Inscrit sur le « Ride Bike Cathare Challenge » (RBCC) version Ultra, depuis le début de l’année 2020, j’avais hâte de m’élancer sur cette randonnée permanente qui n’a rien de bucolique. La rudesse de son parcours, en fait une aventure plutôt exigeante et sportive. C’est surtout une belle épreuve en ultra distance. Pour rappel, le RBCC est un parcours permanent de 360 km et 6 280 mètres de dénivelée positive. Qui propose, au départ de Carcassonne, de relier un à un les différents châteaux Cathares dans le sens horaire, pour terminer par le retour sur la cité médiévale de Carcassonne. Et pour corser l’aventure, les bâtisseurs de ces places-fortes cathares ont choisi les pics audois les plus pentus et acérés, rendant leur siège compliqué. Quelques siècles plus tard, c’est leur ascension qu’ils ont rendu exigeantes, car terminer le RBCC, c’est aussi gravir les rudes pentes qui mènent aux parkings visiteurs au pied de ces bâtisses chargées d’histoire.
Mes objectifs sur ce RBCC
Mon objectif principal consistait à boucler le parcours en autonomie totale et donc sans assistance. Le format « sans assistance » est à mes yeux la pratique la plus représentative et la plus compliqué de l’ultra distance. Elle signifie que je dois emporter avec moi et tout au long du parcours, tout ce qui me sera nécessaire (aliments, vêtements, éclairage, outils…). Je dois aussi me préparer mentalement à résoudre tous les soucis qui peuvent survenir tout au long du parcours. Les choix doivent être pesés au sens propre et figuré, car chaque élément rajouté alourdi le vélo et multiplie l’effort à produire. A contrario chaque élément écarté peut réduire à néant l’objectif de finir un parcours si sévère. Pour le RCBB et compte tenu des pourcentages à gravir, j’ai fait le choix de ne pas trop alourdir l’arrière du vélo en optant seulement pour des sacoches de cadre.
Ce RBCC devait aussi me permettre d’améliorer ma gestion de l’alimentation et du sommeil sur vingt-quatre heures et plus. En effet, pour escompter m’inscrire sur des épreuves ultra distance de plusieurs jours, je dois franchir des étapes et travailler certains secteurs. La gestion du sommeil et de l’alimentation sont des éléments essentiels. Finir sur de telles épreuves, nécessite d’être en capacité de ne pas dormir sur les premières 24 heures, puis de savoir gérer la suite en alternant parfois des phases d’une heure ou de trois heures de sommeil par 24 heures. Il faut donc se connaître, s’essayer, tâtonner et trouver son rythme. Certains pratiquants travaillent aussi sur le processus de micro sieste ou sieste flash pour récupérer en quelques minutes. Pour ce qui concerne l’alimentation, j’avais pour souhait de mieux gérer l’apport sucré et salé pour éviter le rejet du sucré et me retrouver une nouvelle fois dans la situation de ne plus pouvoir m’alimenter pendant plusieurs heures.
Côté matériel, le RCBB devait être un test en grandeur nature de mes prolongateurs acquis très récemment. Le but des prolongateurs est d’améliorer les appuis sur le vélo et d’éviter ainsi les soucis d’insensibilité des mains apparus lors de ma participation à la Race Across Île de France en 2019 sur le parcours de 500 km. Cette insensibilité est liée à l’appui prolongé sur le cintre et à la compression des nerfs. Sur la Race Across Île de France, cette insensibilité a perduré plusieurs semaines après l’épreuve.
La météorologie
Les conditions météorologiques sont un des éléments de la réussite sur un parcours ultra distance, et encore plus sur le RCBB. Une Tramontane ou un fort vent d’Autan peut rapidement contrecarrer toutes volonté de vitesse moyenne et de délais, voir même rendre le parcours dangereux. Il convient donc de choisir la bonne fenêtre météo pour s’élancer. La fenêtre initiale allait du jeudi 25 juin au samedi 27 juin. J’avais une préférence pour le jeudi, mais une alerte orage impromptue m’a conduit à repousser d’au moins vingt-quatre heures mon départ. Mais rien n’est jamais simple en météorologie. Et ce vendredi 26 juin, c’est un bon vent d’Est qui s’est invité à la fête avec de bonnes rafales à presque 60 km/h. Aussi, lorsque je m’élance à 15 h 28, je sais que je vais devoir affronter le vent jusqu’au environs de 20 heures, heure à laquelle Météo France prévoit une diminution marquée du vent. Aussi, j’ai fait le choix de partir et d’affronter Éole, en espérant que les prévisions météorologiques n’évoluent pas défavorablement.
Carcassonne – Lagrasse via Miramont
C’est en présence de mon petit-fils et de ma coach, venus assister à mon départ, que je me suis élancé sur ce Ride Bike Cathare Challenge. Le départ de Carcassonne par la D 6113 n’est pas des plus bucoliques. Souvent en deux fois deux voies, la circulation y est soutenue, et le tumulte incessant. Pour corser le tout, les bas-côtés parfois très sales conduisent à empiéter sur la voie de circulation. Ce n’est qu’en bifurquant sur la D 33 que l’on retrouve le calme. Comme prévu, le vent d’Est souffle fort. Je prend par moments de grand coup de boutoir qui font chuter ma moyenne. Le soleil est bien au rendez-vous. La température atteint les 36 °C, autant dire que je suis sous le cagnard. À la faveur du vent, je le supporte assez bien, mais dès que je suis à l’abri ça tape fort. Aussi, j’ai hâte de voir le jour décliner et la fraîcheur venir.
Dès la D 33, le parcours emprunte de petites routes souvent agricoles. Le revêtement n’est pas très bon, ni même entretenu, mais l’absence de circulation me permet de choisir mes trajectoires. Le lien avec ma coach doit se faire via l’application LiveTrack de mon compteur Garmin. Cependant, depuis le départ, mon compteur et mon téléphone refusent de se synchroniser. Sans un suivi, je sais que Nathalie va s’inquiéter. Premier arrêt pour essayer d’y remédier. Je repars sans y parvenir, je cogite tout en roulant. Passé le village de Barbaira, débute la première ascension vers le château de Miramont. La Montagne Alaric se dresse devant moi. Cette première difficulté est une belle mise en jambes à six pour-cent de moyenne et seulement deux-cent-soixante-dix mètres de dénivelée positive. La montée comporte quelques parties pentues à plus de treize pour-cent. Elle me permet de me jauger. Le vélo est lourd, mais les jambes sont là. J’ai un seul regret, accaparé par la convention citoyenne pour le climat, j’en ai oublié, dans les jours précédents de changer mon plateau de 36 dents par un 34 dents. Je m’en veux, mais il est trop tard ! Je tente même de remotiver en me disant que si j’arrive à boucler la Marmotte des Pyrénées ou la Super Granfondo Galibier Izoard avec mon 52/36, je devrais réussir à boucler ce RBCC avec cette même configuration de braquet. Tout au long de la montée, les ruines du château de Miramont me dominent majestueusement ! La route, étroite et sinueuse, est particulièrement rugueuse et ne rend pas bien. C’est la première montée, inutile de se presser en sortant de ma zone de confort. Je grimpe donc tranquillement accompagné du chant des cigales. Dans la pente, j’ai un déclic pour le LiveTrack, je m’arrête pour profiter de la disponibilité du réseau téléphonique. J’arrive à reconnecter entre eux les appareils, le LiveTrack démarre. Malheureusement, je le saurai plus tard, il ne communique pas mon déplacement. Cet arrêt technique, me permet aussi de profiter de la vue sur la plaine de l’Aude en contre-bas. Le tumulte de la vallée remonte encore jusqu’à moi. Je repars ! Passé le sommet, je profite de la descente un peu courte vers la côte de Pradelle qui arrive rapidement. Cette dernière n’est guère compliqué avec trois pour-cent de moyenne sur plus d’un kilomètre six d’ascension. Sa descente nous conduit directement dans les belles gorges de Lagrasse, puis vers le très beau village du même nom. J’immortalise mon passage sur le pont enjambant l’Orbieu, avec au loin sur ma droite l’abbaye de Lagrasse.
Lagrasse – Mont Auch via Aguilar
Passé Lagrasse et son abbaye, les châteaux Cathares et les difficultés vont s’enchaîner. Je le sais, c’est pourquoi Lagrasse est une étape importante dans ce parcours. Je vais maintenant entrer sur l’un de mes très beaux territoires cyclistes. Félines-de-Termenès, Villerouge-de-Termenès, Albas, Durban-Corbières, Embres-Et-Castelmaure, Saint-Jean-de-Barroux, Tuchan, Padern sont des villages que je connais bien. Cela fait maintenant des années que j’arpente leurs routes et leurs cols. Pour l’heure, j’entame la montée vers le Château de Durfort, qui apparaît au détour d’un virage sur ma gauche. Je ne peux repartir sans réaliser quelques clichés.
Je laisse rapidement le village de Saint-Pierre-des-Champs. En poursuivant ma route, je contourne le joli petit village de Saint-Martin-des-Puits perché sur un éperon rocheux et dominant la D 212 sur laquelle je progresse. Je roule maintenant en direction du col de Termes et du château du même nom. Le col de Termes est une belle montée de plus de six kilomètres à quatre pour-cent de moyenne. Les paysages sont magnifiques. La petite route chemine dans une forêt de chênes verts, de chênes kermès et autres arbustes typiques des Corbières. Le vert foncé de leur feuillage contraste avec les teintes claires, presque blanches, de la roche de schiste qui règne ici en maître. Le chant des cigales ne m’accompagne plus depuis un petit moment. La forteresse de Termes du XIe siècle, occupe un piton rocheux au-dessus des vertigineuses Gorges du Termenet. Malheureusement, dans l’effort, je ne l’ai pas aperçu. Mon regard était vraisemblablement attiré par la beauté des lieux. Plus je progresse, plus la vallée semble se refermer sur moi. Les gorges sont sublimes. Petit à petit, le soleil descend derrière l’horizon donnant une belle teinte rosée au ciel et aux roches environnantes. La température baisse un peu, je m’en réjouis. Je croise quelques habitants dans le village de Termes toujours aussi beau et paisible. Nous échangeons des bonsoir accompagné d’un petit sourir.
J’enchaîne assez rapidement les cols de Caroun, de Terme, de las Seillos, de Bedos où je vire à gauche en direction des Félines-de-Termenès et le col de la Tranchée. Je n’ai presque plus besoin du GPS tellement je connais ces routes, ces cols et villages. Je suis presque chez moi sur ce territoire. Après Villerouge-de-Termenès, je vire à droite sur le D 40 une grande ligne droite de dix kilomètres qui va me conduire jusqu’au col de l’Escassié en passant par le Col du Prat et le village d’Albas. À Durban-Corbière, je m’engage sur le D 27 en direction de Saint-Jean-de-Barrou. Le flux de circulation se fait d’un seul coup plus important, des voitures et camions en grand nombre. Cela est plutôt irréel sur cette petite route traditionnellement tranquille. La situation s’amplifie même dans Saint-Jean-de-Barrou où une file ininterrompue de camion remonte la petite rue du village. Contraint de m’arrêter pour laisser passer les mastodontes, je décide d’appeler ma coach pour l’informer de ma progression. J’apprend alors que sur les autoroutes A61 et A9, c’est la guerre. Un premier camion s’est couché sur la chaussée entre Carcassonne et Narbonne, et un second camion transportant des produits chimiques est en feu entre Sigean et Narbonne. Aussi ma petite équipe de supporter à mis quatre heures pour rentrer après avoir était déviées par de petites routes latérales.
Passé Saint-Jean-de-Barrou, le flux routier se calme nettement. La petite route retrouve son calme habituel. Je profite de la traversée d’Embres-et-Castelmaure pour ravitailler en eau. Sur quatre fontaines, une seule est opérationnelle et bien sûr, c’est la dernière. Je le découvre après une série de sauts de puce de fontaine en fontaine. L’ascension du col de Canteloup n’est qu’une formalité. Celle du Col de l’Extrême aussi, j’y bat même un record personnel dans la montée. Je commence à cogiter, car vu l’heure avancée, il me semble impossible de gravir le Mont Tauch à la lumière du jour. Ça va être sportif, je le sais et je m’y prépare !
Il fait effectivement nuit lorsque j’arrive pour gravir la montée sur le Château d’Aguilar. Je vire à gauche un peu avant Tuchan, et m’engage sur une petite route. Le revêtement est agréable. Tout semble fléché pour les visiteurs, je suis donc le balisage en gardant un œil pour mon GPS. Mis à part quelques petits raidillons, la montée n’est pas très compliquée. Vu l’heure tardive, mon cerveau se met en mode alerte, car j’entre maintenant sur le territoire des sangliers et les surprendre de nuit en déboulant sur leur trajectoire est toujours un petit moment où vous sentez les frissons traverser la moindre partie de votre corps. Généralement, on les entend, parfois, on les voit, mais souvent, on appréhende de les percuter ! Je prends quelques minutes au sommet pour faire un direct sur Facebook et donner de mes nouvelles.
Me voilà parti, pour l’ascension la plus compliquée de ce parcours, celle du Mont Tauch. À quelques hectomètres d’Aguilar, je dois déjà traverser le petit bourg de Tuchan. Vu l’heure tardive, les rues sont vides. Je vire à droite et me lance. Les premiers hectomètres sont assez faciles. Ensuite, la pente atteint rapidement les huit pour-cent. La qualité de la route n’a guère changé depuis ma première ascension. Il y a de cela quelques années. La bande irrégulière de cailloux et graviers au centre de la voie est toujours présente avec des passages un peu plus chargés en graviers. Mais cela ne dure pas ! Après la bifurcation avec la Chapelle de Fast, où la pente se redresse sévèrement, la route est de plus en plus chargée en branchages et grosses pierres. Me contraignant à mettre pied à terre. Si la montée est difficile, la descente risque bien de s’avérer dangereuse. En montant, j’essaye d’enlever les plus grosses branches pour me faire un passage pour la descente à suivre. Mais plus je monte, et plus la route se charge de débris. C’est un véritable massacre, les arbustes sur le bas-côté ont été passé au broyeur. Il ne subsiste que quelques moignons de branches. Même des grosses pierres ont été arrachées de la roche environnante. Je suis même contraint de rebrousser chemin à 2 kilomètres du sommet tellement la route devient impraticable. Impossible d’envisager en pareil cas de redescendre sur le vélo. Je redescend donc à pied les quelques kilomètres les plus risqués, et repart ensuite en restant vigilant. Cette ascension ne restera pas dans les annales ou alors dans celle des conditions d’ascension les plus improbables. Lorsque j’aperçois enfin les premières lumières de Tuchan, je souffle un grand coup. Et peu enfin reprendre la route plus sereinement. Côte chronomètre ce n’est pas très glorieux, j’ai perdu beaucoup de temps !
Mont Tauch – Sournia
Je roule maintenant pour ce qui pourrait être la deuxième partie du parcours, sa partie nocturne. La distance me séparant de Pardern est rapidement avalée. Le village est endormi, presque toutes les lumières sont éteintes. Je profite de la fontaine du village pour me ravitailler en eau et repars aussitôt pour Cucugnan et le Chateau de Quéribus. Les cinq kilomètres en faut plat montant sont rapidement avalés. Arrivé à Cucugnan, j’ai l’impression qu’il tombe par moment quelques gouttes, mais je ne suis sûr de rien. Je vire à gauche en direction du Château de Quéribus. Je connais bien sa silhouette, qui domine toute la plaine littorale du Roussillon et du Sud de l’Aude. Perché sur son promontoire, le Château de Quéribus est visible à des kilomètres à la ronde. Si je ne peux le distinguer dans la nuit noire, je sais qu’il est là, au-dessus de moi. Son ascension de presque trois kilomètres et demi à neuf pour-cent de moyenne est un peu physique. Je monte à mon rythme. La route se redresse très franchement dès que je vire à gauche sur la route d’accès pour les visiteurs. Quelques martres semblent jouer avec les faisceaux de mes lampes. Tantôt en courant vers moi, tantôt en s’aplatissant dans le bas-côté à mon passage. Je les distingue à leurs yeux brillants dans la lumière. Elles ne sont pas vraiment craintives.
Lorsque le mur à treize pour-cent arrive, je suis obligé de sortir de ma zone de confort et commence à ressentir un petit coup de moins bien. Je vais devoir manger un peu. Arrivé au chalet d’accueil des visiteurs, je comprends que je suis arrivé au sommet. Des tables de pique-nique me tendent les bras pour une petite pause. Mais celle-ci va être de courte durée, car la pluie va s’inviter à mon festin frugal fait d’une barre énergétique, de quelques noix de cajou et de quelques tranches de bananes séchées. Ce sont d’abord quelques gouttes qui viennent troubler ma pause, mais rapidement la pluie fine se transforme en déluge. J’ai juste le temps de revêtir ma veste de pluie pour éviter d’être trempé. Cela n’était pas prévu. Et je ne suis pas forcément équipé pour passer la nuit sous la pluie. Partie le plus léger possible, je n’ai guère trouvé de place pour mes genouillères et couvre-chaussures. Et encore moins pour une veste à manches longues. Je reprends ma route vers le village de Duilhac et le Château de Peyrepertuse. La pluie se calme un peu. J’ai froid, mais je dois faire avec ! Si la pluie cesse, la prochaine montée devrait me réchauffer. Dans Duilhac, de la musique et quelques rires parviennent jusqu’à moi. Les premiers kilomètres de la montée sont assez faciles, mais les choses se compliquent sur la deuxième moitié de cette ascension. Assaillir ces Châteaux est vraiment physique, que se soit avec une armure ou un vélo, la pente est raide, très raide. Par moments, le compteur s’affole. Le chiffre de vingt pour-cent s’affiche quelques secondes. Debout sur les pédales, j’arrive à me hisser jusqu’au pied du panneau du Château. j‘évite de justesse un gros crapaud jaune et lourdaud qui traverse les derniers mètres de route goudronné. Je lui cède le passage, il est chez lui, et moi seulement de passage. J’ai presque envie de le prendre en photo, mais ouvrir ma veste de pluie et toutes les couches en dessous risque de me faire perdre la chaleur accumulée. La descente ne sera qu’une formalité.
Je roule maintenant en direction des gorges de Galamus via Rouffiac-les-Corbières. Petit à petit, le ciel s’éclaircit. Le jour commence à pointé son nez. Les premières voitures réapparaissent. Par moments, je prends un gros coup de fatigue. L’envie de dormir devient irrésistible, ma moyenne baisse sensiblement. Un peu avant Saint-Paul-de-Fenouillet, je m’accorde une petite sieste éclaire de 2 à 3 minutes assis sur le parapet d’un petit pont, la tête en appuie sur mes bras croisés sur la selle du vélo, je me laisse aller. L’équilibre précaire me rappelle à l’ordre avant que je ne plonge dans un sommeil profond. Cela me redonne un peu d’énergie. Je ne pense maintenant qu’à une chose : prendre un bon café avec quelques viennoiseries.
Je repars, en espérant trouver de quoi petit-déjeuner à Saint-Paul-de-Fenouillet. Malheureusement, la boulangerie n’est pas encore ouverte. Je poursuis donc ma route en direction de Sournia via le village de Prat-de-Sournia. L’humidité de la nuit commence à s’évaporer du sol en formant de joli nuages blancs qui s’élèvent de la vallée. Le spectacle est merveilleux. Tel un spectateur privilégier et attentif, je savoure ces instants exceptionnels. Et le spectacle à venir est encore plus beau. Alors que je progresse à flanc de montagne, l’horizon face à moi prend une teinte de plus en plus orange. J’assiste l’un de ces moments magnifique que nous procurent ces aventures nocturnes : le lever de soleil. C’est pour ces moments brefs mais sublimes que les passionnés comme moi apprécient de rouler du coucher au lever du soleil. J’immortalise ces quelques secondes furtives où les premiers rayons émergent et percent l’horizon. Le soleil se dévoile en s’élevant du sommet en face de moi. La lumière m’éblouit presque. Les paysages s’éclairent de belles teintes orangée, un nouveau jour se lève…
Sournia – Carcassonne
Ce beau lever de soleil, m’a redonné un peu de force, mais l’envie de dormir se fait de plus en plus forte. Je dois résister en espérant trouver de quoi petit-déjeuner dans les prochains villages. Malheureusement, ce ne sera pas forcément le cas. Nos villages se désertifient. Les petits commerces, les cafés ferment un à un. C’est un peu l’âme des villages qui s’en va. Je devrais attendre Sournia pour trouver une épicerie. Par bonheur, elle sert aussi de boulangerie. Mais point de café. La commerçante m’invite à essayer au camping. Si les propriétaires sont là, ils devraient pouvoir me faire un café. Malheureusement, je ne trouve personne au camping de la source. Je repars donc avec mes deux chocolatines (Sud oblige.) et mon pain au raisin. Je m’arrêterais quelques kilomètres plus loin pour les déguster avec seulement un peu d’eau. C’est pas top, mais au moins je peux manger autre chose que des barres énergétiques et ou des tranches de banane séchées. Ça me ravigote un peu. L’envie de dormir s’estompe petit à petit.
La montée vers le col d’Aussière me semble interminable. Les villages défilent, et je ne vois toujours pas de cols. Dans la traversée du village de Rabouillet, un jardinier me salue bien aimablement et me souhaite bon courage. Je commence par moments à entrevoir des panneaux indiquant le Château de Puilaurens. Un peu avant le col d’Aussière, je repasse dans l’Aude et laisse derrière moi les Pyrénées-Orientales. J’arrive enfin au col. Avec ses mille-vingt mètres d’altitude, il s’agit point le plus haut de ce parcours. La descente n’est pas très pentue, cependant vu la qualité du revêtement, je reste sur la réserve. Et dès que la qualité de macadam s’améliore je lâche un peu plus les freins. Grisé par la vitesse, j’ai bien failli rater la montée vers Puilaurens sur ma gauche. La pente se redresse alors très fort. Tout à gauche, j’entame l’ascension debout sur les pédales. Par bonheur quelques replats permettent de récupérer. Après quelques kilomètres, le château apparaît. Je profite de la boutique pour me ravitailler en eau, car la température atteint de nouveau les 36 °C. Et je ne le sais pas encore, mais la suite du parcours va se transformer en une véritable chasse aux fontaines.
La descente vers Caudiès me permet de récupérer un peu avant la montée vers le col de Saint-Louis. Je ne connais pas ce col, même si à de nombreuses reprises je suis passé dans le carrefour routier entre les D 117 et D 9 en apercevant le panneau indiquant sa direction. À maintes fois, je me suis dit qu’il faudra que je vienne un jour le gravir. Ce jour est venu ! Les premiers hectomètres ne sont guère compliqués. Toutes les personnes que je croisent en sens inverse me souhaitent bon courage. Je ne fais pas encore le rapprochement, mais je vais vite comprendre pourquoi tant d’encouragements ! Dès la fin du premier kilomètre d’ascension, la route se redresse sévèrement. Par moments, le compteur affiche vingt-deux pour-cent. Je suis en plein dans le Mur de Saint-Louis. Mon calvaire s’étale sur deux kilomètres d’ascension. Deux, comme les chiffres des pourcentages qui oscillent sur mon compteur ! Après deux-soixante-cinq kilomètres, et sous la chaleur, j’accuse le coup ! Après ces deux kilomètres d’effort, la pente redevient raisonnable. Je peux enfin récupérer. Mais les difficultés s’enchaînent : le Parahou, le col de l’observatoire, la montée vers Rennes le château, la montée vers Arques et le col de Valmigère… Ce parcours ne nous épargne d’aucun effort. Il chemine en allant chercher toutes les difficultés, tous les pourcentages les plus difficiles.
La traversée de la plaine de Bugarach est très belle. Ce village de légende est un haut lieu pour tous les chercheurs et illuminés de tous poils. Ce village et notamment le Puech de Bugarach concentrent pêle-mêle des légendes sur les extraterrestres, le Christ, le Graal, les Templiers, l’abbé Saunière et son trésor. Pour ma part, je ne fais qu’y passer dans un village paisible, ce qui n’est pas toujours le cas…
Ces légendes et la beauté des paysages me font un peu oublier mon manque d’eau, mais trouver une fontaine devient très difficile. Un vrai parcours du combattant. Or, mes bidons se vident inexorablement. En l’absence de fontaine, je suis contraint de me rationner. Par bonheur, j’arrive enfin à me ravitailler dans le seul bar ouvert sur le parcours. Mais le litre et demi de mes bidons ne dure guère longtemps sous la chaleur harassante. Et je suis de nouveau assoiffé lorsque j’atteins enfin le village de Belcastel-et-Buc et sa petite fontaine située au kilomètre trois-cent-vingt-huit. J’en profite pour me restaurer tout en discutant avec un riverain. Carcassonne n’est plus très loin ! Je suis au pied de la dernière difficulté du parcours : la montée du Pas de Crouzette. Je gravi assez facilement ses presque trois kilomètres d’ascension. Sa descente m’amène dans la plaine de l’Aude avec un point d’orgue la cité de Carcassonne et la ligne d’arrivée. Je savoure les derniers kilomètres et cette sensation de satisfaction de clore un beau parcours. Côté chronomètre, ce n’est pas le top puisque je suis à plus de vingt-six heures pauses comprises. Mais l’essentiel est bien de clore ce merveilleux parcours. Il est dix-huit heures et dix-huit minutes, lorsque je mets pied à terre et que j’arrête le chronomètre. C’est fait !
Le bilan
Sur ce « Ride Bike Cathare Challenge » j‘ai roulé 357,74 kilomètres et gravi six-mille-trois-cent-quarante-trois mètres de dénivelée positive en vingt-deux heures et onze minutes de temps de déplacement. Soit une vitesse moyenne de déplacement de 16,4 km/h. En temps total, pauses comprises, j’ai mis vingt-six heures et cinquante minutes pour boucler le parcours. J’ai consommé sept-mille-trois-soixante-sept kilocalories. L’ascension du Mont Tauch, de nuit et sur une route particulièrement dégradée, est certainement le point d’orgue de ma participation à ce Ride Bike Cathare Challenge. J’y ai certainement perdu beaucoup de temps, mais je n’ai rien lâché sur une route presque impraticable.
Le choix de rouler toute la nuit, conduit à dégrader la vitesse moyenne sur le parcours. Cependant, c’est aussi rendre l’aventure plus belle. L’obscurité nous contraint à lever le pied, à être à l’écoute du moindre bruit ou grognement. Tous nos sens sont en éveil ! Mentalement la fin de nuit est toujours un peu compliquée avec le manque de sommeil qui nous assaille. Franchir ce cap, nous ouvre alors la voie vers une nouvelle journée, la fatigue s’estompe alors et nous permet de repartir de plus belle.
Ce Ride bike Cathare Challenge, est une belle et rude épreuve. Il faut s’y préparer ! Mais le parcours est sublimes. Découvrir ou redécouvrir les châteaux Cathares est en quelque sorte le fil rouge de ce périple sportif et humain.
Côté objectifs :
- J’emporte encore des équipements qui ne me servent pas. Mais à contrario, je n’étais pas forcément équipé pour le déluge nocturne qui n’était pas prévu par Météo France. Mais cette nouvelle expérience devrait me permettre de progresser.
- J’ai pu gérer la fatigue et tester l’efficacité de la sieste flash. Cette dernière m’a permis de passer le cap difficile de la fin de nuit. Avec l’envie de dormir, la moyenne kilométrique s’est un peu dégradée.
- Je n’ai connu aucun rejet du sucré et ni aucun souci digestif. L’alimentation hydrique a été particulièrement complexe. Cette problématique est liée à l’absence de points d’eau sur certaines parties du parcours, à la fermeture des petits commerces dans les villages audois. La fermeture ou l’absence de commerce a eu aussi un impact sur la capacité à m’alimenter en variant les aliments.
Quelques jours après mon arrivée, ma participation a été homologuée en Ultra (homologation) .
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