aperçois une voiture arrêtée sur la bande cyclable. Ses warning sont allumés et son hayon arrière est ouvert. Il s’agit de l’équipe de reportage. Elle m’accompagne pendant de longs kilomètres et me mitraille. Le photographe tantôt assis dans le hayon, tantôt à la place de passager avant. L’équipe me quitte à la sortie du village « Les Mesnuls« . Je ne tarde pas alors à traverser Montfort-L’Amaury.

Petit à petit, la sensation de fatigue se fait sentir, je décide de suivre mon plan nutritionnel sur la base des conseils d’un nutritionniste du sport. Il est tant d’avaler une dose de BCAA. Les BCAA sont des acides aminés ramifiés nécessaires à l’organisme et notamment aux muscles. Cependant, notre corps ne peut les synthétiser. Il faut donc lui en apporter par une alimentation équilibrée (laitages, viande, poissons, soja…). Cependant, sur une épreuve d’endurance, l’apport d’un gramme par heure est peu aisé. Nous avons donc recours à des boissons, gels ou barres énergétiques. J’ai donc acheté quelques gels « Energie BCAA » de la marque Fenioux Multisport. Pris de court, je n’ai pu les tester avant l’épreuve. Aussi, je transgresse une règle qui veux que l’on ne teste pas un produit sur une épreuve. Le gel est très sucré et collant. Son goût m’écœure. Je regrette, mais il est trop tard !

La route est toujours autant exigeante. Les côtes se succèdent inexorablement. Je l’ai gravi au rythme en m’économisant. Le soleil commence à bien glisser à l’horizon. Par moment, les paysages prennent une belle teinte orangée. J’en profite mais physiquement, je sens un coup de moins bien qui arrive. Je pense alors que je ne mange pas assez. J’ai maintenant du mal à avaler les graines (bananes séchées, noix de cajou et pistache). Si elles passaient bien jusque-là, elles me paraissent maintenant trop sèche et je dois en permanence les accompagner d’une gorgée de produit énergétique pour pouvoir les mâcher. Le village d’Andelu se présente déjà. J’ai rentré dans mon GPS le point d’eau de son cimetière. À son approche, je distingue un banc. Tout est réuni pour une pause « dîner ». Je prévois notamment d’absorber un part de gâteau du sportif salé et une crêpe de l’effort avec un peu d’eau. Mais rien ne passe ! Je suis pris de nausées dès que je me force à manger. Même la boisson énergétique ne passe plus. Je connais le diagnostique : « rejet du sucré suite à une surcharge de l’organisme par les glucides ». Rien de grave pour l’instant. Je vais devoir gérer et laisser du temps à mon organisme pour recycler cet excès de glucide. Manque de chance, le cimetière est fermé. Je ne peux donc pas remplir mes bidons avec de l’eau claire en abandonnant ma boisson énergétique. Par chance, dans le village suivant, je rencontre un habitant qui ferme sa voiture et qui me salue. J’en profite pour lui demander un peu d’eau. Il accepte bien volontiers. Nous échangeons quelques mots. Quand il découvre la nature du périple, il me demande si j’ai besoin d’autre chose et me souhaite un bon courage. Il existe encore des personnes sympathiques. Je le remercie et repars. Je n’avalerais plus rien avant le camp de base que je rejoindrais dans presque soixante-quinze kilomètres. Seule l’eau d’Evian fournie par ce brave monsieur passera.

Le village d’Epoine, marque la situation la plus au Nord de cette deuxième boucle. Avec deux-cents-quarante kilomètres de parcourus, je suis quasiment à la mi-parcours de cette race Across. Cela me redonne le moral. La sortie du village présente un beau mur à neuf pour-cent. Une dame âgée qui arrose ses géraniums me regarde me démener pour franchir les pourcentages. Au sommet de la côte, je retrouve les larges plaines agricoles. Progressivement, le soleil disparaît derrière l’horizon. Dans la plaine, un agriculteur procède au réglage d’un dispositif d’arrosage. Celui-ci, arrose encore la route, je vise pour passer au bon moment et me rafraîchir une dernière fois. La difficulté suivante, pour ne pas dire le mur suivant, se situe à Jumeauville. Là encore les pourcentages y sont assez élevés avec une moyenne de huit pour-cent. J’y double un père de famille avec sa fille qui le grimpent en VTT. Nous échangeons un bonsoir. L’homme déclame à sa fille : » c’est ce vélo-là qu’il me faut, bon il y a aussi les mollets ». Je les laisse dans leurs efforts et poursuis ma route en souriant de la blague. Devant se déroule un longue ligne droite de presque dix kilomètres. 

Je laisse Thoiry au loin sur ma gauche et poursuis en direction d’Orgerus en laissant plusieurs villages derrière moi. À Orgerus, je vire à gauche en direction de Béhoust et Garancière. La nuit tombe peu à peu et avec elle la fraîcheur qui fait du bien. Arrêt technique obligatoire pour remplacer mes verres solaires qui ne me sont plus d’aucune utilité. J’aurais bien voulu manger un peu, mais les nausées sont toujours là. Depuis maintenant quelques kilomètres, je réfléchis à la stratégie à adopter au camp de base. Manger salé sera une obligation ! Mais je dois arbitrer sur les options suivantes : soit m’en tenir au plan et repartir immédiatement et prendre le risque de ne pas pouvoir manger sur un temps plus ou moins long de la dernière boucle, soit dormir une heure afin de laisser à mon organisme le temps de rétablir une fonction digestive correcte pour la suite du parcours. Ces options tournent dans ma tête tout au long des quarante derniers kilomètres. 

J’approche petit à petit du camp de base. La longue ligne droite entre Saint-Léger-en-Yveline et Buillon me paraît interminable. A Buillon, le retour sur le début du parcours et l’approche du Barn Hôtel me redonne des ailes. Il est minuit et quinze minute lorsque j’arrive sur la Time zone. J’y suis accueilli par Arnaud et un de ses collègues. Tous deux me félicitent. Nous échangeons sur mes problèmes de rejet du sucré. Il valide après coup les actions mises en place et notamment le remplacement de ma boisson énergétique par de l’eau simple. Ils me proposent une part de pizza. Elle me fait un bien fou ! Je prends des nouvelles de Laurent et des autres concurrents. Arnaud m’annonce alors que Laurent à effectivement était victime d’un coup de chaleur. Il m’indique que Marco Bocchia a demandé a être reclassé sur le 300 kilomètres et que du coup nous ne sommes plus que deux sur le parcours. Concernant, Stéven, il est reparti il y a environ une heure.

Ces informations valident l’une de mes options, car je vais forcément finir seul. Alors finir une heure plus tôt ou plus tard n’a pas vraiment d’importance sur ma performance. Je vais dormir quatre-vingt-dix minutes, pour essayer de me récupérer sur un cycle complet de sommeil. Après mon passage au ravitaillement, je rejoint mon véhicule. J’envoi un message à Nathalie « Je dors 1H30 et je repars. Deux abandons… ». Malgré l’heure avancé, elle me répond quasi immédiatement, elle ne dort pas ! Pour ne pas l’inquiété, je passe sous silence mes soucis digestifs. C’est à moi de gérer. Par anticipation, j’avais emmener un duvet pour récupérer après l’épreuve avant de rentrer en voiture. Je bascule mon siège, Me déshabille et m’enroule dans le duvet. L’oreiller de voyage cale mes cervicales. Je règle l’alarme du téléphone sur 02 h 30. 01 h 04 : marque l’extinction des feux ! Je m’endors quasi immédiatement grâce à mes exercices de relaxation.  

Bilan deuxième boucle :

Distance parcourue : 153.40 km – Dénivelée positive : 1331 m – Temps cumulé deuxième boucle : 7 h 54′ – Temps de déplacement : 6 h 36′ soit 1 h 18′ minutes dédiées au ravitaillement en eau et à l’alimentation, mais aussi à plusieurs erreurs de parcours et notamment à la panne du GPS.

Bilan intermédiaire deux premières boucles  :

Distance parcourue : 304,76 km – Dénivelée positive : 2624 m – Temps cumulé : 14 h 14′ – Temps de déplacement : 12 h 37′ soit 1 h 37′ minutes dédiées au ravitaillement en eau et aux erreurs de parcours.

La troisième boucle de 200 km : Le Vexin

02 h 10, j’émerge ! J’ai dormi un peu plus d’une heure. Le cerveau se remet immédiatement en mode course. La liste des actions à mener défile dans ma tête. Me changer : ce sera plus confortable de rouler deux-cents kilomètres dans une tenue propre. Changer mes bidons de sept-cent-cinquante millilitres par deux bidons d’un litre chacun et prendre le Camelbak : ces trois litres d’eau devraient me permettre de voir venir. Remplir chacun bidon et le Camelbak en eau minéral pure sans poudre énergétique pour ménager mon appareil digestif. Remplacer mon éclairage pour repartir avec des batteries chargées. Contrôler le niveau de charge de ma batterie externe qui maintient à niveau la batterie de mon compteur Garmin. Changer la batterie de mon téléphone pour ne pas tomber en panne et conserver un lien avec l’organisation au cas où et surtout rassurer Nathalie en lui envoyant des infos. Changer mon alimentation solide notamment en remplaçant les crêpes et barres par les pommes de terre qui sont dans la glacière. Avaler une part de gâteau du sportif salé et ensuite passé au point de ravitaillement pour compléter mes réserves en solide par des aliments salés. J’y prends notamment des tomates cerises, des bretzels, une tranche de jambon que j’avale immédiatement. Mes soucis digestifs semblent s’être estompés. Cependant, je vais éviter de revenir sur le sucré avant l’aube. 

Il est 03 h 05 lorsque je m’élance pour la dernière boucle de deux-cents kilomètres. Volontairement, je n’envoie pas de SMS à Nathalie pour ne pas la réveiller. Elle pourra contrôler ma remise en route sur le suivi GPS mis en place par l’organisation. Je pars plus serein et le début de fatigue à disparu. Tout est calme ! Tout le monde semble dormir lorsque je donne mes premiers coups de pédale pour ces derniers deux-cents kilomètres. Je suis bien, les jambes vont bien, tout va bien !

À la sortie du Barn Hôtel, je vire à droite en direction de Bonnelles. L’air est frais. Je ne regrette pas mes manchettes et mon gilet coupe-vent. La circulation s’est bien assagie. Au loin, une musique se fait entendre, vraisemblablement un mariage. À part cela, tout est calme. Je rentre dans ma bulle. Après quelques kilomètres, à rouler sereinement une masse sombre apparaît à quelques mètres devant moi. Ca part en tous sens en hurlant : une laie et ses marcassins tout autour de moi. Je suis traversé de frissons. Ils ont été surpris, moi aussi ! Je les ai vraiment évités de justesse ou plutôt, ils m’ont évité de justesse. La nuit s’annonce bien ! 

Passé Bonnelles, les difficultés démarrent avec la côte du Bois du Cormier et ses six pour-cent sur plus de six-cents mètres. Mes jambes répondent bien. La côte de Limours arrive rapidement derrière avec ses cinq pour-cent sur plus de six hectomètres et se termine au lieu-dit « Le chat noir » où je vire à gauche pour remonter sur Saint-Rémy-Lès-Chevreuse. Cet enchaînement laisse présager de la suite de cette dernière boucle. Sur le plat, ma vitesse moyenne remonte au-dessus des vingt-cinq kilomètres par heures. Mais avec l’enchaînement des difficultés, il va être difficile de la maintenir aussi haute.

La remontée sur Saint-Rémy-Les-Chevreuses et Millon-La-Chapelle se déroule sans souci. Avec la pénombre, il m’est difficile de profiter des paysages. Au centre-ville de Saint-Rémy, je tricote à nouveau pour trouver ma route. Arnaud a vraiment cherché à tester notre sens de l’orientation. Alors que je cherche une rue pour virer à gauche, Arnaud nous envoi sur une piste cyclable qui longe un parking et dont le départ commence derrière des barrières en quinconce. Je ne les vois pas de suite. Je tourne et retourne. J’en trouve enfin l’issue. À la sortie de Millon, je féraille avec les six pour cents sur le petit kilomètre de la côte de Romainville. Je passe toujours sans encombre Montigny-le-Bretoneux et Plaisir en laissant sur ma droite la base de loisir de Saint-Quention-en-Yvelines et plus loin encore Versailles.

À Feucherolles une nouvelle surprise concoctée par Arnaud m’attend. Il s’agit d’un beau « raidar » de onze pour-cent sur deux-cents mètres. Ce « raidar« , s’appelle le « Taquet de Bernard » ! Je ne félicite pas par Bernard ! D’autant que deux barrières toujours en quinconce m’obligent à mettre pied à terre au beau milieu de la côte pour les franchir à l’angle droit. Repartir avec de tels pourcentages demande un effort important qui grille quelques cartouches. Je repars avec quelques kilomètres de faux-plat pour récupérer et arrive rapidement sur Trappe. L’entrée de Trappe annonce l’arrivée d’une grande zone urbaine qui va me conduire jusqu’à Poissy, Chanteloup-les-Vignes et qui prendra fin un peu avant Marine au niveau de Courdimanche. Je traverse cette zone urbaine, traditionnellement peu agréable, dans de bonnes conditions. La circulation en cette nuit y est très faible. La luminosité me permet de sortir de ma bulle et de mieux anticiper les changements de direction.

Petit à petit, l’aube pointe son nez. Le ciel quitte ses teintes noires et sombres pour prendre une teinte plus claire virant sur le gris. Le levé du jour s’accompagne d’une augmentation de la circulation. J’ai hâte de sortie de la zone urbaine d’autant que les travaux sur la route de Vernouillet rendent ma progression parfois difficile. Dévié par les travaux, j’ai provisoirement quitté le tracer officiel et je chercher ma route pour revenir sur le parcours. Par bonheur, mon GPS fonctionne toujours et me remet sur la bonne voie.

Je sors enfin de l’urbanisation et laisse progressivement derrière moi Courdimanche, Sagy, La Ville-Neuve-Saint-Martin puis Ableiges. Mon arrivée sur Marines, annonce l’atteinte du point le plus au Nord de cette dernière boucle. Le ciel est maintenant clair. Et le jour est suffisant pour découvrir au loin les reliefs. Marines se situe sur le flanc sud-ouest de la butte du Caillouet. Laurent m’avait averti, le Vexin est vraiment mal plat, il avait effectivement raison ! Toute la ligne d’horizon laisse apparaître une zone vallonnée.

Depuis mon départ, je puise régulièrement dans mon stock de pomme de terre et de tomates cerises. L’appétit revient, ça fait plaisir. Je commence même à avoir faim. Je commence à rêver d’un grand café crème avec une ou deux viennoiserie… Mais les commerces sont encore fermés. Par moment, d’agréables odeurs de boulangerie montent jusqu’à moi. Les boulangers sont à l’œuvre dans leurs laboratoires. À l’entrée de Marine, je vire légèrement à gauche en direction de Brignancourt. Je quitte définitivement l’urbanisation. Au loin vers l’Est, le soleil se lève le ciel orangé me donne des ailes et du courage. À l’entrée du village de Commeny, je devrais obliquer à droite en restant sur la D159. Mais cette envie irrésistible de prendre un petit-déjeuner est bien trop forte. Aussi, lorsque je distingue la première boulangerie ouverte à deux-cents mètres devant moi dans la rue Grande, mon cerveau ne fait qu’un tour. Je n’hésite pas un instant, je fonce ! Par chance, ils font aussi du café. Voici ma pause tant attendue…

Avant de repartir, j’envoie un SMS à Nathalie pour la rassurer : « Petit déjeuner pris, il me reste à peu prés cent kilomètres » sa réponse est quasi immédiate, elle est déjà debout malgré l’heure matinale. La coach veille tel un ange gardien ! 

Je repars sans trop tarder, regonflé à bloc. La campagne du Vexin est sublime sous ses couleurs de beau matin d’été. Je progresse tout en contemplant les paysages. Le profil reste quant à lui très accidenté et nécessite de jouer du dérailleur en permanence avec des passages qui montent parfois à onze pour-cent. Je passe rapidement Averne et Seraincourt et poursuit ma route en direction de Mantes-la-Jolie que j’aborde par Limay. La traversée de Mantes est agréable, j’avais une mauvaise représentation de cette ville. Elle bien plus belle que je ne l’imaginais. Ces quartiers autour de la Seine sont assez sympathiques. Passé Mantes-la-Ville, je retrouve les champs et la campagne. Je ne les quitterais plus jusqu’à Rambouillet. 

Les côtes se font plus courtes et moins pentues et oscillent entre trois et cinq pour-cents. Petit à petit, la température remonte. Les onze à quatorze degrés de la nuit sont déjà oubliés. Avec le retour de la chaleur, mes bidons se vident de nouveau, mais par chance la ligne d’arrivée n’est plus très loin et je sais que je vais pouvoir trouver de l’eau à Rambouillet et à Clairefontaine. Au fur et à mesure que je me rapproche de Rambouillet et que j’avance dans la matinée, la circulation se fait plus dense. La traversée de Rambouillet et de Clairefontaine reste cependant agréable. Les paysages changent, les champs et cultures cèdent la place à la forêt, la belle forêt de Rambouillet. Celle-ci annonce l’écurie, ça me donne de l’enthousiasme. Encore dix kilomètres et je serai officiellement « Finisher » de cette très belle Race Across.

Il est plus de douze heures trente, lorsque je franchis le portail du Barn Hôtel. Je suis accueilli sur la ligne d’arrivée par Arnaud en personne. Les félicitations pleuvent. Je suis sur un petit nuage ! J’ai ce sentiment étrange qui mêle un certain bonheur et une impression de déjà fini ! Cette dernière boucle fut physique mais au combien belle.

Bilan troisième boucle :

Distance parcourue : 198.40 km – Dénivelée positive : 2047 m – Temps cumulé deuxième boucle : 12h 21′ – Temps de déplacement : 8 h 50′ soit 3 h 31′ minutes dédiées au sommeil, au ravitaillement en eau et à l’alimentation mais aussi à plusieurs erreurs de parcours.

Bilan des trois boucles  :

Distance parcourue : 503,17 km – Dénivelée positive : 4671 m – Temps cumulé : 26 h 36′ – Temps de déplacement : 21 h 28′ soit 5 h 08′ minutes dédiées au ravitaillement en eau, au sommeil et aux erreurs de parcours.

Enseignements

Physiquement : à ma grande surprise et à la surprise de mes proches, je termine cette épreuve en très bonne forme physique et mentale. Aucune douleur, aucune sensation de fatigue musculaire. J’ai même eu l’impression d’être, dès le lendemain dans une très grande forme physique qui me permettrait de repartir. Cependant, ma séance de décrassage m’a permis de confirmer le besoin de récupérer musculairement, surtout dans les côtes où je n’avais plus de jambes. Malgré tout sur le plat je pouvais soutenir les trente kilomètres par heure sans souci ! 

Gestion du sommeil : sur un total de quarante-et-une heures, j’ai dormi une heure sans m’effondrer de sommeil dans la journée de dimanche. J’ai même pu être totalement disponible lors de la petite surprise-partie organisée par Nathalie pour fêter mon retour et ma réussite sur cette première Race Across Île-de-France et mon premier cinq-cents kilomètres. J’aurais même pu ne pas dormir sur l’épreuve. Cependant, il fallait aussi que je laisse mon organisme récupérer de mon souci digestif et notamment de mon rejet du sucré avant de repartir sur la dernière boucle de deux-cents kilomètres. 

Sur cette pause, l’endormissement à été assez rapide avec les exercices de relaxation par respiration abdominale. Par contre, si le cycle de quatre-vingt-dix minutes n’a pas été respecté, le réveil fut naturel. Et mes sensations me laissent à penser que la récupération a été optimale. Les cycles de sommeil sont propres à chaque individu et peut-être que ces traditionnelles quatre-vingt-dix minutes ne sont pour moi que soixante minutes. Je vais donc devoir explorer un peu plus ce domaine.

Gestion de l’eau : je n’ai pas vraiment connu de souci d’alimentation en eau. La saisie des points d’eau dans mon GPS m’a été fort utile, car je connaissais à tout moment la distance qui me séparait du point d’eau suivant et l’alarme GPS attirait mon attention lorsque j’étais à la hauteur du point d’eau. Le seul souci provient du fait que certains points d’eau recensés sont rendu inutilisables par les communes.

La gestion de l’eau s’avère plus complexe la nuit, en raison de la fermeture des cimetières. Cependant le changement de bidons et la prise de mon Camelbak m’ont permis d’emporter trois litres d’eau minérale pour réaliser la troisième boucle de prés de deux-cents kilomètres et de tenir sur la durée. Le seul ravitaillement en eau est intervenu à un peu plus de dix kilomètres de l’arrivé.

Alimentation solide : sur cette épreuve, j’ai utilisais les recettes d’un diététicien du sport pour réaliser des crêpes énergétiques, un gâteau du sportif salé et des barres énergétique maison. Les premières m’ont apporté entièrement satisfaction jusqu’à l’épisode de rejet du sucré. Le gâteau aussi, jusqu’aux nausées. Les barres quant à elles m’ont également apporté satisfaction, cependant avec la chaleur le chocolat à fondu et a rendu leur consommation difficile sur le vélo. J’ai complété ces aliments par des graines qui apportent un certains nombres d’éléments nutritifs.

Concernant le gel de BCAA, il est impératif de respecter la règle qui veut que tout aliment qui n’a pas été testé à l’entraînement ne soit pas testé en course. Rétrospectivement, je pense que c’est la forte teneur en sucre de ce gel qui a généré mes problèmes digestifs et le rejet du sucré. Par contre le remplacement de ma boisson énergétique par de l’eau minérale dès la survenue du rejet du sucré et des nausées semble avoir était une bonne réaction.

Gestion du temps : sur une telle épreuve dans le format solo sans assistance, la gestion des temps d’arrêt est presque aussi importante que la gestion des temps de déplacement. Le temps dédié au ravitaillement en eau et en solide augmente rapidement au fur et à mesure que l’on avance dans l’épreuve. D’autant que la chaleur sur la première boucle a nécessité des arrêts plus nombreux. J’aurais pu prendre dès le départ mes deux bidons d’un litre chacun et mon Camelbak. Cependant, j’ai fait le choix de rouler le plus léger possible pour essayer de maintenir une moyenne autour de vingt-cinq kilomètres par heure. Le parcours me semble par ailleurs avoir un impact important sur cette gestion. Si en montagne par exemple, le nombre des fontaines nous conduit à ne guère nous soucier des points d’eau et à perdre moins de temps à ces ravitaillements. En région parisienne, les points d’eau se font rares et les petits commerces ruraux aussi. À titre d’exemple le dimanche matin, je n’ai trouvé aucun café pour prendre un petit-déjeuner. De même, je n’ai trouvé aucune épicerie de village pour acheter des aliments salés ou de l’eau minérale lors de mon épisode de rejet du sucré. 

Concernant le GPS, la perte du guidage a généré également une perte de temps. Sur un tel parcours non balisé et non marqué au sol, l’usage du GPS s’avère essentiel. Ma connaissance de mon appareil m’a permis de régler le souci, mais au prix de longues, très longues minutes d’hésitation, de recherche et de dépannage. C’est certainement inhérent à ce genre d’épreuve.

Je suis entièrement satisfait de cette première expérience sur un cinq-cents kilomètres et de ma première participation à une Race Across. Le bilan, plutôt positif, ouvre la voie à une suite. L’ultra distance, me convient bien. Et des épreuves mythiques me tendent maintenant les bras : le Raid extrême Vosgien, La Normandicat, LA Race Across France… Je vais essayer de confirmer dès septembre avec mon retour sur les 7 majeurs. La distance y sera moindre, mais la dénivelée de dix-mille mètres bien plus physique. Pour l’année prochaine, j’envisage sérieusement d’intégrer des épreuves d’ultra distance dans mon calendrier sportif. Et très clairement, le passage de trois-cents à cinq-cents n’est pas difficile. Aussi, les cinq-cents kilomètres ne peuvent en l’état demeurer une limite haute. Mais cela est une autre aventure…

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