Suite à l’arrêt précipité de notre périple en 2016, nous nous étions promis ma coach et moi de mener à terme ce projet de randonnée Alpine Thonon – Trieste en 2017. Ce report involontaire ne devait être qu’un intermède, qu’une pause avant de repartir. Nous avons tenu mutuellement notre promesse et ce fût une belle aventure. Une aventure sportive qui a consisté à cumuler de la dénivelée positive en gravissant les plus beaux cols italiens, à dévorer les kilomètres en reliant le Léman à l’Adriatique. Ce fut aussi un beau et fantastique voyage à travers les Alpes suisses et Italiennes en frôlant parfois les frontières autrichienne et slovène. Un voyage féerique dans un monde minéral incomparable. Aller à la découverte du Sud Tyrol et des Dolomites c’est aussi voyager dans un livre d’histoire relatant le Saint-Empire romain germanique, la dynastie de Habsbourg, la grande guerre de 14/18 et le traité de Saint-Germain-en-Laye. C’est aussi un voyage au milieu de l’olympisme d’hiver : Saint Moritz (JO de 1928 et 1948), Cortina d’Ampezzo (JO de 1956). Tout était réuni pour que nous y revenions…
Choisir d’affronter les cols mythiques de ce parcours peut-être un véritable défi et une sublime aventure. C’est un voyage extraordinaire dans les pas d’Alfredo Binda, de Fausto Coppi, de Gino Bartali, d’Hugo Koblet, de Jacques Anquetil, d’Eddy Merckx et de tous ceux qui ont usé leurs cuissards sur les routes impitoyables du Giro d’Italia. Pour profiter pleinement de tous les instants d’une telle exploration, il faut avoir une âme de sportif, ne pas être avare de ses efforts. et faire preuve d’un peu d’audace et de beaucoup de hardiesse. Se donner dans l’effort, c’est avoir la certitude de la satisfaction à chaque col franchi. Mais l’effort n’est pas tout, il faut aussi savoir retrouver son âme d’enfant et libérer sa capacité à s’extasier devant la variété des paysages, la beauté de la nature et l’ingéniosité des hommes à construire, à travers les siècles, de merveilleux joyaux architecturaux. Il faut savoir s’émerveiller devant la maestria de certains ouvrages d’art et méditer sur le courage et la pugnacité des hommes à construire à flanc de montagne des routes improbables. Il faut également savoir s’arrêter, pour contempler et méditer en ne prélevant que des souvenirs impérissables. Enfin, aller au contact des autochtones en repoussant les limites de la langue, quitte à manier, dans un subtil charabia, l’anglais, l’italien et l’allemand est en soi une véritable aventure. Le Sud Tyrol est un territoire au patrimoine naturel et culturel exceptionnel dont on ne sort pas indemne. Y aller c’est forcément prendre le risque de vouloir y revenir. Cette aventure restera à tout jamais gravée dans notre mémoire. Aussi, lorsque est venu le moment de relater cette odyssée sportive, je me suis longuement interrogé, j’ai longuement hésité ! Fallait-il rédiger un simple article agrémenté de photos ou commenter un album photographique ? Car comment vous faire partager cette belle aventure sans vous permettre de découvrir à travers nos reportages photographiques la beauté et la variété des paysages traversés. Peut-être serez-vous attirés vous aussi par l’aventure ? En tout cas je vous le souhaite, car les dolomites le valent que l’on soit cycliste, randonneur ou simplement voyageur.
La préparation d’un tel périple fait partie intégrante de l’aventure et de sa réussite. Si le parcours m’était imposé grâce à l’ingéniosité de Georges Rossini, je me suis attaché à remettre en cause notre organisation précédente avec deux objectifs : libérer ma coach des contraintes logistiques et pimenter un peu plus ce périple. Aussi, j’ai fait le choix de rouler en totale autonomie sur chacune des étapes. Je devais donc être capable de répondre à l’ensemble de mes besoins essentiels sans avoir à m’appuyer sur ma coach. Nathalie pouvait ainsi vaquer à ses promenades et visites sans passer de très longues heures sur la route. Ce choix stratégique a changé considérablement la configuration et surtout la préparation de cette aventure. Il m’a fallu par exemple recenser l’ensemble des points d’eau situés sur mon parcours, afin d’intégrer leurs coordonnées géographiques dans mon compteur/GPS. Il m’a également fallu organiser et tester mes conditions d’autonomie matérielle. Car être en totale autonomie c’est aussi accepter de surcharger son vélo. J’ai opté pour le mode « bikepacking ». Pour bien comprendre, rouler en mode « bikepacking » c’est disposer de sacoches adaptées aux vélos de route. Il s’agit notamment d’une sacoche de quatorze litres fixée sous la selle et utilisée essentiellement pour le transport de la nourriture et des vêtements de protection contre la pluie et le froid (veste de pluie, veste mi-saison, manchettes, jambières, gants mi-saison et gants hiver, sur-chaussure, casquette de pluie), l’éclairage pour les tunnels, le petit outillage et une réserve de piles pour l’éclairage, etc. La majeure partie du temps, j’y adjoins une à deux sacoches de cadre pour les barres énergétiques et les batteries externes pour recharger mon compteur/GPS et mon téléphone. Suivant les conditions météorologiques, la longueur de l’étape, le poids supplémentaire peut s’élever à plusieurs kilogrammes et modifier les conditions d’équilibre de mon vélo. Aussi, dès que la pente s’élève, il est impossible de rouler en force. Il faut modérer ses ardeurs, mouliner avec de petits braqués et être patient, car la moyenne kilométrique tombe considérablement. C’est la seule solution pour gravir les cols sans faiblir onze jours d’affilée.
Voici donc mon Thonon-les-bains / Trieste 2017 :
Samedi 26 août 2017 : # Acte 1 : Thonon-les-Bains – Visp
Il est 10h04 lorsque je m’élance pour cette première étape de ma randonnée alpine Thonon – Trieste. Le soleil est au rendez-vous, la température s’élève à vingt-et-un degrés. Nous quittons la très belle chambre d’hôte Les Chambres de Mado sises 202 route des Camboles à Margencel où nous avons passé deux jours. La veille, j’ai roulé pour Nathalie en retrouvant quelques cols de mon périple 2015 Thonon-Antibes. Le but de ce prologue consistait d’une part à reprendre mes marques en montagne et surtout à servir de porteur d’eau pour ma coach préférée dans la préparation de sa première ascension du Ventoux prévu dès notre retour de Trieste.
La sortie de Thonon-les-Bains se fait sans encombre même si la circulation est tout de même de plus en plus soutenue. Il est temps de quitter l’agglomération pour le Val d’Abondance et le Pas de Morgins. Jusqu’à Bioge, je chemine sur la départementale neuf-cent deux qui fait partie de la route des « Grandes Alpes ». La Dranse accompagne ma progression de la douce mélodie de ses flots. Elle offre par moment de sublimes vues sur ses rapides et rafraîchit un peu l’atmosphère du sous-bois dans lequel elle serpente. La pente n’étant pas très élevée, j’essaye de maintenir une bonne moyenne pour ne pas arriver trop tard cet après-midi, car nous avons prévu de mettre éventuellement à profit notre fin d’après-midi pour explorer Visp.
Après presque cinquante minutes, je vire à gauche sur la départementale vingt-deux et m’engage dans la Vallée d’Abondance. Cette vallée est le berceau du savoureux fromage d’Abondance. Elle s’étend sur vingt-cinq kilomètres de Chevenoz à Châtel et cache de beaux villages savoyards : Bonnevaux, Abondance, la Chapelle d’Abondance ou Châtel. Pittoresque, elle l’est à coup sûr avec ses magnifiques chalets traditionnels bâtis à flanc de montagne. C’est toujours avec plaisir que je vais y pédaler. La progression est toujours accompagnée des sonnailles. Ce doux tintement attire notre attention et nous invitent à rechercher les troupeaux qui paissent dans les pâturages au-dessus.
L’arrivée dans le Val d’Abondance marque aussi le début de l’ascension du Pas de Morgins dont le sommet se trouve sur la frontière Franco-Suisse. Ce col ne présente pas de véritable difficulté en soi avec trente kilomètres de montée depuis Bioge (profil ici). La pente moyenne s’élève à moins de trois pour cent. Cette première étape est en fait une étape de transition, une mise en jambe douce et bucolique, qui doit me conduire au pied du col du Simplon ou plutôt du Simplonpass pour rester dans la langue locale. Ce col sera au programme de la deuxième étape. Pour l’heure, le soleil monte de plus en plus et la chaleur commence à se faire sentir. Ma première préoccupation est belle et bien de me ravitailler en eau et de ne surtout pas rater les quelques fontaines situées sur le parcours. J’aurais le temps demain de m’intéresser au Simplonpass !
Au loin, les sommets barrent l’horizon notamment la Cornette de Bise et le Mont Grange. Je devine déjà, en fond de vallée, le Pas de Morgins. La pente s’accentue à la sortie de Châtel, sans devenir insurmontable. Cependant, les cinq cols gravis la veille avec Nathalie se ressentent. Les jambes ne sont pas vraiment lourdes, mais je n’ai pas la légèreté que pourrait me procurer la fraîcheur d’une sortie après quelques jours de repos. Je monte à mon rythme, il est inutile de puiser dans mes forces dès la première étape. Lorsque j’atteins le Pas de Morgins, cela fait presque deux heures et quarante minutes que je me suis élancé. Je suis dans les temps par rapport à mon roadbook. Ma coach m’a rejoint et m’attend au sommet.
Après la traditionnelle photo au sommet du col, je m’élance en direction de la Suisse. Le poste frontière dans le village de Morgins semble fermé. Je le franchis donc promptement. La descente vers Monthey est agréable, le revêtement est relativement bon et les grandes lignes droites et ses beaux lacets en épingle me procurent de bons moments de plaisir. Une descente souple, petite bascule du vélo dans les virages, maîtrise de la trajectoire… La vitesse s’élève rapidement, je me régale !
La plaine de la vallée dite Glacière du Rhône se révèle progressivement. Il est presque quatorze heures lorsque j’arrive sur Monthey. La troisième ville du canton du Valais semble comme endormie sous la chaleur. Je laisse son beau château et poursuit ma route en direction de Martigny. À la sortie de Monthey, je passe devant ce qui semble une très ancienne halle en bois de toute beauté. Le regard est forcément attiré par cette vielle bâtisse implantée dans un quartier plus contemporain. Je la prends furtivement en photo avec ma Gopro et poursuis ma route.
Passé Monthey, je m’engage dans un grand faux plat montant de quatre-vingts kilomètres qui va mener à Visp en passant par Martigny et Sion. Il s’agit de la vallée dite « Glacière du Rhône ». Le Rhône prenant sa source dans le glacier du même nom qui se situe à extrémité Nord-est du canton du Valais et donc dans la partie germanique de ce canton aussi le véritable nom du glacier est « die Rhonegletscher ». Cette vallée, enserrée par de hautes chaînes de montagne, a la particularité d’être la plus chaude de la Suisse. Aussi, on y trouve de nombreux vergers qui produisent des pommes, des poires et des abricots… De nombreuses vignes plantées à flanc de montagne parfois très anciennes fournissent des vins réputés. En les observant, je n’envie pas les exploitants et les vendangeurs qui doivent arpenter ces pentes abruptes. Je me dis même qu’ils doivent être de sérieux montagnards difficiles à suivre dès lors que la pente s’élève.
L’industrie occupe également une place importante dans cette vallée. Aussi, la remontée vers Visp par la route 9 pourrait s’avérer monotone et peu intéressante, mais il n’en est rien ! Le tronçon entre Monthey et Martigny offre quelques lieux sublimes, un château par ci, une cascade par là. Passé Martigny les paysages changent rapidement et égayent un peu la longueur de cette route quasi rectiligne de Martigny à Brig.
Entre Martigny et Visp la route 9 se transforme par moment en « route de la soif ». Les points d’eau se font rares. La chaleur se fait de plus en plus forte et atteint par moment, en cette fin d’après-midi, les trente-sept degrés Celsius. Et malheureusement pour moi, la route offre peu de tronçons ombragés. J’ai par moment l’impression de cuire. A Salgesch, alors que je suis dévié pour éviter un tunnel interdit aux vélos, je décide de faire une pause hydratation dans un café afin de pouvoir finir cette étape dans les meilleures conditions possibles. « Ein Coca-cola bitte und einwenig wasser », et oui je suis arrivé dans le haut Valais suisse et la langue officielle n’est plus le français mais bien l’allemand. Pour le coca, les puristes me diront que ce n’est pas bon pour l’hydratation, mais un coca bien frais ça fait du bien et ça me permet aussi de demander un bidon d’eau. J’ai bien fait, car de retour sur la route 9 le vent de face se fait beaucoup plus fort. La fin d’étape se transforme alors en un entraînement « force » contre le vent. Par moment, il me faut veiller à ne pas me laisser emmener dans des embardées. D’autant que j’ai conservé mes jantes hautes de quarante millimètres et que la prise au vent est plus importante. J’arrive sur Visp aux alentours de dix-sept heures et trente minutes. Les premiers coups de soleil sont là, la fatigue aussi un peu. Et malheureusement pour moi l’hôtel St. Jodern est juché sur les hauteurs de la ville, se sera plus facile demain matin pour repartir !
Au final sur cette première étape que l'on pourrait qualifier de transition, j'ai parcouru 161.8 kilomètres, gravi 2 828 mètres de dénivelée positive en 6h44'50" de déplacement et franchi le premier col de mon périple.
Voici le film de ma journée :
Dimanche 27 août 2017 : # Acte 2 : Visp – Locarno
Lorsque je m’élance pour cette seconde étape, le ciel a revêtu un léger voile blanc qui n’empêche en rien le soleil de réchauffer l’atmosphère. La température s’élève à quinze degrés Celsius. Elle devrait encore monter dans les heures qui suivent. Depuis l’hôtel St. Jodern, la ville de Visp semble tranquille. La nuit a été plutôt calme et récupératrice. La fatigue de la veille n’est plus qu’un lointain souvenir.
Le parcours du jour comprend deux beaux cols le Simplonpass (profil ici) et le Passo Scopello (profil ici). Le Simplonpass est la difficulté majeure de la journée. Pour autant, il me faudra aussi passer de très forts pourcentages sur le début du Passo Scopello où la pente pourra dépasser les treize pour cent. Voilà un bien beau programme ! Avec cette deuxième étape, les longues routes plates vont disparaître et laisser à la place à des enchaînements de dénivelées positives et négatives. Je laisse donc mes jantes hautes en carbone dans leurs housse. Je les retrouverais lors la dernière étape. Pour la haute montagne je préfère doter mon CKT de mes roues « Campagnolo Shamal » moins sensibles au vent que l’on peut rencontrer en altitude. Moins de dix kilomètres me séparent du pied du Simplonpass, je décide donc de partir tranquillement afin de m’échauffer du mieux que je peux. Non pas que mes jambes commencent à donner des signes de fatigue, mais face aux efforts à fournir il faut savoir monter en charge progressivement…
Après vingt minutes d’échauffement j’atteins Brig. Je vire à droite dans la Neue Simplonstrass, la vallée encaissée entre les monts Folluhorn et Spitzhorli se présente face à moi. Le Simplonpass est en face encore caché par les massifs montagneux. La pente s’élève. Je passe rapidement sur le petit plateau et joue du dérailleur, mais plus j’avance plus la pente s’élève et même assez fort. Au bout de la Neue Simplostrass, je passe un virage en épingle et un premier raidard. Mes jambes brûlent un peu. L’échauffement n’est pas suffisant et physiologiquement j’ai un peu de mal à absorber le changement de rythme. Moins de deux cents mètre plus loin, je vire à droite direction Ried Brig. Je quitte alors la route 9 et m’engage sur la Simplonstrass. Cette bifurcation me fait éviter les tunnels et surtout le flux soutenu des voitures et camions en provenance de la route nationale A9. Je les retrouverais plus haut à la sortie du dernier tunnel à hauteur de Schallberg. La pente faiblira alors un peu et il sera plus facile de m’intégrer dans le flux routier. Pour l’instant je progresse à mon rythme sur une route peu fréquentée. En quittant l’urbanisation de Brig, les paysages se révèlent, ils sont de toute beauté. Je découvre quelques glaciers que je laisse dans mon dos. Sur ma droite, la vue sur la vallée glacière du Rhône se dégage progressivement. Le ciel est encore un peu voilé, mais la température monte sérieusement. Par bonheur une fontaine a été rajoutée dans la montée. Je profite de la fraîcheur de son eau pour me désaltérer et mouiller mes vêtements et éviter ainsi la surchauffe. Pas âme qui vive, je monte seul accompagné du ronronnement du trafic routier au-dessus de moi. Je suis vraiment ravi d’avoir choisi cette route plus calme. Malheureusement cela ne va pas durer. J’arrive déjà au point de jonction avec la route 9. La montée sur le final du Simplonpass va être beaucoup moins charmante, alternant montée bucolique dans une forêt d’épicéa avec un enchaînement de tunnels malodorants et de travaux qui vont ralentir ma progression.
Après deux heures et trente-trois minutes d’effort j’atteins le sommet du Simplonpass. J’y retrouve Nathalie qui en a profité pour explorer les environs en mode randonnée. Le col mérite de s’y attarder quelques minutes. Un Aigle monumental en pierre dressé en mémoire de la brigade de montagne numéro 11 qui s’est illustrée lors du conflit de 1939/1945 domine majestueusement le col depuis son piton rocheux. Tout autour, les glaciers barrent l’horizon de leur blancheur éclatante. L’hospice du Simplon, dont la construction a été lancée par Napoléon, est également à voir. Malheureusement j’ai perdu beaucoup de temps à essayer en vain de prendre une collation dans un des petits restaurants du col. Aussi je n’ai plus assez de temps pour m’arrêter de nouveau quelques minutes. Je reprends donc ma route vers le Passo Scopolla et le lac Majeur.
La descente s’annonce agréable. Il n’y a pas de vent, le revêtement est de bonne qualité et la circulation assez faible. Je laisse le site de Baralhause sur ma gauche et continue en direction de Gondo et du poste frontière.
Côté suisse, la route est large et parsemée de tunnels. Leur pénombre constitue des instants de fraîcheur. Progressivement, je pénètre dans les gorges de Gondo qui se resserrent progressivement. La ville de Gondo a été en partie détruite en 2000 par un glissement de terrain. Le torrent “Grosses Wasser” qui s’écoule aujourd’hui calmement dans la Dovéria attire les touristes et ne laisse rien transparaître de la colère de ses flots en 2000. Le Gondo d’aujourd’hui ne porte plus les stigmates de cette catastrophe.
À la frontière Suisso-italienne la route 9 devient la strada statale 53. Côté italien, le revêtement de la route se détériore : les fissures longitudinales et les plaques de goudron manquantes incitent à la prudence. Je réduis considérablement ma vitesse pour éviter les imperfections du macadam. À partir de Varzo la vallée s’élargit. Après quelques kilomètres, je suis dévié par Villa dell’Oro pour éviter un tunnel interdit aux cyclistes. La route est déserte. Elle longe la Diveria alors que la SS33 part en direction de Montecrestese. J’atteins Crevoladossola par le Nord, et retrouve la SS33. Cette route n’est pas très accueillante. Les voitures y roulent assez vite et leurs conducteurs y jouent facilement du klaxon. Bien que je roule le plus possible sur le bas côté, je ne me sens pas très bien accepté. J’en viens même à me demander si la route n’est pas interdite aux cyclistes, mais aucun panneau qui l’indique. Je poursuis donc ma progression en faisant confiance à mon GPS. Un peu avant Domodossola, je quitte la SS33 et prends la direction du Passo Scopello via le village de Santa-Maria-de-Maggiore où se trouve un point de contrôle. La pente s’élève de nouveau. Pendant près de deux-cents mètres mes jambes ont du mal suivre le changement de rythme. Je fais le dos rond le temps de m’adapter physiologiquement. Cette sensation désagréable passe progressivement et je retrouve un rythme d’ascension ! Un peu avant Paiesco, j’arrive à l’entrée d’un très long tunnel d’un kilomètre et demi. Ce tunnel est une véritable horreur pour les cyclistes ! La pente moyenne s’y élève à 9% et j’y chemine dans les gaz d’échappement avec une circulation assez soutenue. Tout y est noir, les murs, le sol, les équipements techniques. Il n’existe aucun échappatoire, pas de route parallèle pas de piste cyclable. Je dois m’y faire et évite de penser à mes poumons en plein effort. Dès la sortie du tunnel la pente s’élève encore pour atteindre 14% et ensuite faiblir. La route SS337 longe la Melezzo occidentale. Par moment la mélopée produite par ses flots arrive jusqu’à mes oreilles, mais la fraîcheur de la vallée ne vient pas rafraîchir l’atmosphère. La température s’élève à trente-deux degrés Celsius. Mon organisme n’est pas encore habitué à la chaleur. Je me concentre sur le lac Majeur où je vais arriver dans quelques heures pour détourner mon attention des conditions de progression. L’environnement n’est pas très beau, mais s’améliore après Santa-Maria-Maggiore. La forêt de résineux remet pour un temps un peu de baume au cœur. Après avoir fait tamponner ma carte de route, je reprends mon périple en direction de Malesco, où je quitte la SS337 pour continuer sur la SP75 et le final du Passo Scopello. Le goudron a laissé la place provisoirement aux rues pavées. Le vélo et le cycliste vibrent de partout.
Je laisse Malesco derrière moi et attaque le final de la dernière montée du jour. Je franchis quelques tunnels. La pente est irrégulière mais rapidement avalée. Au sommet une plaque déposée par le Fan club « d’il Pirata » de Cannobio renomme le Passo Scopello en Passo Marco Pantani !
Je m’élance dans la descente vers Cannobio et le lac Majeur. La route n’est pas bien large, laissant le passage par moment à un seul véhicule. Comme sur les routes déjà parcourues, le revêtement n’est pas de très bonne qualité. Je reste concentré, même si je pense aussi à la piscine de l’hôtel où je vais pouvoir récupérer de cette dure journée. Arrivé sur Cannobio, je descends la viale Vittorio Veneto. À son extrémité, la vue sur le lac me redonne des forces, l’écurie du jour approche !
Locarno est à une quinzaine de kilomètres de Cannobio. Aux abords du lac Majeur, la température ambiante baisse un peu et redevient moins étouffante. Par moments des effluves du lac montent jusqu’à moi. À San Bartoloméo, je repasse la frontière. Me voici de nouveau en Suisse ! À l’entrée de Locarno, je quitte la route 13 pour éviter un tunnel interdit aux cyclistes et emprunte la piste cyclable. Comme dans beaucoup de villes suisses, la ville de Locarno est dotée d’un très long réseau de pistes cyclables. Faut-il encore savoir s’y orienter. Par chance, j’ai mis une certaine attention à établir mon parcours. Je fais donc confiance à mon GPS. Pourtant je suis un peu surpris des tours et détours que m’impose l’itinéraire intégré dans l’appareil. J’atteins enfin l’hôtel à dix-sept heures et vingt-deux minutes. À moi la piscine et la fraîcheur de son eau, Nathalie à déjà tout préparé !
Lors de cette seconde étape j'ai parcouru 129,5 kilomètres et gravi 4 726 mètres de dénivelée positive en 6h29'26" de déplacement. Depuis le départ de Thonon-les-Bains j'ai cumulé 291.3 kilomètres et 7 553 mètres de dénivelée positive.
Voici le film de ma journée :
Lundi 28 août 2017 : # Acte 3 : Locarno – Prata Camportaccio
À notre réveil, nous avons pu assister au lever de soleil sur les sommets environnants et sur le lac Majeur. Cet instant reste toujours un spectacle merveilleux. Les couleurs évoluent du jaune au noir en passant par le rouge et le brun. L’astre enflamme les sommets et se reflète dans l’eau sombre du lac. Les versants non exposés des montagnes alentours restent pour quelques minutes encore baignées par la pénombre, la nuit y perdure un peu… La nature s’éveille doucement, les oiseaux recommencent à chanter dans les arbres, alors que Locarno semble encore endormie. Deux trois coureurs profitent de la fraîcheur matinale pour s’entraîner. L’aube est un des moments de la journée où l’effort physique est le moins difficile et le plus agréable. L’air y est plus frais, l’absence de bruit et d’activité permet de ne faire qu’un avec la nature, de profiter des bruits du lac, de l’air pur…Après un petit déjeuner copieux je suis prêt à m’élancer. La séance de piscine de la veille au soir a été bénéfique, les jambes ne sont pas trop lourdes et la fatigue musculaire semble effacée.
Cette troisième étape s’annonce physique avec l’ascension de deux cols. Le sommet du premier, le Passo del San Bernardino (profil ici), se situe à soixante-douze kilomètres de Locarno. Le second le Splügenpass (profil ici) se trouve à plus de cent kilomètres de Locarno. Lorsque je quitte Locarno, près de quarante kilomètres cumulés d’ascension m’attendent avant d’atteindre Prata Camportaccio. La première partie de mon parcours du jour n’est pas la plus belle, d’autant qu’à dix heures ce lundi matin, la circulation est dense. Je comprends très rapidement qu’avant de trouver le calme de la vallée de Mesolcina, je vais devoir me faufiler dans la circulation et traverser plusieurs agglomérations : Gordola, Riazzino, Cugnasco, Semantina, Monté Carasso, Bellizone et enfin Arbedo. Leur point commun est une circulation routière soutenue et de nombreux changement de direction. Grâce à mon compteur GPS, je me sors de tous les pièges de la route et des panneaux de direction. Passer Arbedo, je quitte progressivement l’urbanisation pour le calme de la vallée de Mesolcina. La route est en léger faux plat montant. La Moësa s’écoule à côté de la route. Elle joue à cache-cache avec la route 13, tantôt à droite, tantôt à gauche, toutes deux remontent la vallée de Mesolcina. La forêt laisse progressivement la place aux pâturages qui donnent une belle couleur verte au bord de route. Le ciel voilé me protège pour l’instant de la chaleur. Je progresse à mon rythme sans consommer les forces qui me seront précieuses sur le final du San Bernardino et sur la montée sur le Spügenpass.
Lostalo, est un beau village, c’est surtout le point de départ officiel de l’ascension du San Bernardino. Avant de m’élancer je profite de la fontaine au centre du village pour refaire le plein de mes bidons. La beauté des paysages et des villages traversés, ainsi que l’effort de la pente ne doivent pas me détourner de ma quête de l’eau. Cette quête est l’une des contraintes de ma progression en autonomie, veiller à ne pas manquer d’eau quitte à faire le plein de mes bidons autant de fois que possible.
Jusqu’au huitième kilomètre la pente est douce, mais dès Saozza elle augmente et pour compliquer ma progression le goudron laisse la place à des pavés peu confortables. Au début, il s’agit surtout de portions où de larges plaques de goudron ont disparu laissant apparaître les pavés. Mais progressivement le goudron s’efface totalement. Je passe le premier raidard en sortie du centre bourg. À partir de maintenant les portions difficiles vont alterner avec d’autres plus propices à la récupération. L’autoroute A13 se rapproche progressivement. Le bruit du trafic m’accompagne pendant de longs kilomètres, parfois étouffé par les tunnels, parfois plus clairs car tout proche et à l’air libre. La route 13 est peu fréquentée. Au pied du château « Santa Maria del Castello », perché sur son éperon rocheux, je profite de l’air de repos pour refaire le plein de mes bidons. Les toilettes sur ma gauche feront l’affaire. J’en profite pour mouiller mon bandana afin d’atténuer la chaleur. Le ciel semble vouloir se dégager, les portions de ciel bleu prennent le pas sur les nuages. Je repars non sans avoir pris le soin d’avaler une barre en guise de repas, un ravitaillement plus conséquent devrait arriver plus tard avec Nathalie. Un peu plus haut, je croise une joyeuse troupe de jeunes cyclistes. Leur arrivée est précédée de cris et de rires. Nous échangeons quelques bonjours et sourires devant les pitreries des plus vaillants. Ils poursuivent leur descente dans un joyeux tintamarre.
Progressivement la forêt reprend ses droits. Les épicéas, apparaissent en plaques éparses puis recouvrent tous les versants. Je m’en réjouis et profite des zones d’ombre et des quelques moments de fraîcheur quelles me procurent.
Au quinzième kilomètre la pente devient presque nulle et offre deux kilomètres de récupération. C’est le moment où ma coach fait jonction avec moi. J’en profite pour récupérer un peu d’eau et un ravitaillement solide. C’est également le moment que choisi un joli criquet pour se restaurer en grignotant quelques débris sur le pneu du vélo de ma coach, quel festin de roi !
Je reprends mon ascension alors que Nathalie se rend directement à Prata Comportaccio pour prendre possession de la chambre. La montée sur le village de San Bernardino se fait sans encombre. La route est belle, la forêt majestueuse. Le ciel semble vouloir se débarrasser peu à peu de son voile blanchâtre. Peu avant San Bernardino la forêt s’éclaircit et laisse la place aux alpages. La vue est vraiment belle. Elle donne envie de s’arrêter et de contempler un long moment les sommets environnants. Cependant, ma vitesse d’ascension me permet amplement de profiter de la vue sans avoir à m’arrêter Je m’autorise cependant un court arrêt photo et repart à mon rythme sans trop me retarder pour parcourir le reste de l’étape.
Le village de San Bernardino est rapidement traversé d’autant que la pente faiblit considérablement avec même une portion en descente. À la sortie du village, la route s’élève de nouveau. Je laisse l’autoroute ainsi que la station service sur ma gauche et m’engage à droite sur le final de l’ascension. Les bruits de l’autoroute disparaissent progressivement. Le silence s’installe. Tout autour de moi, l’environnement n’est fait que de roches et de maquis. Si je n’étais pas si haut je pourrais me croire dans mes chères Corbières, tant les couleurs et la végétation leurs ressemblent. La route est agréable malgré la pente qui repars de plus belle. Au fur et à mesure de ma progression, la vue sur la vallée en contrebas se dégage. Elle est sublime ! Au loin, un lac reflète les rayons du soleil et se révèle à moi. Si dans la vallée le vert domine, au-dessus de moi c’est le règne du minéral. Les barres rocheuses ferment l’horizon. Un gros réservoir, juché dans un vallon apparaît peu à peu. La route serpente en disparaissant puis en réapparaissant derrière les éperons rocheux. Le col se dévoile petit à petit. La pente est quasi nulle, je pense être au sommet, mais il n’en est rien ou alors il n’y a aucun panneau de col. Je poursuis ma route en contournant un lac d’altitude. Progressivement un refuge apparaît au loin. Le col est là ! En cette fin du mois d’août, le refuge est désert, pas âme qui vive. Seul un couple de randonneurs remonte le lac et arrive à ma hauteur. Nous échangeons quelques mots. Ils se proposent bien aimablement pour réaliser ma photo devant le panneau du col, j’accepte ! Nous nous quittons après quelques salutations. Ils rejoignent le refuge alors que je repars pour Splügen. Les nuages s’obscurcissent, j’en viens à espérer qu’il ne pleuve pas.
La descente du San Bernardino vers le village d’Hinterrhein est plaisante. Le revêtement est de bonne qualité. La route d’abord assez rectiligne avec de grandes courbes ouvertes, se transforme ensuite en un enchaînement d’épingles à cheveux. Elle est comme suspendue à flanc de montagne. Les lacets s’enchaînent et la vitesse cède le pas sur la technique. Le changement de rythme me permet de pouvoir profiter de la vue sur la vallée qui se découvre progressivement tout en restant concentré sur le profil de la route. Côté météo, le ciel semble vouloir rester dégagé à l’Est vers le village de Splügen. Cela me rassure, car je devrais éviter la pluie et surtout les orages dans la montée du denier col du jour.
Initialement je devais emprunter la route 13 jusqu’au village de Splüngen. Par bonheur des travaux me dévient de ma route et m’envoient vers une petite route parallèle. Cette dernière chemine d’abord en forêt puis rapidement dans les alpages. Ces transitions sont vraiment propres à la montagne. Elles égayent toujours mes périples et incitent souvent à la contemplation Je me retrouve de nouveau seul. Les sonnailles couvrent rapidement la rumeur qui monte de l’autoroute au loin. La route est étroite et fait de plus en plus penser à une piste cyclable qui chemine au beau milieu des pâturages. Quelques chalets d’altitudes sont posés là comme une touche de peinture au milieu du vert étincelant des alpages. Le village de Splugën approche, je cherche sur ma droite la route du col, mais je ne l’aperçois pas encore.
Dans Splügen, je profite d’une fontaine pour refaire le plein de mes bidons. Les premières pentes du col sont maintenant visibles. Le début du Splügnepass bien dégagé laisse apparaître une belle pente avec de beaux virages serrés. La route disparaît ensuite dans la forêt. De nombreuses voitures et camions gravissent les premières pentes vers le col. Il semble bien que la circulation y soit soutenue.
Je m’élance ! Le Splügenpass est un col bien sympathique qui culmine à deux-mille cent dix-sept mètres d’altitude. Il marque la frontière entre la Suisse et l’Italie. Avec seulement 8,8 kilomètres, son ascension n’est pas très longue et tranche avec les trente kilomètres des premiers cols de l’étape. Par contre sa pente moyenne est bien plus élevée avec ses sept pour cent et demi pour atteindre un maximum de onze pour cent au troisième kilomètre. En montagne, les cols les plus petits ne sont pas forcément les plus faciles. Je trouve mon rythme et monte régulièrement. Dans les prairies environnantes, les éleveurs préparent l’hiver en fauchant le foin. Du fait de la pente, les tracteurs restent remisés au profit de grosses tondeuses à main dotées de roues en acier à crampons. J’atteins déjà la forêt, la fraîcheur me fait du bien. Je croise alors quelques ramasseurs de champignons en pleine récolte. Nous échangeons quelques salutations. J’ai du mal à identifier si ce sont des cèpes, des girolles ou des champignons locaux, mais la récolte semble bonne. Après plusieurs lacets, je retrouve les prairies d’alpage. La vue se dégage vers les sommets environnant. Un torrent s’écoule tranquillement sur ma gauche. Un peu plus haut, je distingue un chantier. Je comprends maintenant pourquoi il y a tant de camion dans ce col. L’asphalte a été totalement retiré sur presque un kilomètre. Et les engins de chantier œuvre à niveler le sol après l’installation de ce qui ressemble à un réseau d’eau pluviale. Me voilà en mode « gravel » ! J’évite les pierres et les quelques nids de poule pour ne pas crever. Par moment ma roue arrière se dérobe dans la poussière. Je joue les équilibristes pour ne pas tomber. Les ouvriers s’arrêtent pour me laisser passer. Nous échangeons un bonjour et quelques sourires. Sous l’effort pour amortir les imperfections du terrain, mes pulsations cardiaques montent. Après quelques minutes d’efforts plus soutenus, je retrouve enfin le goudron. Je peux souffler. Je ne suis pas tombé et je n’ai pas crevé tous va bien ! je reprends mon rythme et mes pulsations cardiaques retombent assez vite. Les rampes se font de moins en moins longues, traditionnellement cela annonce le sommet. Le végétal se bat maintenant pour trouver un place dans le minéral qui s’impose progressivement, Le col apparaît. Pas de panneau traditionnel, juste une pierre avec une plaque en émail marquant l’altitude « 2117 ». Tout est d’époque, l’ancien poste de douane en pierre, la borne qui marque la frontière. Seul un panneau métallique rappelant les limites de vitesse en Suisse est plus contemporain.
La descente vers l’Italie et le Val Chiavenna est un ravissement. Tout commence dès le village de Montespluga et le lac du même nom. Tout est merveilleux, les massifs environnant, le lac, les bâtisses, même le barrage implanté dans un décor minéral attire l’attention. Je m’arrête quelques instants pour profiter de la vue. Un peu plus loin dans le village de Stuetta la maison des cantonniers « Casa cantoniera » attire le regard. Ces maisons construites pour accueillir les cantonniers chargés de l’entretien des routes et parfois leur famille sont d’un rouge typique dit rouge de Pompéi. Elles sont souvent dotées d’un garage pour ranger le matériel. De construction assez ancienne, elles ne manquent pas d’attirer le regard. Beaucoup ont été abandonnées dans les années mille neuf-cent quatre-vingts en raison des coûts. On peut aisément imaginer la dureté de la vie à ces altitudes lorsque l’hiver est là.
Je poursuis ma descente et ne tarde pas d’arriver sur le village de Palù. À partir de ce village, la dénivelée négative va augmenter. La route comme suspendue au flanc de la montagne est impressionnante. Chaque tronçon de route constitue le toit du tunnel inférieur. Par moment, les véhicules se trouvent bloqués dans les virages en épingle. Ces virages extrêmement étroits sont implantés en extrémité des tunnels. Aussi, il est impossible d’apercevoir les véhicules qui arrivent en sens inverse. Des panneaux impose l’usage du klaxon pour s’annoncer avant de s’engager. La priorité est donnée au véhicule déjà engagé quel que soit son sens de circulation. Je reste donc concentré en veillant à bien rester sur ma voie. C’est un peu usant ! Impossible de doubler les voitures qui freinent en permanence. Il faut donc jouer des freins, les muscles se tétanisent un peu. Au pied de la descente, je laisse Isola sur ma droite et poursuit ma route en direction de Chiavenna. La route devient un peu plus rectiligne et toujours en descente malgré quelques côtes. Je reste concentré ce qui permet d’apercevoir ma coach arrêtée sur le bas côté. Une belle surprise, elle est venue à ma rencontre en vélo. Coup de frein, pour lui permettre de prendre ma roue, nous faisons maintenant route de concert en direction de Chiavenna. Après une petite erreur de parcours nous arrivons enfin à l’agritourismo « Al Palaz ». Voilà encore une belle étape de terminée.
Lors de cette troisième étape j'ai parcouru 130,53 kilomètres et gravi 2 751 mètres de dénivelée positive en 6h00de déplacement. Depuis le départ de Thonon-les-Bains j'ai cumulé 431.78 kilomètres et 9 012 mètres de dénivelée positive.
Voici le film de ma journée :
Mardi 29 août 2017 : # Acte 4 : Prata Camportaccio – Livigno
En ce mardi matin, le ciel est dégagé, une belle journée s’annonce. La nuit a été calme et reposante dans ce bel agritourismo « Al Palaz ». Le parcours du jour s’annonce une fois de plus somptueux. Sportivement, je vais avoir quatre cols à franchir, le Malojapass (profil ici), le Julierpass (profil ici), le Passo del Bernina (profil ici) et enfin le Forcola di Livigno (profil ici). Côté paysage, cette étape va être marquée par les nombreux lacs d’altitude. Il est dix heures et neuf minutes lorsque je m’élance pour cette étape Prata Camportaccio – Livigno qui s’annonce sublime.
Trente-huit kilomètres me séparent du Passo Maloja. Dans un premier temps, il me faut atteindre puis traverser Chiavenna par la strada statale numéro 36. En ce milieu de matinée la circulation y est intense, et ne diminue pas dans Chiavenna.
À la sortie Nord de Chiavenna, je bifurque à droite sur la SS37 et entre dans le Val Bregaglia qui s’étend de Chiavenna au col de la Maloja. C’est une jolie vallée encaissée arrosée par la rivière Méra qui va se jeter ensuite dans le lac de Cöme. Le bas de vallée est très vert et notamment boisé. A Dogana, je quitte l’Italie et sa province de Sondrio et repasse en Suisse dans le canton des Grisons. Le SS37 devient alors la route 3.
Peu après la frontière, j’arrive sur le joli village de Bondo classé « bien culturel Suisse d’importance nationale ». Malheureusement ce n’est pas pour cela que village vient de faire l’actualité. Le 23 août 2017 environ quatre millions de mètres cubes de roches se sont détachés de la paroi Nord du Piz Cengalo faisant huit victimes. Ce premier éboulement a été suivi d’un second le 25 août, soit quatre jours avant notre passage. Ce n’est pas la première fois que ce village, qui se trouve placé dans le cône de déjection du torrent Bundäsca, est victime de coulées de laves torrentielles, formées de boues, roches et de glace. Ce phénomène s’était déjà produit en 2011, 2012 et 2016. En longeant le torrent, son lit est encombré d’une couche de plus de deux mètres de sédiments et de pierres. À cette vue, on imagine sans peine la puissance de ces coulées qui se produisent de plus en plus souvent sur ce joli village. Selon les glaciologues appelés sur place, ces phénomènes sont dus au réchauffement climatique et notamment à la fonte des glaciers. Le dégel conduirait à des mouvements de parois et à des effondrements de magmas appelé aussi laves torrentielles. Le cas de Bondo n’est pas un cas isolé, tout le massif Alpin est concerné, y compris notre cher Mont Blanc. Et il est à craindre que nous ne soyons qu’au début d’un processus bien plus grave ! Je ne sais pas si nous avons encore le pouvoir de stopper rapidement ce processus. Mais de toute évidence, il est grand temps de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et de redonner un sens à nos vies afin de transmettre aux générations futures ces joyaux que l’on nous a prêté ! Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Serions-nous moins en heureux à devenir plus éco responsables, je ne le pense pas…
C’est donc avec respect que je continue ma route par le centre-ville de Bondo. Cette traversée est un enchantement : ses rues pavées, ses monuments et bâtisses. Quelle beauté ! Je retrouve la route numéro 3 à la sortie du tunnel situé à l’Est de Bondo. C’est le moment que choisi Nathalie pour me rejoindre. La route doit être traditionnellement paisible. Cependant suite aux coulées de laves torrentielles de ces derniers jours, elle connait par moment un trafic soutenu de camions qui évacuent un magma de boues grises prélevée dans le lit du torrent. À leur passage, une eau gris clair s’écoule des bennes et inondent la route. Par bonheur, les chauffeurs prennent garde de ne pas trop me serrer et ralentissent en me doublant. Mais le vélo prend de plus en plus une teinte boueuse qui vire au gris,
La vallée est très agréable, Des châteaux, de vieux ponts égayent la route qui commence à s’élever. Le ciel est d’un beau bleu que seuls quelques nuages coincés sur les cimes viennent troubler. La température s’élève petit à petit, par bonheur la route est bien dotée en fontaines, je progresse sereinement dans le ronronnement d’un hélicoptère qui participe au dégagement des arbres emmenés par les coulées de boue.
Les traversées de villages s’enchaînent et ma progression s’accompagne d’un resserrement de la vallée qui va se refermer sur le Malojapass, tel un goulot d’étranglement. Je commence déjà à distinguer au loin les véhicules qui montent à flanc de montagne. Les paysages sont somptueux tout comme la route et ses lacets. Dans la montée se trouve les ruines d’une église. Je m’arrête pour réaliser quelques clichés et surtout contempler le travail des bâtisseurs qui ont érigé à la seule force de leurs bras un tel bâtiment imposant et totalement isolé à flanc de montagne. La foi et la spiritualité permettent parfois des exploits inimaginables. Il est d’ailleurs dommage que ces bâtiments soient maintenant abandonnés se transformant progressivement en ruines.
Par moments, la pente dépasse les huit pour cent pour atteindre plus de dix pour cent sur les deux derniers kilomètres et demi. La circulation se fait plus soutenue ralenti par le croisement des camions et des campings cars. Ce n’est pas tant les ralentissements qui me gênent, mais plutôt cette mauvaise odeur dégagée par les gaz d’échappement. Après trois heures d’effort depuis Prata Comportaccio, j’atteins le village de Maloja et franchi le premier col de la journée. Pour avoir étudié le parcours je sais que je vais maintenant entrer sur un long plateau d’altitude qui prendra fin a après la jolie ville Olympique de Saint Moritz. Mais avant cela et pour corser un peu les choses, j’ai inscrit le Julierpass dans mon parcours. Corser mon parcours, je ne croyais pas si bien dire…
Le passage du Malojapass me permet d’entrer dans L’Engadine, région des Grisons qui va de Maloja à Saint-Moritz. L’Engadine est parsemé de lacs d’altitude. Le premier se situe dès la sortie de Maloja. Sa vue est sublime. Son nom est le « Silsersee » ou lac de Sils. Sa surface de plus de quatre kilomètres carrés en fait un lac imposant. Il est immédiatement suivi par le « Silvaplanersee » de presque trois kilomètres carré puis du « Champférersee » qui communique avec le précédent et enfin le lac de Saint-Moritz de soixante-dix-huit hectares. Aussi, il m’avait paru étrange de croiser beaucoup de voitures avec des planches à voile sur le toit dans la montée du Malojapass. J’en découvre la raison quelques kilomètres plus loin. Le plateau niché à mille sept-cents mètres d’altitude est un paradis pour la pratique de la voile sous toutes ses formes. La route de La Maloja jusqu’à Saint-Moritz est un enchantement. L’eau d’un bleu profond reflète les rayons du soleil et les massifs environnants. S’il n’y avait pas l’altitude, je pourrais me croire sur le littoral mêlant falaises, résineux et mer. Lorsque l’on a comme moi une passion pour la voile, les grands espaces océaniques et la montagne, je ne pouvais manquer de rester captivé par la beauté de cette rencontre de l’eau et du minéral. Voici un aperçu de cet écrin de nature…
Captivé par ces lacs, je le fus certainement, mais beaucoup moins par l’ascension du Julierpass. Ce col qui n’est pas au programme officiel de cette randonnée alpine devait venir pimenter cette étape. Son ascension débute dès le rond-point du village de Sliverplana sur la route 3. Longue de moins de sept kilomètres, son intérêt réside surtout dans ses pourcentages sur les trois premiers kilomètres dont le premier à presque onze pour cent de moyenne. La pente oscille ensuite ente quatre et six pour cent. Malheureusement, des travaux sur un tunnel et surtout un flux soutenu de camions sont venus gâcher cette ascension. Par trois fois, j’ai failli être renversé par le souffle de camions qui montaient à vide, à grande vitesse et en me rasant pour éviter de percuter les camions ou véhicules descendants. Certainement payés au tour, la vie d’un cycliste ne semble pas compter pour ces chauffeurs pour ne pas dire chauffards. Si bien qu’à la troisième fois et alors que je roulais sur le bas-côté, j’ai bien failli être projeté sur les enrochements en bord de route. Je ne sais toujours pas comment j’ai fait pour éviter la chute. Je comprends que relancer un camion en montée leur fait perdre du temps, mais de là à jouer avec la vie des cyclistes, il y a un pas qu’il ne faut pas franchir. Je pense d’ailleurs que les cyclistes locaux ont temporairement abandonnés cette ascension car j’étais bien seul sur cette montée qui en termes de paysages et d’effort physique présente un bel intérêt. J’ai donc dû me résoudre à faire demi-tour à mi-pente, l’ascension d’un col si beau soit-il ne mérite pas qu’on y laisse sa vie. J’ai donc retrouvé le calme de la route 3. J’aurais dû normalement retrouvé ma petite coach préférée à Saint-Moritz pour une pause restauration. Cependant, trop subjugué par les paysages, j’en ai oublié l’heure qui tournait. En désespérance de cause Nathalie a poursuivi sa route vers Livigno et du coup j’en ai fait de même.
Passé Saint-Moritz, j’enroule le pied Pic Rosatch et vire à droite sur la commune de Samedan. J’entre alors dans la vallée de l’Albula qui va me conduire sur le Passo del Bernina. Cette vallée me réserve de bien belles surprises. Dès la sortie de Pontresina apparaît le glacier le plus volumineux et le troisième plus large des alpes occidentales, le Morteratsch. Au début, seul le sommet des Pics Bellavista, Zupo, Argient et Crast’Agüza apparaissent.
Mais plus l’ascension avance et plus le glacier se dégage. Une rivière de glace d’une immaculée blancheur se révèle. La pente n’a plus d’importance. Je contemple, je savoure ! Il est tellement rare de pouvoir contempler un si beau glacier que j’ai du mal à détacher mon regard de ce spectacle naturel. Oh j’ai déjà roulé autour du mont Blanc, mais son glacier se trouvait soit dans les nuages, soit beaucoup plus loin.
Seul le passage du Bernina Express détourne par moment mon attention. Il s’agit d’un train de montagne rouge qui relie les villes de Coire, de Davos ou de Saint-Moritz à Tirano en Italie.
Passé Diavoleza, un fort vent de Nord-Ouest s’est levé. Le col n’est plus très loin, mais le final de l’ascension vers le Passo del Bernina se durcit physiquement. Avec le vent, la température baisse assez vite m’obligeant à revêtir mon gilet coupe-vent, puis ma veste de pluie. Le Pic Bernina, son glacier et le lac Blanc à ses pieds offre une vue véritablement merveilleuse. Elle adoucit le combat que je mène contre le vent en détournant mon esprit. Je roule depuis cinq heures et vingt-huit minutes lorsque j’atteins le Passo del Bernina.
La descente sur le poste frontière italien est assez rapide car situé à mi-descente du Passo del Bernina. Sitôt passé le poste frontière, j’attaque la montée sur le Forcola di Livigno. Cette dernière difficulté présente un peu moins de quatre kilomètres d’ascension. Le premier kilomètre n’est pas très pentu avec moins de trois pour cent. Mais rapidement la pente va s’élever pour atteindre près de treize pour cent. C’est dans le début de la partie la plus pentue que s’est installé un chantier imposant une circulation alternée. Il y a des fois où il est vraiment difficile de repartir en côte, notamment lorsque les voitures nous serrent pour passer avant le prochain feu rouge et que l’on se trouve contraint de rouler sur une bande de cinquante centimètres. Une première tentative, puis une seconde, un coup de klaxon, j’abandonne ! Je franchis le chantier à pied et redémarre au calme lorsque les véhicules montants sont stoppés de nouveau. Le final est vraiment physique mais je ne mettrais plus les pieds par terre. Malgré la pente, cette ascension est de toute beauté. Il me faudra moins de trente minutes pour atteindre le sommet.
La descente sur Livigno est plaisante. La route est belle. Les courbes sont assez ouvertes et propices à quelques pointes de vitesse. Livigno, est considéré comme le second plus haut des villages habités des Alpes (2 250 m), derrière Juf (Suisse, Grisons) et devant Saint-Véran (église située à 2 042 m). À l’entrée de la ville, je croise Nathalie qui était parti à ma rencontre en mode randonnée. Le Garni Oasi qui va nous servir de gîte pour la nuit se situe à deux cents mètres. Cette quatrième et belle étape prend fin après six heures et dix-huit minutes de route. Je suis satisfait, car le niveau de fatigue est encore acceptable ce qui plutôt favorable pour la sublime étape de demain.
Lors de cette quatrième j'ai parcouru 107,59 kilomètres et gravi 2 990 mètres de dénivelée positive en 6h30' de déplacement. Depuis le départ de Thonon-les-Bains j'ai cumulé 539,37 kilomètres et 12 002 mètres de dénivelée positive.
Voici le film de ma journée :
Mercredi 30 août 2017 : # Acte 5 : Livigno – Cermes
Dès le début de la préparation de ce périple, cette cinquième étape « Livigno – Cermes » était marquée du sceau de l’aventure et du plaisir. C’est l’étape du mythique Stelvio (profil ici) ! Le col que beaucoup de cyclistes rêvent un jour de gravir. Avec ses deux-milles sept-cents soixante mètres d’altitude, ce sera également l’étape de ma Cima Coppi. Ainsi, avant même de m’élancer ce mercredi 30 août 2017, je savais que cette journée serait exceptionnelle. Découvrir et gravir pour la première fois ce col majestueux aux soixante virages en lacet est un moment unique dans la vie d’un cycliste épris de montagne. L’envie d’inscrire cette ascension aussi légendaire à mon tableau de chasse ne pouvait pas demeurer seulement un rêve lointain. J’ai toujours pensé que les rêves tenaient une place importante dans la réussite d’une aventure et dans la capacité à dépasser ses propres barrières. L’envie doit se transformer en un moment exquis de bonheur qui vient conclure une phase faite d’attente, de préparation mais aussi d’impatience et parfois de doutes. Et je l’avoue, mes rêves de cette rencontre tant espérée avec le Stelvio étaient bien en dessous de la réalité, car si le Stelvio est un joyau du cyclisme, son parc national est son sublime écrin.
Après l’exigeante étape de la vielle, j’avais pris le parti de récupérer un peu. Ne pas courir et se précipiter à l’aube d’une si belle journée contribue aussi à sa réussite. Il est donc dix heures et cinq minutes lorsque je m’élance pour cette étape de cent trente-cinq kilomètres. Avant de gravir le Stelvio, je vais devoir franchir trois cols le Passo del l’Eira (2 208m) (profil ici), le Passo Foscagno (2 291 m) (profil ici) et l’Umbrailpass (2 503 m). Une belle brochette de deux-milles. Dans la planification de cette étape, les deux premiers devaient servir de préliminaires à un bon échauffement. Pour L’Umbrailpass, situé à quelques lacets en-dessous du Stelvio, j’ai décidé de le retenir comme une étape dans l’ascension du Stelvio. Une étape certes, mais néanmoins obligatoire, sans quoi il m’était impossible de faire valider mon carnet de route à son refuge. Et surtout, je n’ai jamais ignoré un col situé à proximité de ma route, je ne vais donc pas commencer aujourd’hui.
Avec douze degrés Celsius, le fond de l’air est encore un peu frais quand je donne mes premiers coups de pédales. Cependant, comme le ciel est dégagé, je fais le choix de partir léger pour l’ascension du Passo del l’Eira. Avec les premiers efforts, ma température va forcément monter et compenser la fraîcheur ambiante. Dès la sortie de Livigno, la route s’élève. Je monte à mon rythme afin de m’échauffer progressivement. Au regard des efforts produits sur les étapes précédentes, je suis surpris par ma relative fraîcheur musculaire. Mes jambes sont relativement légères, je ne ressens ni courbature, ni fatigue excessive. Ma préparation spécifique pour les 7 majeurs et l’enchaînement assidu de mes dodacaudax depuis le mois de janvier ont eu un effet bénéfique sur ma progression. En tout cas, je savoure, à sa juste mesure les résultats de tous ces entraînements.
La montée est paisible, je suis quasiment seul ! Je profite à plein de ce moment de calme et de solitude avant le tintamarre que je ne vais pas manquer de trouver au pied du Stelvio. Cette journée commence vraiment bien ! Avec seulement six kilomètres d’ascension à moins de six pour cent de moyenne j’atteins le Passo del l’Eira en un peu moins de trente-neuf minutes. Le temps de réaliser quelques clichés, je repars pour le col suivant le Passo Foscagno.
La descente du Passo Del l’Eira est très courte, je profite donc de cette descente vite avalée pour détendre mes muscles en moulinant. Passé le village de Colombina-Somarin, Une bonne bise de face se fait sentir et comme elle ne rencontre aucun obstacle pour l’atténuer, elle freine rapidement mes ardeurs et abaisse notablement la température. Dans ces conditions, les premiers mètres de montée me coupent les jambes d’autant qu’il me faut négocier un premier passage à plus de dix pour cent dès le premier kilomètre d’ascension. Il sera suivi d’un deuxième passage aussi pentu au début du quatrième kilomètre. Pour une mise en jambe, c’est une belle mise en jambe. Passer les premiers hectomètres, les muscles retrouvent leur souplesse et ça monte mieux ! Pas très longtemps d’ailleurs, car la montée sur le Passo Foscagno assez courte avec seulement quatre kilomètres et six-cent dix mètres de dénivelée. Le soleil qui s’élève doucement devant moi assèche la route et fait briller les roches sur le bas-côté. Il donne une belle couleur pâle aux prairies d’alpage. Je respecte mon plan de route et monte à mon rythme pour préserver mes forces pour le Stelvio Il me faudra ainsi une petite demi-heure pour franchir la deuxième difficulté du jour.
Le Passo Foscagno à cette heure matinale n’est pas très fréquenté. Je mets donc à profit mon arrêt au sommet pour avaler une barre énergétique et m’élance ensuite dans la belle descente de vingt-deux kilomètres vers Bormio. La route est belle et ponctuée de quelques paravalanches. Au loin j’aperçois déjà ce qui semble être le « Piz da las Trais Linguas » le pic des trois langues. Il est appelé ainsi parce qu’à son sommet s’y rencontrent les frontières linguistiques entre l’italien (Valtellina), l’allemand (Vinschgau) et le romanche (val Müstair, canton des Grisons). et c’est au pied de ces frontières linguistiques que se trouve également mon Graal du jour le col du Stelvio !
Les villages se succèdent en même temps que la distance me séparant de Bormio se réduit : San Carlo, Maol, Semogo, Valdidentro, Pradelle, Seghetto, Turri Piano, Molina. Je réalise un seul arrêt pour compléter mes bidons à une fontaine. Les quartiers Nord de Bormio apparaissent devant moi. Mon GPS bipe en me demandant de prendre à gauche sur la strada statale numéro 38. Les panneaux surgissent alors « Umbrail – CH » et « STELVIO » ! Un instant magique qu’il faut immortaliser et partager avec Nathalie qui est encore derrière moi. Nous communiquons avec Facebook, une photo un message, elle a l’information en même temps que certains d’entre vous fidèles abonnés. Je m’élance !
Le début de l’ascension est assez simple avec une pente d’un peu plus de quatre pour cent. La vallée est encore large. Seules les inscriptions sur le goudron indiquent que cette route appartient à un monument du cyclisme. Un monument gravi par les plus grands : Félice Gimondi, Fausto Coppi, Gino Bartali, Eddy Merkx, Bernard Hinault et plus récemment par les concurrents du Giro 2017 lors de sa seizième étape « Rovetta – Bormio » le 23 mai 2017. Le Stelvio figure dans un grand nombre d’épreuves professionnelles et amateurs italiennes. Il est le siège de toutes les attentions que l’on soit un cycliste local ou de passage. Il est donc tout naturel que des messages personnels fleurissent en grand nombre sur son revêtement. Inscrits par des proches ou des « tifosi » endiablés, ils égayent l’effort, encouragent dans les portions les plus raides et font parfois sourire. Ils sont le corollaire de ces belles montées où se sont écrites les plus belles pages du cyclisme.
Le premier kilomètre est rapidement franchi. La pente monte ensuite rapidement de six à huit pour cent sur trois kilomètres. Après ce premier effort, le cinquième kilomètre nous propose un petit palier à quatre pour cent. Il faut en profiter pour récupérer un peu car la pente repart à la hausse à huit pour cent dès le début du sixième kilomètre sans jamais redescendre en dessous de sept et demi pour cent avant le seizième kilomètre. J’essaye de faire corps avec la pente et de profiter à plein de cette expérience tant espérée. Je savoure chaque mètre de pente de cette ascension qui sera trop courte, presque fugace, dans ma vie de cycliste. Tel un enfant, je m’émerveille, j’enregistre le moindre instant que je voudrais pouvoir graver à tout jamais dans ma mémoire avec en titre indélébile :« Ma première ascension du Stelvio ». Ce nouvel opus personnel intime et exceptionnel sera rangé dans mon cortex à côtés des autres monuments : Mon tout premier col : le Ventoux par Bédoin, mes premières ascensions du Tourmalet, de l’Iseran, du Galibier, de la Cime de la Bonette ou de l’Izoard…
Les premiers tunnels arrivent et progressivement. La vue sur le haut de la première partie de l’ascension se dégage. Je ne suis pas seul ! On croise de tout sur la montée du Stelvio. Beaucoup de motos très bruyantes, des collectionneurs de voitures anciennes dont les gaz d’échappement laissent derrière eux une dérangeante et lancinante odeur d’essence, un groupe de collectionneurs de vespa vintage et beaucoup de camping caristes un peu mal à l’aise dans les lacets et les tunnels et beaucoup de cyclistes en tous genres… On distingue au loin, le long serpent de véhicules qui monte à flanc de montagne ainsi qu’ un bâtiment blanc qui domine la vallée. Par moment, je perds le cheminement de la route qui se fond avec le gris anthracite du minéral. Les lacets numérotés défilent un à un. La vue sur le « bar kiosk national park » se dégage plus nettement. Sur ma gauche la cascade del Braulio s’écoule paisiblement. La longueur des rampes se réduit et les lacets s’enchaînent plus rapidement. Sur certains passages la pente se fait plus exigeante. J’alterne les positions assises et en danseuse pour soulager mes groupes musculaires les uns après les autres. Des groupes de cyclistes se sont constitués dans les premiers kilomètres. Ils progressent au rythme de chacun. Ils se font et se défont au gré des arrêts photos ou ravitaillement.
Sur la rampe menant au « bar kiosk national park » la vision sur le bas de la vallée permet de distinguer le chemin parcouru. Un grand nombre de lacets déjà apparaissent. La vue est sublime et me rappelle les photos étudiées lors de la préparation de mon périple. Elles me faisaient saliver. Se souvenir, c’est aussi immortaliser certains instants. Prendre un cliché est facile, le réussir nécessite plus d’attention. Je décide de poursuivre ma route pour améliorer le point de vue. À quelques encablures du sommet de la première partie de l’ascension, je me décide ! Ce sera photo et vidéo pour rendre encore plus réaliste l’événement. Alors que je m’approche du bord opposé de la route, j’aperçois ma coach en contrebas qui gravi la pente. Son Orbéa sur le porte vélo la rend facilement identifiable même au loin. Elle me rejoint rapidement…
Au-dessus de nous, sous l’effet de la pente, le gris du minéral domine provisoirement. L’altitude au GPS indique deux-mille deux-cents mètres. Je ne suis pas encore au bout de mon effort, il me reste encore au moins cinq-cents mètres d’ascension à gravir.
Je repars gravir les derniers lacets de cette première partie de l’ascension. En basculant en haut, la pente se réduit un peu et la route reprend un profil plus linéaire d’une traditionnelle route cheminant à flanc de montagne en épousant la courbe du massif. Je récupère de mes premières émotions et de mes premiers efforts. La vallée s’ouvre un peu plus. Je rattrape les quelques cyclistes qui m’avaient lâché pendant ma séance de photos. Mes jambes tournent bien, je n’ai donc pas de raison de progresser en sous régime. Je laisse derrière moi la « Terzia Cantoniera » avec sa traditionnelle couleur Rouge de Pompéi. J’atteins ensuite le monument aux morts dédié à la première guerre mondiale. Si le Stelvio est un col légendaire du cyclisme, il a aussi été le théâtre d’âpres combats lors du premier conflit mondial. Situé à l’époque sur la frontière entre l’Empire Austro-hongrois et le royaume d’Italie, il n’a pas été épargné par le conflit. Aussi, il n’est pas surprenant de rencontrer en ces lieux ce monument érigé à la mémoire des soldats tombés au combat.
Après quelques kilomètres supplémentaires, je quitte la route du Stelvio et vire à gauche pour entamer la montée sur l’Umbrailpass. Cette dernière n’est guère difficile. La carte est à tamponner au refuge un peu après le panneau du col. J’en profite pour me restaurer avec ma coach qui a pris le soin d’acheter de beaux casse-croûtes au jambon de pays et crudités.
Une fois restauré, je m’élance pour le final de cette ascension du Stelvio. Avec des passages à plus de douze pour cent sur les dernières rampes, il s’annonce sportif. Ne dit-on pas : « à vaincre sans péril on triomphe sans gloire », je prends donc ces passages plus raides comme une bénédiction à fêter dignement mon premier Stelvio ! Malgré l’altitude à plus de deux-mille mètres, je ne souffre pas trop du manque d’oxygène. Les premières étapes semblent avoir permis à mon organisme de s’adapter. L’effort est certes moins aisé, comme un peu ralenti, mais je n’ai pas la tête qui tourne lorsque je m’hydrate. Le sommet du Stelvio se révèle, il se dégage tour de roue après tour de roue, rampe après rampe. Encore quelques efforts ! L’altitude affichée par mon compteur frôle les deux-mille sept-cent soixante mètre, me voici au sommet !
Si le Stelvio est une légende, son sommet a tout d’un grand cirque à touristes. C’est vraiment la première fois où je vois tant de commerces s’étaler sur le moindre espace libre. Il semble également détenir un autre record peu enviable, celui du nombre d’autocollants par mètre carré de panneau ! J’avais déjà remarqué cette habitude qui consiste à coller des autocollants des clubs, surtout de motards, sur tous les panneaux routiers ou des cols. Avec le passage quotidien de centaines de motards, chaque autocollant posé est très vite recouvert par d’autres bouts de plastique tout aussi disgracieux qu’inutiles. Sur le Stelvio, les couches de plastique sont telles qu’il devient difficile, voire impossible, de lire les inscriptions sur les panneaux. Le summum de la bêtise est alors atteint, car cette drôle de manie gâche jusqu’à la capacité de leur auteur à pouvoir réaliser leurs propres photos. Heureusement, pour les cyclistes, il nous reste la stèle de Fausto Coppi pour immortaliser notre passage.
En arrière plan du col, un glacier illumine le sommet du Gran zebrù. Franchir les derniers mètres qui me séparent de l’extrémité de la zone de tumulte, c’est basculer en quelques mètres vers l’autre versant du col. La vue plongeante sur la vallée est exceptionnelle ! Le gris et le minéral dominent sur les prairies d’altitude. La route serpente en lacets impressionnants. La descente va être tout aussi technique que grandiose. Je vais devoir contrôler ma vitesse tout en essayant de profiter des paysages exceptionnels.
Le revêtement est parfaitement lisse, je n’ai pas besoin de pédaler pour sentir ma machine accélérer rapidement dès les premiers mètres. Les courbes serrées sont sublimes et demandent un peu de maîtrise. Je travaille mes trajectoires et veille à ne pas couper mes virages. Bascule à gauche, accélération, freinage, bascule à droite… j’enchaîne les courbes rapidement. Sous l’effet des neuf pour cent de pente négative, je veille à ne pas me laisser griser par la vitesse. L’altitude chute progressivement. La vue sur le glacier se fait encore plus belle. Sous l’effet du soleil, le torrent qui s’écoule du glacier brille de mille rayons.
Au bas de la première série de lacets, la route se fait plus rectiligne. Cette modification du profil en long s’accompagne d’une augmentation de ma vitesse. J’atteins presque les soixante-dix kilomètres par heure. À ce train, j’aborde rapidement Gomagoï puis Prato Allo Stelvio. À partir de Spondigna, la route s’aplatit. Je vire à gauche. Les paysages changent rapidement. Comme dans beaucoup de vallées, la plaine nourricière s’ouvre devant moi. De Spondigna à Cermes, le pommier est roi ! Où que mon regard porte, il n’y a que des pommiers. Il me reste encore cinquante-deux kilomètres à parcourir pour rejoindre notre ville étape du jour. La concentration de la descente laisse peu à peu la place aux émotions. Je réalise que c’est déjà fini. Je suis heureux et ressent en même temps une sorte de déception, car le Stelvio est maintenant derrière moi et un rêve s’achève ! Ce fut merveilleux, mais trop rapide, beaucoup trop rapide. Une étape est franchie ! Par bonheur, il me reste encore une multitude de cols mythique à gravir. Heureusement pour nous, beaucoup se situent en Europe. Et qui sait peut-être aurons-nous un jour l’occasion de revenir dans la région pour gravir la Stelvio depuis Prato Allo Stelvio…
En cet fin d’après-midi, la circulation devient très chargée sur la SS38, Nathalie est partie en éclaireuse. J’arrive à m’extraire de la route pour m’engager sur une belle piste cyclable qui chemine à travers les vergers et parfois en bord de rivière. Elle me permet d’éviter Merano et de rejoindre sans stress ma coach qui est déjà arrivée sur Cermes. Je me remets doucement de mes émotions et savoure cette belle journée. Le Stelvio est vraiment un col splendide !
Lors de cette cinquième j'ai parcouru 138.81 kilomètres et gravi 2 544 mètres de dénivelée positive en 6h23' de déplacement. Depuis le départ de Thonon-les-Bains j'ai cumulé 678,18 kilomètres et 14 546 mètres de dénivelée positive.
Voici le film de ma journée :
Jeudi 31 août 2017 : # Acte 6 : Cermes – Cardano
Après une étape comme celle de la veille, il peut être difficile d’apprécier à leur juste valeur les difficultés suivantes. Comparer au Stelvio, les autres cols pourraient paraître ternes, sans relief comme dénués d’intérêt. Mais quand la passion d’un grimpeur de cols se mêle à la raison, cette fausse impression s’évapore rapidement. Tous les cols se méritent. Ils ont tous quelque chose d’intime : des paysages, une histoire, une pente. Ils servent en quelque sorte d’écrin à tous ces cols mythiques qui ont construit la légende du cyclisme. Ils peuvent même parfois nous réserver de belles surprises. Et surtout, sur un périple comme ce Thonon-Trieste, la difficulté du parcours ne peut pas résider dans la seule ascension d’un ou deux cols de légende. C’est bien le cumul de dénivelée et de distance qui caractérisent la dureté du parcours et la beauté de l’aventure. À l’aube de cette nouvelle journée, il me reste encore six étapes à parcourir et de très beaux cols, tout aussi exigeants que le Stelvio, à gravir, le Passo Giau sera ardu, les Tre Cimes di Lavaredo seront âpres. Rien n’est fait, tout reste à finir, l’aventure continue !
En ce jeudi 31 août 2017, c’est la météorologie qui joue des siennes. Si les prévisions locales sont exactes, je ne devrais pas arriver à Cardano totalement sec. Ne pas partir trop tard semble être une sage décision pour essayer de passer entre les gouttes annoncées pour le début d’après-midi. Par chance, cette sixième étape est assez courte et affiche un petit soixante-dix kilomètres à parcourir. Savoir planifier, c’est aussi savoir construire son périple avec des journées exigeantes, entrecoupées d’étapes moins intensives propice à la récupération. L’étape du jour s’inscrit dans ce plan. Mais récupérer ne veut pas dire rouler uniquement sur du plat en fond de vallée, car j’ai aussi un parcours à respecter et celui-ci est parsemé de points de contrôle obligatoires. Parmi ceux-ci, le Passo Della Mendola (1 363 m) (profil ici) qui figure à l’étape du jour, juste après le Passo Palade (1 518 m) (profil ici).
Avec une pente moyenne de plus de six pour cent et un maximum de plus de dix pour cent, le Passo Palade s’inscrit plutôt dans la récupération dite active et non comme une simple promenade de santé de dix-huit kilomètres. Il est neuf heures et trente minutes lorsque je m’élance pour Lana di Sopra. Après Bivio, la pente prend de l’ampleur et ne redescendra provisoirement qu’au onzième kilomètre pour repartir de plus belle quelques hectomètres plus loin. Les nuages envahissent les sommets environnants par touches cotonneuses grisâtres. Le taux d’humidité semble élevé, le temps est lourd. Je monte progressivement. La vallée de Merano qui défilait jusqu’alors en contre-bas, disparaît sous le couvert des arbres qui longent maintenant la route. Seul les bruits de l’agitation urbaine montent encore jusqu’à moi, mais de plus en plus étouffés. Je profite d’une fontaine pour m’accorder une pause « hydratation » à proximité de deux habitations isolées. Je laisse deux vététistes sur place et poursuit tranquillement mon ascension. La route est calme, seuls quelques passages pavés à proximité de tunnel viennent me sortir d’une espèce de plénitude méditative.
À quelques kilomètres du sommet, je retrouve mes collectionneurs de voitures anciennes. Ils montent sur le col et me doublent un à un, laissant à leur habitude flotter dans l’air cette sale odeur de vapeurs d’essence imbrûlées. J’espère alors qu’ils prendront suffisamment d’avance pour que je n’aie pas à subir trop souvent cette effluve désagréable. Après deux-heures d’effort, j’atteins le col et son traditionnel panneau. Nathalie me mitraille avec l’appareil photo pour immortaliser mon arrivé. Le ciel prend de plus en plus une couleur de plomb, mais point de pluie pour l’instant.
La descente sur Fondo est agréable quoiqu’un peu fraîche. La route et large et les courbes suffisamment ouvertes. Les épicéas hauts et sombres se dressent comme une haie d’honneur guidant ma descente tel des rails. À l’entrée du village de Fondo, je vire à gauche direction Malosco. L’ascension du Passo Della Mendola n’est pas très difficile avec une pente moyenne de moins de quatre pour cent sur huit kilomètres, j’en profite pour bien récupérer pour les étapes à venir. Les rayons du soleil se battent avec la couverture nuageuse. Par moment cette dernière cède du terrain, mais se reconstitue rapidement, le temps est vraiment incertain. À la sortie du village de Villini dell’Alpe, je complète mes bidons et repars pour le final de l’ascension. Encore un petit effort et me voici devant le panneau du Passo della Mendola. Ma coach m’attend un peu plus loin pour réaliser de nouveaux clichés. J’arrive à point ! Il est douze heures, c’est l’heure du déjeuner. Rare moment de rencontre : la team est au complet pour une petite pause restauration. Je négocie avec la serveuse un coup de tampon supplémentaire sur mon carnet de route, me voici prêt à repartir pour le final de l’étape du jour.
La plongée vers Bolzano est agréable. Une belle route, de belles courbes et de beaux paysages le triptyque idéal pour une belle descente. À San Michele, sous la pression de la circulation, je quitte la SS42 et emprunte une belle piste cyclable, large, propre et paisible. Circuler en toute sécurité dans cette partie de l’Italie est vraiment appréciable. Cependant, tel Thésée dans son labyrinthe, je me suis quelque peu égaré dans ce dédale de pistes. Et faire appel à la mythologie n’avance à rien, point de fil d’Ariane pour me sauver ! Il aurait mieux valu que j’intègre un bon guidage GPS en intégrant les pistes cyclables sur cette étape. Parler de complexité lorsque l’on évoque ce réseau de pistes cyclables sur Bolzano n’est pas un euphémisme. Car ce réseau est presque aussi dense que celui des rues et des routes. Il permet de passer de quartier en quartier en jouant avec les ponts, les voies sur berges et autres passerelles. Pour le cycliste de passage, il est très facile de se tromper, puis de s’égarer. Ce mercredi après-midi, tout se complique pour moi sur la via Lungo Isarco Destro à hauteur de Casanova. Là où le fleuve Adige et la rivière l’Isarco se resserrent pour former un V. Quatre pistes cyclables s’y concentrent en un nœud stratégique. Toutes ou presque indiquent Bolzano mais vers ce qui ressemble à des noms de quartier différents. Je doute, je cherche, je pars, je m’arrête, je consulte mon GPS, je repars en me disant que si je suis la rivière je vais bien tomber sur Cardano… Oui, mais la rivière comprend des bras, des ponts dans un sens, dans l’autre. La piste s’arrête, il faut passer sur l’autre rive. Sur l’autre rive la piste s’éloigne de la rivière…Je tourne en en rond. Sur la via Alessandro Volta, je tombe sur Nathalie qui s’est également égarée. Elle sur la route, moi sur ma piste cyclable nous sommes beaux ! Un sympathique monsieur remet Nathalie sur le droit chemin, et me donne une direction un peu moins précise :« Pont Palermo, continuer puis à gauche et ensuite la piste ». Mais après le pont, il y a plusieurs pistes cyclables laquelle prendre. Je m’appuie sur la rivière comme un fil d’Ariane et arrive enfin à Cardano à hôtel « Der Eggentaler ». L’après-midi se transforme en séance détente et récupération musculaire dans une belle piscine et un vaste jacuzzi. Séances agrémentées d’une petite sieste à l’ombre des palmiers. Le déluge tant annoncé ne nous saisira que très brièvement dans la soirée alors que nous sommes attablés à la terrasse du restaurant de l’hôtel. Cette étape fût encore une bien belle aventure !
Lors de cette sixième étape j'ai parcouru 62,27 kilomètres et gravi 1653 mètres de dénivelée positive en 3h24' de déplacement. Depuis le départ de Thonon-les-Bains j'ai cumulé 740,45 kilomètres et 16.199 mètres de dénivelée positive.
Voici le film de ma journée :
Vendredi 1er septembre 2017 : # Acte 7 : Cardano – Colfosco
Cette septième étape s’annonçait comme un sympathique parcours de quatre-vingt-cinq kilomètres en direction de Colfosco. Dans les faits, elle s’est transformée en une épreuve contre les éléments climatiques. Pour qu’une aventure soit belle, il faut la pimenter de moments difficiles qui viennent cimenter les souvenirs. Au final, on oublie rapidement ces mauvais moments pour ne garder que l’expérience de l’avoir fait. Ce vendredi 1er septembre c’est inscrit dans cette équation.
Pourtant tout avait bien commencé : une belle nuit, un beau petit-déjeuner et un séjour charmant dans l’hôtel « Der Eggentaler ». Le ciel était bien gris au levé, mais la route sèche et par moment le ciel semblait vouloir se dégager. Mon optimisme me laissait penser que ça pourrait peut-être évoluer positivement. Par précaution, je me suis quand même doté de mes équipements de protection contre le gros temps.
La SS12 est une route nationale qui relie notamment Bolzano à Brennero. En ce milieu de matinée, la circulation y est assez soutenue. Au moment de m’élancer à la sortie de Cardano, j’ai longuement hésité entre prendre la piste cyclable ou rester sur la strada statale. Ne voulant pas m’égarer de nouveau sur un réseau de pistes cyclables que je ne connais pas, j’ai opté pour suivre le parcours officiel de cette randonnée Thonon – Trieste par la route nationale. Mais j’ai rapidement déchanté, car la SS 12 offre peu de place aux vélos. La vitesse des véhicules y est importante et les camions n’ont guère de place pour s’écarter. Il est vraiment désagréable de rouler en étant aux aguets en permanence. Après quelques kilomètres, je me résous à abandonner la SS12 pour rejoindre la piste en mode cyclo-cross : vélo sur l’épaule, je grimpe le talus et rejoins la piste cyclable qui chemine une dizaine de mètres au-dessus. La piste est déserte sur des kilomètres. Je poursuis ma route jusqu’à Blumau où je quitte le parcours de la SS12 pour rejoindre la SP24. J’attaque alors l’ascension du Passo di Pinei (1 442m) (profil ici). Une belle ascension de vingt-quatre kilomètres pour une pente moyenne de presque cinq pour cent. La première partie de l’ascension est assez traditionnelle pour la région avec une route qui serpente à flanc de montage et à travers une forêt d’épicéas. Après quelques kilomètres, je laisse la route de Presule sur ma droite et poursuit mon chemin en direction de Völs am Schlern. Les paysages changent. La forêt d’épicéas s’efface, j’arrive sur ce qui semble être un plateau vallonné où quelques sommets émergent. Le vert des prairies d’alpages domine sous un ciel de plus en plus gris et menaçant. Les villages défilent Völs am Schlern, San Antonio, San Constantino, Castelrott. À la sortie de ce dernier village je suis surpris par une élévation brutale et inattendue de la pente sur une centaine de mètres, mon compteur s’affole et affiche jusqu’à dix-sept pour cent. Debout sur les pédales je passe l’obstacle et poursuit ma route en direction de San Michele.
Le Passo di Pinei est là tout proche, encore un dernier effort et j’atteins son sommet. Le ciel semble vouloir par moment se dégager mais reste dans l’ensemble menaçant. Côté température, j’ai perdu dix degrés depuis Cardano et les douze degrés du sommet rafraîchissent l’atmosphère. Après la traditionnelle photo je décide de me restaurer et de m’équiper pour la descente qui s’annonce fraîche.
La pluie fête mon arrivée sur Ortisei. En guise d’accueil j’espérais mieux. Au début, il s’agit plutôt d’une petite pluie d’orage. À l’entrée d’Ortiseï, je profite d’un espace sur le bas-côté, pour m’équiper en conséquence. Veste de pluie, jambières et éclairage. Une fois équipé, je poursuis ma route en direction du Val Gardena. Le ciel prend une teinte de plus en plus noire et la pluie se renforce rapidement. Cela n’annonce rien de bon ! Mais à force de jouer à cache-cache avec la pluie, depuis plus de vingt-quatre heures, il fallait tôt ou tard que je la rencontre et que je l’affronte. Le moment est venu ! Avec l’altitude, la température chute rapidement. Et l’eau projetée par les véhicules qui me doublent n’arrange rien. Peu avant Santa Cristina Val Gardena, l’orage se transforme en déluge. Un ruisseau s’écoule dans les rues en pente. Les avaloires refoulent de toute part. Au passage de certains véhicules, je reçois de véritables murs d’eau, tantôt par-derrière, tantôt de face. L’humidité pénètre sous ma veste de pluie et atteint les premières couches de vêtements. Je commence à subir le froid. Nouvel arrêt, je mets tout ce dont je dispose (veste « Rain stop », gants d’hivers, manchettes, bandana + casquette…). Mes cinq couches de vêtements me permettent tout juste de me réchauffer. Et le vent de face ne me facilite pas la tâche. Je ne me soucie plus du reportage photo. Je m’enferme dans ma bulle pour affronter les éléments.
Passé plan de Galba la route s’élève plus sérieusement à droite vers le Passo Sella (profil ici) et à gauche vers le Passo Gardena (profil ici). Je prends à droite et entre dans la couche de nuage, la visibilité est nulle. Ma coach m’appelle, parti en éclaireuse vers Colfosco par le Passo Gardena elle fait demi-tour pour me rejoindre. La visibilité est totalement nulle jusqu’au sommet de Passo Gardena. J’hésite un moment, pour avoir franchi les Passos Sella, Pordoï et Compolongo l’année dernière, je sais que sans visibilité la descente du Passo Sella sera plutôt dangereuse avec des virages serrés et des à pic impressionnants au droit des rails de sécurité et une pente propice à prendre de la vitesse. Le conciliabule dure quelques minutes, tenter ou ne pas tenter ? Si j’y vais, je devrais finir seul jusqu’au bout quoiqu’il arrive car je ne peux pas imposer à ma coach de me suivre au pas dans la purée de pois. Je ne peux pas plus lui demander de revenir me chercher. Mais y aller c’est s’engager sans pouvoir estimer ma vitesse de progression ni même estimer la durée pour parcourir les trente derniers kilomètres du parcours. Nathalie n’est pas rassurée. Le ciel ne semble pas vouloir se dégager. Je suis le seul cycliste encore sur la route depuis de longues minutes lorsque ma coach fait jonction avec moi. Je décide d’arrêter là pour cette étape. Nathalie respire ! Notre montée sur le Passo Gardena confirmera la justesse de notre décision. La visibilité ne reviendra qu’à l’approche de Colfosco sur le versant opposé du Passo Gardena.
Lors de cette septième étape, j'ai parcouru 98.8 kilomètres et gravi 3 427 mètres de dénivelée positive en 5h49' de déplacement. Depuis le départ de Thonon-les-Bains j'ai cumulé 839,25 kilomètres et 19 626 mètres de dénivelée positive.
Voici le film de ma journée :
Samedi 02 septembre 2017 : # Acte 8 : Colfosco – Cortina D’ampezzo
Grace à la disponibilité et à la bienveillance des propriétaires du Garni Mirandola, via Sora à Colfosco, nous avons effacé les traces de l’étape de la veille. Nous avons notamment pu laver et sécher nos vêtements et ainsi repartir pour cette huitième étape avec des vêtements et équipements de protection secs et propres. D’autant que le ciel se montre encore bien menaçant. À l’aube, les sommets autour de Colfosco se trouvaient encore emmitouflés dans une épaisse couche de nuages. Celle-ci s’arrêtait à moins de cent mètres au-dessus de nos têtes. Progressivement, la strate cotonneuse s’est disloquée laissant apparaître un ciel gris et sombre. Mais le propriétaire nous a confortés : « si vous allez vers Cortina D’ampezzo c’est bon, mais surtout ne remontez pas vers l’Ouest ».
Il est dix heures et onze minutes lorsque je m’élance pour une nouvelle journée d’aventure. Le programme du jour est assez chargé. Je vais devoir franchir quatre cols : le Passo Valparola (2 192 m) (profil ici), le Passo Falzarago, le Passo Santa-Lucia (1 500 m) (profil ici) et le sublime et rude Passo Giau (2 236 m) (profil ici). Ces quatre difficultés franchies, je pourrais plonger vers Cortina D’Ampezzo. Les deux premiers kilomètres de cette étape consistent à descendre sur Corvara in Badia par la SS 243 pour rejoindre ensuite la SS 244. Par bonheur, la couche nuageuse semble vouloir se disloquer et quelques rayons de soleil viennent éclairer les montagnes environnantes. Un beau ciel bleu commence à apparaître. Je traverse sans encombre Corvara in Badia et me dirige en direction des villages de Verda puis de Funtanacia» . Les paysages se révèlent. Le minéral règne ici de toute sa splendeur. Entre les sommets effilés s’étendent prairies et alpages. Plus bas la forêt luxuriante d’épicéas vient contraster avec le gris du minéral. Il n’y a pas de doute, je suis bien au beau milieu des Dolomites. Sur ma gauche les monts « Odle di Funes » dominent et m’écrasent de leur hauteur. Ses pics acérés en font une barre remarquable visibles à des kilomètres à la ronde. C’est aussi un haut lieu de l’alpinisme. Par certains côtés ses pics ressemblent au « Tre cimes di Lavarado » que je vais retrouver demain avec bonheur. Sur ma droite le « piz Boè » que j’enroule depuis hier depuis le Val Gardena et devant moi le Monté Cavalo, les Cimas Dieci et Cunturines.
Gravir le Passo Valparola, c’est progresser dans un environnement naturel exceptionnel. Il est impératif d’oublier son compteur et de rouler tête haute pour profiter de la vue à trois-cent soixante degrés. Partout où le regard se pose ce n’est que montagne et beauté. Mon appareil photo cérébrale enregistre un grand nombre de clichés.
Passé le village de « La Villa », je bifurque à droite sur la SP 37. Là commence l’ascension officielle de presque quatorze kilomètre du Passo Valparola. Avec 5,77% de pente moyenne c’est une belle mise en jambe avant le Passo Giau. Un peu avant Cassiano la pente atteint les dix pour cent puis redescend à cinq pour cent. Je monte à mon rythme. À l’approche du Passo Valparola, la forêt d’épicéas laisse la place au minéral. Côte route, les lacets se font plus marqués. Ma coach qui m’a doublé dans la montée m’attend au refuge du Passo di Valparola. Cela fait une heure et vingt-quatre minutes que j’ai quitté Colfosco lorsque j’arrive au sommet du Passo Valparola qui culmine à 2 168 mètres. Nous profitons du point de contrôle pour déguster une boisson chaude et surtout faire tamponner ma carte de route. Avec seulement neuf degrés, la température est assez fraîche pour repartir en descente en tenue légère. Je décide donc de revêtir une tenue plus appropriée, un collègue italien en fait de-même. Nous repartons ensemble…
Le panneau officiel du col se trouve à quelques hectomètres du refuge, nouvel arrêt pour la traditionnelle photo et je repars sans m’attarder. Le Passo Falzarego peut-être un véritable obstacle pour les cyclistes venant de Caprile, Arabba ou Cortina d’Ampezzo mais lorsque on l’emprunte depuis le « rifugio Passo Valparola » il n’est qu’un intermède dans la descente du Passo Valparola. C’est un carrefour routier important entre Caprile, Arabba et Cortina d’Ampezzo, où il faut prendre garde de ne pas se tromper de route entre les SR 48 et 203. Nouvel arrêt, nouvelle photo et contrôle de ma route sur le GPS, car les panneaux indicateurs inciteraient plutôt à partir à droite et mon GPS me demande de prendre à gauche. Je repars pour une belle descente et laisse provisoirement mon collègue italien derrière moi. Les courbes sont belles, le revêtement aussi. Je savoure ! Au bas du col la température remonte, je décide donc de m’arrêter de nouveau pour m’alléger. Mon collègue italien me rejoint et en fait de même. Nous échangeons quelques mots. Intrigué par ma sacoche de selle, il m’interroge sur mon parcours du jour puis sur mon périple. Il repart en m’encourageant et me laisse finir de ranger mes affaires, je le reverrais dans les derniers lacets du Passo Giau. Ces moments d’échanges avec les cyclistes locaux sont toujours de bons instants qui marquent aussi ces périples en terres inconnues…
L’ascension du col de Santa Lucia, n’est pas d’une grande difficulté. La route est belle et peu fréquentée. Ce ne sera pour moi qu’une simple formalité de moins de trois kilomètres qui vient juste chatouiller les jambes après une belle descente. Il faut toutefois profiter du belvédère « El Crep » connu aussi sous le nom de « Belvédère du col de Santa Lucia ». Il offre une vue sublime sur le village de Caprile, le lac Alleghe et la vallée menant au Serrai di Sottoguda – Malga Ciapela jusqu’au col de Fedaia. La vue y est tellement belle que la municipalité y a implanté des bancs qui incitent à la flânerie.
La beauté du Passo Giau n’a d’égale que la dureté de sa pente. Vouloir le gravir c’est mener à coup sûr un véritable combat sur plus de dix kilomètres avec une pente moyenne à plus de neuf pour cent. Le Giau est un col qui se mérite. Il n’offre aucun répit. Sa pente impitoyable et exigeante l’a fait entrer dans la liste des cols de légende. Dès 1973, il a été qualifié « d’obstacle atroce ». En 1992, Laurent Fignon vainqueur de deux tours de France y a vécu un supplice en y perdant plus de trente minutes sur les leaders de la course. Mais le Giau, n’est pas seulement un col difficile, c’est aussi une ascension inoubliable dans un environnement naturel qui frôle la perfection. Dans le livre « Sommets mythiques le guide pratique des cols d’Europe » Daniel Friebe et Pete Goding ont écrit à son sujet : « s’il y a une montée qui représente à la fois la belle et la bête c’est bien le Giau ». Pour comprendre pleinement cette image, il faut avoir gravi les vingt-neuf lacets du Giau depuis Selva Di Cadore et découvrir le sublime massif du Nuvolau sur de très belles praires alpestre. Finir en apothéose une si belle ascension ne peut que marquer les esprits et faire ce col l’un des plus beaux des dolomites.
Il est douze heures et vingt-deux minutes lorsque j’entame la montée sur le Passo Giau. Devant moi plus de dix kilomètres d’ascension. La route semble très calme, trop calme pour une montée vers un grand col ! J’en viens même à douter pendant quelques minutes, mais je suis bien sur la SS638. La montée s’annonce plaisante et sereine. Petit à petit les nuages blancs commencent apparaître. L’ascension commence à travers une forêt de résineux qui tranche avec l’azure du ciel et le blanc ouateux des nuages. La cime des arbres cachent encore les sommets. Le temps n’est pas encore à la contemplation. La route est belle et rend bien. Les virages numérotés s’enchaînent signalés par un panneau blanc : 1° tournante, 2°tournante… telle une partition, ils donnent la mesure. Mon impression du début se confirme et me surprend, pas un cycliste, pas une voiture pas le moindre bruit de moto. La montagne m’offre un de ces moments intenses de silence et de solitude propice à la méditation. La montagne comme je l’aime ! Je profite pleinement de cet instant de sérénité si rares lorsque l’on gravit de si grands cols.
Au fur et à mesure de ma progression, les nuages noircissent. D’abord au loin comme accrochés aux différents sommets, puis au-dessus de moi. Ils gagnent du terrain. Par moment le soleil n’est plus qu’un halo orangé dans un masse grisâtre. Le ciel bleu disparaît peu à peu en laissant chuter la température. La forêt perd du terrain et laisse la place aux prairies d’alpage. La vue sur les sommets se dégage progressivement. Le Rifugio Fedare, petit moment de vie dans une ascension désertée apparaît au loin. Les quelques lacets me séparant de lui sont rapidement laissés derrière moi. Nathalie, semble rejoindre la voiture après un petit arrêt bucolique. Ayant décidé de ne pas poser une seule fois le pied par terre avant d’être arrivée au sommet, je poursuis tranquillement ma route. Les deux-mille mètres d’altitude sont franchis et les derniers arbres disparaissent dégageant totalement la vue sur les hauteurs et c’est sublime !
Les « Cinque Torri » sont magiques. Il s’agit d’un groupe de petites d’aiguilles ou de tours minérales, environnées d’alpages. Elles incitent à la contemplation. La grisaille du ciel leur donne une teinte sombre et particulière. Plus haut sur la droite le « Monté Avereau », le « Nuvolau Alto » et le « Ra Gusela » se dégagent. Tout le massif du Nuvolau se dévoile. Il est exceptionnel. J’essaye de rester concentré sur ma progression et encaisse les passages à plus de dix pour cent. Les paysages ne sont plus faits que de prairies et de roches. La vue est fantastique et il est impossible de rester indifférent face à tant de beauté. En contrebas des tours de roches, quelques arbustes luttent pour se faire une place au milieu des pierriers. Le combat doit être âpre pour atteindre la terre nourricière et ne pas être étouffé par les pierres et les roches ou anéanti par les éboulis. Les derniers lacets ne sont pas forcément les plus difficiles. Certes la pente est toujours aussi rude, mais en approchant de l’objectif il devient plus facile d’estimer la distance parcourir. Les jambes se font plus légères. Avec l’enthousiasme de l’arrivée les forces se décuplent et la rudesse de la pente est vite oubliée. À quelques encablures du sommet, je croise mon collègue italien qui redescend. Nous échangeons des salutations un peu plus appuyées qu’à l’accoutumée. Lui file dans la descente alors que je poursuis mon ascension. Je commence à apercevoir beaucoup plus nettement le refuge au pied du « Ra Gusela ». Au loin, Nathalie m’attend pour immortaliser mon arrivée. Elle en doudoune, moi en tenue d’été. Sous l’effet de l’effort, je ressens le froid tout au plus comme une simple fraîcheur. Il est treize heures trente lorsque j’atteins le sommet. Un nouveau col de légende va venir enrichir la liste de mes réussites pour la confrérie des cents cols. Le déclencheur de l’appareil photo crépite, photos et selfies viendront enrichir le reportage photos. Mais après quelques minutes, je commence à ressentir le froid. Il est temps pour moi d’aller me mettre au chaud dans le refuge pour me restaurer un petit peu avant de m’élancer pour une descente de dix-sept kilomètres vers Cortina d’Ampezzo. Malheureusement, une demi-heure plus tard alors que nous quittons le refuge, nous nous faisons prendre par un déluge de grêle. Pendant quelques minutes je me mets l’abri dans la voiture en pensant pouvoir repartir à la faveur d’une accalmie. Mais le ciel est de plus en plus noir, la route disparaît dans la couche de nuage et l’accalmie tant attendue ne vient pas. Elle arrivera quelques heures plus tard en fin d’après-midi, mais d’ici là les sommets auront blanchi. Nous rejoindrons l’hôtel un peu frigorifié et bien humide. Une fois encore ma douche de fin d’étape se transforme en sauna avec sa chaleur réparatrice…
Lors de cette huitième étape, j'ai parcouru 68,41 kilomètres et gravi 1971 mètres de dénivelée positive en 3h32' de déplacement. Depuis le départ de Thonon-les-Bains j'ai cumulé 907.66 kilomètres et 21.597 mètres de dénivelée positive.
Pour cette huitième étape, l’application « Relive CC» qui me permet de générer le film de la journée c’est peu enrhumée, en tout cas elle a refusé de générer le film de la journée.
Dimanche 03 septembre 2017 : # Acte 9 : Cortina D’ampezzo – Vigo-di-Cadore
À l’aube de cette neuvième étape, la neige a recouvert tous les sommets environnants. Une luminosité particulière inonde Cortina d’Ampezzo. Au loin, le vert des alpages paraît plus éclatant, alors que les roches vierges de neige paraissent beaucoup plus sombres que d’habitude. La neige sublime l’azure du ciel et donne cette clarté si caractéristique des belles journées hivernales à la montagne. L’arrivée impromptue de la neige donne un certain attrait à l’étape du jour.
Côté sportif, les quatre cols au programme de cette étape vont me permettre encore une fois d’enchaîner de belles ascensions. Le Passo Tre Croci (1 805 m) (profil ici) me servira de mise en jambes et d’échauffement avant les rudes et exceptionnelles « Tre Cimes di Lavaredo » (2 349m ) (profil ici). Le Passo di Monté Croci di Comélico (1 636 m) (profil ici) devrait me permettre de récupérer un peu avant le dur Passo di Sant’Antonio (1 489 m) (profil ici) qui me mènera vers ma destination du jour : Vigo di Cadore. Les Tre cimes di Lavaredo s’annoncent déjà comme la difficulté majeure de la journée. Il est dix heures et vingt-et-une minutes lorsque je m’élance.
En ce milieu de matinée la circulation est réduite à quelques véhicules et quelques groupes de vététistes. En quittant l’hôtel, je contourne Cortina par l’Est en délaissant le centre-ville plus touristique et commercial. Ce contournement me permet également d’éviter les SS51 et SS48 en passant par de petites rues qui ne manquent pas de charmes et d’intérêts. Je ne regrette pas mon choix et profite en plus des paysages alentours. Au carrefour entre la SS48 et la « località Piérosà », je tourne à gauche et entre alors dans le « Parco régional dolimiti d’Ampezzo ». Sur ma gauche le « Monté Cristallo » domine la vallée de ses trois mille deux-cent vingt-et-un mètres de haut. C’est l’une des montagnes les plus hautes et les plus célèbres de toutes les Dolomites, d’Ampezzo et de Cadore. Par moment de grands pierriers semblent s’écouler depuis le sommet, tels des torrents de pierres. Ici comme dans toutes les Alpes, de nombreux éboulements rythmes la vie de ce massif. Au loin le « Piz Popena » me sert de guide dans mon ascension du Passo Tre Croci. Cette dernière n’est pas très longue avec un peu plus de huit kilomètres. Je profite des sublimes paysages pour détourner mon esprit de la pente à sept pour cent. J’atteins le sommet du Passo Tre Croci en cinquante-cinq minutes. Le col est envahi par les véhicules des randonneurs partis tôt ce matin à l’assaut des massifs. Après la traditionnelle photo je m’élance en direction de Misurina.
La route vers Misurina est tout aussi belle que la montée vers la Passo Tre Croci. Le Piz Popena se dresse devant moi. Son sommet surplombe la cime des arbres et semble veiller sur les randonneurs tel un phare sur les navigateurs. Quelques moutons blancs s’y accrochent par moment. La nature nous offre ce qu’elle a de mieux. Parfois, je délaisserais bien mon vélo pour partir à la découverte de ce massif en mode randonnée. Est-ce là, peut-être, une nouvelle occasion de revenir dans les dolomites ? Au détour d’un virage, la vue se dégage sur un large plateau orné d’alpages. La route dessine pour un temps une longue ligne droite parfaite qui se fond au loin avec la vallée et les Tre Cimes en toile de fond. La perspective est des plus sublimes.Les sonnailles des troupeaux qui paissent sur les côtés m’accueillent en musique. Je suis maintenant à quelques hectomètres de l’ascension la plus difficile de la journée voir du périple…
Les Tre cimes di Lavaredo sont trois des plus célèbres sommets des Dolomites. Elles sont inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO et considérées comme l’un des chefs-d’œuvre naturels les plus renommés dans le monde de l’alpinisme. Ce massif comprend trois pics acérés : la Cima Piccola (2 857 m), la Cima Grande (2 999 m) et la Cima Ovest (2 973 m). Elles se situent entre les communes d’Auronzo et de Dobbiaco et ont longtemps constitué la frontière entre l’Autriche et l’Italie ce qui les plaça au beau milieu du front lors du premier conflit mondial.
Côté sportif, les Tre Cimes ont singulièrement marquées l’histoire du Giro d’Italia. Tout commença en 1967, lorsque Vincenzo Torriani inscrivit pour la première fois les Tre Cimes sur le parcours de la dix-neuvième étape du 8 juin 1967 : Udine/Tre Cimes di Lavareddo. Mais l’ascension des Tre Cimes ne se passa pas du tout comme il l’espérait. La poussette des coureurs y fût quasi généralisée dans les quatre derniers kilomètres d’ascension par des spectateurs zélés. Y compris pour les coureurs étrangers habituellement mal aimés des tifosis. Felice Gimondi, porteur du maillot rose, menaça d’abandonner la course. Dès le lendemain, les journalistes de la Gazetta Dello Sport surnommèrent les Tre Cimes « de montagnes du déshonneur » ! L’étape fût qualifiée par la presse « d’étape de la débâcle » ou de véritable « disgrazia ». L’étape finie par être annulée. Par bonheur, Vincenzo Torriani s’entêtât et réinscrivit les Tre Cimes dès l’édition suivante du Giro. L’étape du 1er juin 1968 fût couru entre Gorizia et les Tre Cimes di Lavaredo. Elle se déroula sous la neige et vit la victoire d’Eddy Merckx qui pris par la même occasion le maillot rose pour l’emmener jusqu’à Milan. L’étape la plus célèbre fut celle du 6 juin 1974 marquée par la victoire de l’espagnol José Manuel Fuente. Mais le vrai protagoniste fut Gianbattista Baronchelli, néo professionnel qui échoua à 12 seconde dans sa tentative pour s’approprier le maillot rose porté par Eddy Merckx. Gianbattista Baronchelli termina deuxième au classement général de cette édition 74 du Giro d’Italia.
L’histoire tourmentée des Tre Cimes di Lavaredo est liée au profil impitoyable de ses quatre derniers kilomètres mais aussi aux conditions météorologiques qui peuvent y être dantesques. L’ascension de sept kilomètres commence depuis Misurina et se termine au « rifugio d’Auronzo ». Une première rampe à la fin du premier kilomètre sert d’avertisseur : « ici commence l’enfer ! ». Dès le quatrième kilomètre les choses sérieuses commencent avec plus de onze pour cent de pente. Entre le cinquième et le sixième kilomètre, la pente passe subitement à vingt pour cent puis oscille entre treize et quatorze pour cent. Les pourcentages ne laissent aucun répit pour récupérer. Beaucoup mettent pied à terre et certains finissent même à pied cette ascension incroyablement exténuante.
Lorsque je m’élance pour cette ascension, je sais qu’un beau défi m’attend. D’autant plus beau, que je me suis imposé un challenge personnel qui consiste, comme la veille pour le Passo Giau, à gravir les Tre Cimes sans mettre un seul pied au sol avant d’avoir atteint le rifugio d’Auronzo. S’imposer un tel défi, c’est aussi en quelque sorte rendre hommage à Georges Rossini, créateur de cette randonnée Alpine. Si Georges a su dénicher de véritables joyaux et tracer ce parcours pour le rendre aussi exigeant, il faut savoir relever le défi de la plus belle des manières en faisant preuve d’audace.
Il est 11h38 lorsque je vire à droite à la sortie du bourg de Misurina et emprunte la route privé du parc naturel des Tre Cimes di Lavaredo, À partir du chalet restaurant « Genzianella », la route commence à s’élever avec la Cima Grande en toile de fond. La pente augmente graduellement pour atteindre son plus haut juste avant le « Lago Antorno » point culminant de cette première partie. Ce premier raidillon est physique. Avec ses douze à treize pour cent, il est là pour nous réveiller pour peu que l’on se soit installé dans le confort d’une pente accessible. Dès la crête de cette première portion, j’arrive sur un plateau. Le Lago Antorno apparaît sur ma droite. Il faut récupérer des premiers efforts en moulinant sur cette partie plus favorable. La dénivelée devient même négative jusqu’à la barrière de péage. Car cette route qui monte vers le rifugio d’Auronzo est entretenu par le parc naturel de Tre Cimes di Lavaredo qui prélève un droit de passage de vingt-quatre euros pour les seuls véhicules à moteur. Ce péage permet également de contrôler le nombre de véhicules et d’interdire l’accès au site dès lors que le parking au pied du rifugio d’Auronzo est plein. Pour ce qui concerne les piétons et les vélos l’accès est gratuit. Nous disposons ainsi d’une voie réservée sans péage sur la droite. Je passe donc sans encombre.
Cent à deux-cent mètre après la barrière, la pente repart progressivement à la hausse. La vue sur les Tre Cimes enneigées est sublime. Par ce versant, il est impossible de distinguer nettement les trois cimes. Mais elles sont bien là-devant moi, telles des tours qui montrent le point à atteindre. Je suis maintenant dans le dur ! La pente oscille en permanence en onze et treize pour cent. J’ai mis tout à gauche et monte à mon rythme en alternant les phases en danseuse avec les phases assis sur la selle. Un groupe de randonneurs grimpe vers les Tre Cimes en coupant les lacets, si bien que nous nous croisons sur chaque rampe. Ils m’encouragent en italien avec cet accent chantant. Ca fait réellement du bien ! Mis à part ce groupe la route est déserte, il y a bien un cycliste deux cents mètre devant moi, mais point de voiture ni de moto. Ce calme est un plus, car dans le passage à plus de vingt pour cent il m’est difficile de conserver ma droite. D’autant que je suis encore en mode bikepacking avec ma sacoche de selle. Mes pulsations cardiaques montent progressivement. Je sais que je dois les contrôler pour ne pas me mettre dans le rouge, 150, 155, 158, 160. Je serre les dents et réussi à passer ce cap sous les encouragements de ma joyeuse troupe italienne qui souffle un peu sur la gauche. Je ne dépasserais pas les 160 pulsations qui dès les vingt pour cent passés redescendent aux alentours de 155 ce qui est bien. Mon 34/30 m’aide à maintenir l’écart avec mon collègue cycliste qui me précède malgré le surplus de poids lié à ma sacoche à l’arrière. Les paysages sont sublimes, tout autant que la pente. La neige apporte cette touche de fraîcheur qui rend cette ascension plus facile. Je me dis que sous le cagnard, cette ascension doit être un enfer ! Je profite des virages pour récupérer un peu avant la rampe suivante. Les arbres disparaissent peu à peu en laissant place nette à la neige qui recouvre les alpages. D’abord par petites touches blanches puis telle un tapis d’herbe blanche. Pour un cycliste du plat pays Briard, les ascensions avec la neige sont assez rares, je profite donc du charme de la neige en plein été. D’autant qu’avec le ciel qui se dégage par moment, la luminosité est merveilleuse.
Le bas du parking du refuge apparaît, mais l’ascension n’en n’est pas pour autant terminée. Je vais devoir franchir une dernière rampe à seize pour cent pour atteindre le « Rifugio d’Auronzo ». Mentalement ces derniers pourcentages ne sont pas forcément les plus difficiles car la vu sur le refuge donne l’enthousiasme nécessaire pour les franchir. Cependant, cette dernière rampe sert également de parking pour les voitures qui sont garées en épis perpendiculairement à la route qui est assez étroite. Ainsi, toute manœuvre de véhicule m’imposerait de m’arrêter avec l’impossibilité de repartir compte tenue de la pente. Je vire à droite et m’élance dans ce dernier effort, les piétons me cèdent le passage et par bonheur aucun véhicule ne semble vouloir quitter sa place. J’atteins enfin le refuge aux environs de douze heures et trente minute. Je viens d’inscrire une nouvelle montée de légende à mon tableau de chasse et c’est avec une certaine satisfaction que je tamponne ma carte de contrôle dans le hall du refuge où tout est prévu. Le tampon est accroché pour ne pas dire ficelé au poteau et le tampon encreur est posé sur une tablette. Il n’y a plus qu’à tamponner en totale autonomie. Je retrouve mon collègue cycliste à l’extérieur ce qui nous permet de réaliser nos traditionnelles photos et d’échanger quelques mots sur cette merveilleuse ascension.
Les Tre Cimes di Lavaredo sous la neige rendent encore plus sublime le final de cette dure et merveilleuse ascension. La beauté des Dolomites adoucissent les efforts produits pour arriver jusqu’à ce beau point de vue. Je ne regrette ni la dureté de la pente, ni la vue. Je quitte même ces lieux satisfait de ma prestation et de cette micro aventure sportive. Je prends de plus en plus goût aux ascensions difficiles !
La descente des Tre Cimes s’avère très technique. Les difficultés commencent dès le refuge. La voie en sens unique menant au parking en contrebas est mal déneigée et surtout pas goudronnée sur sa totalité. Descendre à pied reviendrait à endommager sérieusement mes cales de chaussure. Je descends donc en mode VTT : debout sur les pédales, genoux un peu fléchis, et les fesses au-dessus de la roue arrière pour bien équilibrer le vélo. Pour durcir l’exercice, il me faut zigzaguer entre les piétons qui redescendent vers le parking parfois d’un pas peu sûr. Une fois le parking atteint, je peux reprendre une position plus conforme au vélo de route et m’élancer dans la descente. Mais je dois encore rester concentré et veiller à ne pas prendre trop de vitesse en me laissant emmener par la pente, car les courbes peuvent être assez fermées. À l’intersection avec la SP49, je vire à droite et m’élance dans la descente en direction de Carbonin Schuderbach et de Dobbiaco Tobllach. La route est belle et les paysages paradisiaques. Pendant de longues minutes j’enroule par la droite le massif des Tre Cimes. Si bien qu’elles m’accompagnent pendant de très longues minutes m’offrant une superbe vue sur leurs sommets. En m’approchant de Dobbiaco, je viens frôler la frontière autrichienne. Je pense même être sur la partie la plus Nord de mon périple. Je vire encore à droite en laissant l’Autriche sur ma gauche. Les villages défilent en direction du Passo di Monté Croci di Comélico San Candido, Sesto, Moso…
Entre Moso et le Passo di Monté Croci di Comélico une rencontre insolite m’incite à marquer une pause. J’avais déjà rencontré des lamas dans les alpages au-dessus de la Mongie, dans les Hautes Pyrénées, et à Valloire au pied du sublime Galibier. Là ce sont de magnifiques alpagas qui pâturent tranquillement dans un près en bord de route. Fraîchement tondus, certains ont conservé leur crinière qui leur donne une certaine rondeur de tête. Ne voulant pas les déranger, je reprends ma route en direction du col dans un environnement toujours aussi beau.
Il est presque quatorze heures et trente minutes lorsque j’atteins le Passo Monté Croce di Comélico. C’est l’hôtel Kreuzberg qui apparaît d’abord au loin de la dernière rampe. Puis au fur et à mesure de la progression vers le col, le parking sur la gauche se dévoile plus distinctement. Puis, le panneau du col s’esquisse petit à petit. Moins de deux hectomètres avant le sommet, la forêt disparaît et libère la vue sur le « Gruppo del Popera » et le « Monté Aiàrnola ». Le Passo Monté Croce di Comélico constitue l’avant-dernière difficulté de cette journée. Je profite de l’arrêt pour me restaurer avant de m’engager en direction du Passo Sant’Antonio. Cet arrêt est un moment privilégié pour contempler les derniers sommets des dolomites et notamment le très beau massif du Popera avec ses cimes déchiquetées et acérées. Demain je quitterais déjà les merveilleuses Dolomites…
La descente vers Padola n’est pas très compliquée. Je dirais même très plaisante. Arrivé dans le bourg de Padola, je quitte la SS52 et m’engage la SP532. Cette route provinciale relie Padola à Auronzo di Cadore via le Passo Sant’Antonio appelé aussi Passo del Zovo ou Monté Zovo. Ce col culmine à mille quatre-cent soixante-seize mètres. Jusqu’à la première guerre mondiale, il était d’une importance fondamentale en reliant les vallées du Comélico et du Piave. Il représentait presque le seul passage entre les deux vallées, Depuis la mise en service du tunnel de Comélico, ce col est devenu moins stratégique et même ignoré des visiteurs de passage qui restent sur la SS52. Avec un peu plus de quatre kilomètres, le Passo Sant’Antonio n’est pas très long. Sa difficulté réside essentiellement dans sa pente et notamment certains passages à douze pour cent et son final à treize pour cent. Lors d’une montée sèche son ascension peut-être un bel exercice, mais après avoir gravi les Tre Cimes l’exercice peut s’avérer musculairement difficile. D’autant que le revêtement n’est pas très bon et que la route ne rend pas bien. Par bonheur, le col est désert. Aussi, c’est tel Saint Antoine que je m’élance en ermite dans ce col. Pas un véhicule ne viendra troubler la calme des lieux. Les premiers hectomètres sont assez faciles malgré un petit passage à neuf pour cent. Les choses se compliquent dans la rampe qui me mène à la Chapelle Sainte Anne entre les deuxième et troisième kilomètres. Je passe alors subitement de cinq à presque douze pour cent et la route est de plus en plus mauvaise. Les fissures longitudinale et plaques de goudron manquantes me compliquent la tâche. Passé cette première portion difficile, la pente redevient progressivement plus douce sans s’effondrer nettement. Je dois même parcourir plus d’un kilomètre pour atteindre une portion à trois pour cent et récupérer un peu avant le final à treize pour cent. Ces derniers pourcentages arrivent assez vite, c’est bon signe car cela signifie que j’en ai presque terminé. Il m’a fallu vingt-sept minutes pour l’atteindre. Je pense alors en avoir fini avec les pentes du jour…
Le revêtement routier de la descente Passo Sant’Antonio est identique à sa montée, de piètre qualité ! Je reste donc concentré en contrôlant ma vitesse et en slalomant entre les plaques manquantes de goudron. La descente se termine en une série de lacets qui incitent à la vigilance, d’autant que par erreur l’itinéraire inséré dans mon GPS voudrait me faire quitter la route pour emprunter une petite voie plus courte mais très pentue. Le message « faites demi tour » s’affiche alors avec insistance, je décide d’ignorer mon GPS et de rouler à l’ancienne. Je rejoins sans mal la SS48 et m’engage dans une belle descente vers Vigo di Cadore, destination finale de cette neuvième étape. Le revêtement redevient de bonne qualité et me permet de me relâcher en profitant de la descente. Après Santa Catarina et le débouché du tunnel de Comelico, je retrouve la SS52. Quelques kilomètres plus loin, nouveau changement de direction. Ce coup ci je vire à gauche dans un virage en épingle et m’engage sur le SP619 en direction de « Casera di Razo ». Dès ce lacet en épingle, la route repart en montée. Mes jambes ont du mal à accuser le coup. J’aurais dû mieux observer le profil de la fin d’étape car Vigo di Cadore se trouve dans la montée du Sella Campigotto. Il se trouve très exactement au quatrième kilomètre du prochain col de mon périple. Le final était loin d’être plat. J’arrive enfin au pied de l’hôtel, en même temps que Nathalie. Voilà encore une bien belle étape de conclue. L’adriatique approche et la fin de mon périple s’annonce proche.
Lors de cette neuvième étape, j'ai parcouru 91,72 kilomètres et gravi 2 165 mètres de dénivelée positive en 4h51' de déplacement. Depuis le départ de Thonon-les-Bains j'ai cumulé 999.38 kilomètres et 23 762 mètres de dénivelée positive.
Voici le film de ma journée :
Dimanche 04 septembre 2017 : # Acte 10 : Vigo-di-Cadore – Grions-Del-Torre
Cette avant-dernière étape annonce la fin, trop rapide à mon goût, des ascensions et de la montagne. Aux doutes du départ ont succédé le ravissement et l’enchantement que procure chaque col gravi. On voudrait faire durer ces moments d’extase mais le final arrive toujours trop vite. Malheureusement et sauf à devenir le « Bernard Moitessier du cyclisme », un périple comme ce Thonon-Trieste a un début et une fin. Et ce soir il en sera fini des cols et de la montagne. La ligne d’arrivée approchera et je serais alors arrivée dans la pleine littorale !
À quelques minutes du départ de cette dixième étape, un grand soleil illumine Vigo di Cadore. Le ciel a revêtu sa belle parure bleue et une douce chaleur commence à réchauffer atmosphère. Cette journée s’annonce belle et radieuse. Plusieurs cols sont au programme : le Sella Ciampigotto (1 790 m) (profil ici), le Sella di Razzo (1 760 m) le Sella di Rioda (1 800 m) (profil ici), le Passo del Pura (1 430 m) (profil ici), la Cima Corso (905 m) (profil ici), le Forca di Priuso (profil ici). Le Monte Croce le plus petit et l’ultime col du périple sera gravi dans les derniers kilomètres de cette dixième étape. Si tout va bien la Cima Corso et le Forca di Priuso devraient être gravis avec Nathalie.
Il est dix heures et vingt minutes lorsque je donne les premiers coup de pédales. L’ascension du Sella Ciampigotto ayant débuté la veille avec la montée vers Vigo di Cadore, la route s’élève dès le départ. Le Sella se situe à plus de quatorze kilomètres au-dessus de Vigo di Cadore. Passé le bourg de Laggio di Cadore et ses beaux pavés, la route s’enfonce dans la forêt. Plus de village, plus d’âme qui vive jusqu’au sommet, je suis presque seul avec Nathalie. Quelques rares véhicules viennent parfois troubler la quiétude de cette ascension. Je monte tranquillement les quatorze kilomètres qui me séparent du sommet. De nombreuses fontaines sont implantées dans la montée. L’une d’elle attire mon attention par ces sculptures. Elle semble dater de 1940. À la lecture des inscriptions on comprend qu’elle est en lien avec le XIV corps d’armée. Elle a malheureusement souffert des outrages du temps et il est difficile de déchiffrer l’ensemble des inscriptions. Je repars en direction du sommet.
Dès le dixième kilomètre d’ascension, la physionomie du tracé de la route change totalement. Les lacets s’enchaînent ce qui donne de beaux points de vue. Je suis toujours émerveillé par l’ingéniosité et le courage de certains hommes à créer de si belles voies en montagne. Elles sont comme suspendues au-dessus du vide. Ces profils sont certainement mes préférés. Accessoirement, ils permettent également à Nathalie de suivre en directe ma progression.
Après quelques kilomètres de routes sinueuses, le sommet du col se dessine déjà. Encore quelques lacets, une dernière rampe et le panneau apparaît. Il m’aura fallu une heure et vingt-quatre minutes pour venir à bout de cette première difficulté de la journée. Quatorze kilomètres de bonheur viennent de me conduire au Sella Ciampigotto. Passé les derniers pourcentages, la vue se dégage sur un joli panorama. Tellement joli que des bancs ont été implantés, ils constituent une belle invitation à la méditation. Le vert, couleur de l’espérance, domine partout et contraste avec le gris des sommets environnants. La vue est sublime ! Le refuge du Sella Ciampigotto est un des points de contrôle obligatoire. J’échange donc l’achat un latté macchiato et d’un cappuccino contre un coup de tampon. Nous arrivons en plein coup de feu pour les propriétaires. De belles troupes biens vivantes sont attablées, des randonneurs, des ouvriers… La salle est vivante. Mais il nous faut repartir, car j’ai une étape à finir. Le col suivant est le Sella di Razzo situé à environ deux kilomètres. La vue y est tout aussi sublime.
Nous voici maintenant en route pour le Sella di Rioda. L’ascension de ce col n’est pas très longue. Il s’agit d’une petite route déserte cheminant à travers les alpages. Les troupeaux y vivent paisiblement en totale liberté. Il faut donc être vigilant pour éviter les collisions avec les bêtes qui traversent nonchalamment la route. Nathalie aura même le droit à la visite d’une petite grise des alpes venu l’observer à la vitre de la voiture. Avec seulement deux kilomètres et sept-cent mètres d’ascension, je n’ai guère le temps de profiter de cette montée particulièrement courte. Le panneau du col apparaît bien trop tôt devant moi. C’est étrange comme les derniers cols d’un périple semblent toujours trop vite gravis.
La descente vers le lac de Sauris est sublime La route est lisse comme une piste de formule 1. Les courbes suffisamment ouvertes pour permettre quelques pointes de vitesse et les paysages sont exceptionnels. Je savoure ! Malgré l’allure assez élevée jusqu’à l’entrée dans le bourg de Sauris di Sopra. Certaines habitations de ce village sont singulières. Dotées de longs balcons, ces derniers sont équipés de poutres implantées horizontalement formant des sortes de ridelles ajourées en bois. Pendant quelques minutes je m’interroge sur ce type de construction. Je pense avoir peut-être trouvé la raison de ces équipements en observant en contre-bas un stockage de fourrage sur la totalité d’un balcon d’un des chalets. J’imagine qu’il s’agit là d’une façon de s’isoler du froid tout en facilitant l’alimentation des animaux pendant les longs hivers rigoureux.
Le lac de Sauris est une retenue artificielle créé par le barrage hydroélectrique du ruisseau « Lumiei ». Je l’atteins par le Nord depuis Sauris di Sotto et le contourne ensuite par l’Ouest jusqu’au barrage. La traversée de ce dernier offre une vue magnifique sur le lac en amont et les gorges situées en aval. À l’extrémité du barrage j’entre dans un long tunnel sombre et humide tout juste éclairé par la lumière blafarde de quelques éclairages. L’ascension du Passo del Pura commence dès le débouché opposé du tunnel. Longue de seulement six kilomètres et demi la montée vers le col est assez paisible malgré un passage à presque dix pour cent. La route monte régulièrement sous le couvert de la forêt environnante. L’heure avançant, j’ai prévu de me restaurer au refuge au sommet du col où je dois également faire tamponner ma carte. Il est quatorze heures lorsque nous pénétrons dans le refuge. Le service du déjeuner vient tout juste de prendre fin et le gérant des lieux refuse de nous servir à manger. Étrange refuge qu’un établissement qui répugne à servir des randonneurs ou cyclistes passé quatorze heures. L’établissement ressemble beaucoup plus à une brasserie de village qu’à un refuge de montagne. Je fais donc tamponner ma carte de route et passe mon chemin en direction d’Ampezzo. Mon repas du jour sera donc composé d’une banane et de barres.
Si la Cima Corso et le Forca di Priuso ne figurent pas au programme officiel de la randonnée alpine Thonon – Trieste, il eut été dommage de passer dans leurs parages sans les gravir. Et les inscrire à mon tableau de chasse de centcoliste est aussi une bien belle manière de quitter les montagnes italiennes, car ses deux ascensions seront bien les avant-dernières montées de mon étape et de mon périple. C’est aussi l’occasion pour Nathalie de se tester une dernière fois avant son premier Ventoux. Nous laissons donc momentanément notre voiture sur un parking d’une aire de repos à l’intersection entre la SS52 et la via San Valentino.
L’ascension de la Cima Corso commence dès notre insertion sur la SS52. Nous prenons alors à droite et commençons la montée. Son ascension n’est pas très longue et son sommet culmine à seulement neuf-cent cinq mètres. Ce premier col est une petite mise en jambe pour Nathalie et une promenade pour moi. Nous arrivons assez rapidement à son sommet. Après quelques selfies pour immortaliser le passage nous repartons en direction du Forca di Priuso. La descente vers le bourg d’Ampezzo n’est pas forcément paisible entre la circulation et les travaux routiers. Nous laissons Ampezzo derrière nous et poursuivons en direction de Priuso. Nous virons alors à droite sur le Viale Dante. Tout un programme, nous espérons ne pas y rencontrer l’enfer ! Les deux premiers kilomètres d’ascension sont assez faciles avec une belle route forestière et une pente qui montre progressivement de quatre pour cent à presque sept pour cent. Ca se corse à l’issue du deuxième kilomètre, la route passe alors brutalement à onze pour cent sur près de trois hectomètres et jusqu’à un petit tunnel. Elle redescend ensuite à moins de dix pour cent. Dans un lacet, une petite chapelle marque un nouveau changement de pente qui s’adoucit à un peu plus de six pour cent jusqu’au sommet. Aucun panneau ne marque le sommet du Forcella Di Priuso. Seul un plateau et une étude du col sur le site des cent cols permet de localiser le sommet du col. La descente permettra à Nathalie de travailler ses trajectoires et de récupérer un peu avant de remonter vers Ampezzo puis vers le parking où nous avons laissé la voiture. Sitôt revenue à notre véhicule, j’aide Nathalie à replacer son Orbéa sur le porte vélo et repars en direction du dernier col du jour, le Monte Croce.
Il est déjà dix-sept heures lorsque je m’élance pour ma fin d’étape. Il me reste encore soixante-dix-huit kilomètres à parcourir. Les villes se suivent : Villa Santina, Enemonzo, Esemon di Sotto, Tolmezzo. Je m’égare dans Magnano Riviera. Je tourne en rond pendant de longues minutes et fini par retrouver mon chemin. La traversée de Tarcento n’est pas aisée. Dans Nimis, je m’égare de nouveau et retrouve de nouveau mon chemin. L’ascension du Monte Croce ne m’est pas très difficile. Elle me ralentit tout au plus. La nuit tombe peu à peu, avec elle arrive l’humidité qui dépose en permanence de la condensation sur mes verres de lunettes et rend difficile ma vision. J’atteins enfin Marsure di Sotto et quitte la SP17 en direction de Povoletto. Il est presque vingt heures lorsque j’arrive à la chambre d’hôte. J’en ai fini avec cette dixième étape et avec la montagne, demain nous arriverons à Trieste.
Lors de cette dixième étape, j'ai parcouru 156,06 kilomètres et gravi 2 298 mètres de dénivelée positive en 6h36' de déplacement. Depuis le départ de Thonon-les-Bains j'ai cumulé 1 155,44 kilomètres et 26 060 mètres de dénivelée positive.
Voici le film de ma journée :
Lundi 05 septembre 2017 : # Acte 11 : Grions-Del-Torre – Trieste
Cette étape est la dernière ligne droite d’un merveilleux périple. C’est un peu comme un tour d’honneur après une aventure passionnante de plus mille deux-cent kilomètres à travers les alpes suisses et italiennes. Aujourd’hui, point de montagne et de col, cette étape quasiment plate. C’est l’occasion de finir en mode récupération et de nous réadapter progressivement à la vie trépidante des villes.
Comme pour égayer cette journée, le ciel est d’un bleu étincelant. Les nuages ont totalement disparu laissant la place à un soleil radieux. Avec cette météo clémente, je vais pourvoir rouler léger en laissant dans la valise les vêtements de protection et ma sacoche de selle. Mon CKT a rechaussé pour l’occasion ses roues en carbone…
Il est dix heures et quarante-sept minutes lorsque je quitte Grions del Torre et la très belle chambre d’hôte « Le Rondini ». Les strada provinciales 104 et 54 qui mènent vers Udine ne sont guère plaisantes. Elles ressemblent beaucoup à ces routes nationales en périphérie des grandes villes françaises où s’entassent les zones industrielles ou commerciales. La circulation y est dense, les paysages peu attrayants. La bétonisation y est maximale et les villages traversés en perdent leur âme. Udine contraste un peu avec ce constat. C’est une belle ville historique qui vaut le détour. Nous avons d’ailleurs pu la visiter et profiter des ces charmes l’année dernière. Aussi, je préfère poursuivre ma route en direction de Trieste et de l’Adriatique. À la sortie Sud-Est de la ville, je m’engage sur la strada provinciale trente-sept. La pleine littorale s’ouvre devant moi. Rapidement les zones de cultures remplacent les derniers faubourgs d’Udine. Les bourgs plus ou moins charmants s’enchaînent Pradamano, Lovaria, Manzano, Mossa, Gorizia. La plaine sur ma droite et les montagnes sur ma gauche, les paysages défilent.
La ville de Gorizia est implantée sur la frontière slovène. La circulation y est plus soutenue mais la ville reste agréable. Par deux fois, je suis obligé de m’arrêter pour chercher ma route et éviter les sens interdits. Via Duca d’Aosta, je vire à droite sur la Via Trieste en direction de Sant’ Andréa. Passé Gorizia, la végétation change. Les paysages se font un peu plus maritimes et de type méditerranéens. Les premiers témoins de ce changement sont les beaux cyprès qui forment comme une haie d’honneur sur le bord de la route. À San Giovanni di Duino, je quitte la strada statale cinquante-cinq pour la quatorze. Cette dernière va me conduire tout droit jusqu’à Trieste. À partir de cette intersection, je vais suivre pendant plus de vingt kilomètres le tracé de la frontière italo-slovène que je laisserais sur toujours ma gauche. Trieste a en effet une situation particulière lié à son histoire complexe. Elle fut longtemps le principal débouché méditerranéen du Saint-Empire romain germanique puis de l’Empire austro-hongrois avant son rattachement à l’Italie. Aussi, elle se situe à l’extrémité Est d’une bande de territoire de cinq à sept kilomètres de large entre la Slovénie et l’Adriatique sur un peu plus de vingt kilomètres de long. Les paysages y sont merveilleux avec la falaise sur la gauche et l’adriatique sur la droite, l’eau et le minéral forment toujours des vues sublimes. Dès l’entrée sur la SS14, la circulation s’apaise. J’atteins assez vite le village balnéaire très prisé de Sistiana. En ce début d’après-midi sa traversée est assez facile. Je poursuis en direction de Grignano. et son magnifique château de Miramar. Celui-ci apparaît sur ma droite derrière son parc remarquable. Trieste n’est plus très loin. La contre-allée bétonnée qui sert de plage est déjà bondé. L’Adriatique et ses plages en béton de Sistiana et Grignano attirent les Triestins en recherche de fraîcheur. Je poursuis ma route…
A l’approche de Trieste, je cherche pendant quelques minutes le panneau d’entrée de ville pour immortaliser mon passage et surtout la fin de cette belle aventure. Mais ce dernier se trouve en hauteur sur un portique et au-dessus de la route. Il m’est impossible de m’arrêter. Je décide donc de ne pas prendre de risque et continu mon chemin. La circulation se fait plus chargée et moins agréable. À hauteur de la gare ferroviaire et routière de Trieste, je prends légèrement sur ma droite et m’engage sur la « Riva Tre Novembre ». La baie de Trieste s’ouvre pleinement devant moi. Passé le canal, je m’engage sur la contre-allée qui sert également de piste cyclable. Une foule de touristes se promène de part et d’autre du boulevard en occupant tout l’espace. Elle m’oblige parfois à zigzaguer entre les promeneurs pour continuer à progresser. La somptueuse « Piaza d’Unita Italia » apparaît sur ma gauche. Elle annonce la fin de mon périple !
Je mets pieds à terre et savoure cet instant éphémère ! Trieste est véritablement le lieu où devait se terminer une si belle aventure. Tout y est beau, les bâtiments historiques, la baie de Trieste fermée sur les côtés par les montagnes slovènes. Au loin un trait de côte foncé au-dessus de l’Adriatique laisse deviner Venise. L’ambiance est à la joie ! Quel bonheur d’avoir mené à bien un si beau périple et un si beau projet sportif, même si je trouve que ces onze jours se sont écoulés beaucoup trop vite. Je suis rapidement rejoint par Nathalie pour partager et immortaliser cet instant. Nous retrouver tous les deux à Trieste met un terme à la promesse que nous nous étions faite l’année dernière : « revenir à Thonon et mener à son terme cette sublime Randonnée Alpine Thonon-Trieste », tel était notre souhait et notre engagement. Nous l’avons fait et ce fut une merveilleuse et riche aventure.
Lors de cette onzième étape, j'ai parcouru 80,425 kilomètres et gravi 502 mètres de dénivelée positive en 2h41' de déplacement. Depuis le départ de Thonon-les-Bains j'ai cumulé 1235,865 kilomètres et 26.562 mètres de dénivelée positive.
Voici le film de ma journée :
Mon Thonon – Trieste en quelques chiffres
Pour relier Thonon-les-Bains à Trieste j’ai parcouru 1 235,865 kilomètres en onze étapes. J’ai roulé pendant soixante heures et six minutes de temps de déplacement cumulé. J’ai gravi trente-huit cols cumulant 26 562 mètres de dénivelée positive. Si j’ai gravi des cols, j’ai également descendu 26 978 mètres de dénivelée négative. Tous mes efforts m’ont conduit à consommer 29 691 kilocalories. Cette consommation calorique représente l’équivalent de 14,84 jours d’alimentation à 2000 kcal par jour. Je n’ai malheureusement pas pu me peser au début et en fin de ce périple pour afficher la perte de poids totale mais les photos ci-dessous peuvent permettre de comparer mon faciès lors de la première et la huitième étapes.
Côté matériel, je n’ai connu aucune crevaison, aucune casse, ni aucune chute. Mon fidèle CKT 369 m’a une fois de plus permis de passer partout, même si ce n’est pas spécifiquement un vélo de montagne. J’étais doté d’un développement en 50/34 et 11/30. Ces développements m’ont permis de gravir tous les cols malgré la surcharge de poids estimée en moyenne à 3 ou 4 kilogrammes. Cette surcharge était essentiellement liée à mon besoin d’être autonome sur chaque étape afin de laisser toute liberté à ma coach d’organiser ses journées sans subir les contraintes de mon parcours et de ma progression.
La fin de ma randonnée alpine « Méditerranée, Léman, Adriatique »
Ce Thonon – Trieste clos ma randonnée Alpine « Méditerranée, Léman, Adriatique ». comment peut-on sortir indemne de cette belle et fabuleuse aventure. Les Dolomites sont tellement envoûtantes, les Alpes sont tellement belles que l’on voudrait rester dans ces belles et rudes montagnes ! Cette randonnée a été pour moi une occasion de me découvrir et de progresser en montagne. Tous au long de mes deux périples Thonon-Antibes et Thonon-Trieste j’ai pu mettre à rude épreuve mes capacité d’endurance et ma pugnacité à franchir des cols aussi difficiles que: l’Izeran, l’izoard, Colle del Finestre, le Stelvio, le Passo Giau, les Tre cimes di Lavaredo et surtout de les enchaîner avec d’autres moins connus qui usent et régalent le cycliste. Tenir les délais, franchir les difficultés quelle que soit la météo, rouler sous la pluie ou la canicule forge le cycliste. Si le parcours est difficile s’en est que mieux et Georges Rossini est véritablement passer maître dans la conception de parcours exigeants, envoûtants et inoubliables. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il sait aussi motiver ses troupes. Ainsi, il y a quelques jours, alors que je rédigeais cet article j’ai reçu par la poste la validation de ma carte de route ainsi que la médaille qui marque la réussite sur mes deux randonnées. Ils étaient accompagnés d’un petit message de Georges qui m’invitait à revenir sur cette randonnée en reliant directement Antibes et Trieste en passant pas Thonon. C’est-à-dire en fusionnant le parcours des deux randonnées alpine Thonon-Antibes et Thonon-Trieste. C’est tentant et Georges à le chic pour nous attirer dans les Alpes en lançant ce genre de défis. Georges, je vais y réfléchir, mais pour l’heure, Nathalie et moi avons déjà d’autres projets tout aussi ambitieux dans un coin de notre cerveau. Ils annoncent de beaux voyages et des belles aventures. Et l’Europe ne manque pas de montagnes, de cols et de jolis coins à explorer sur un vélo pour peu qu’il y ait un peu de dénivelée. Maintenant, j’ai aussi laissé sur le côté de mes parcours, beaucoup de cols qui ne demandent qu’à être gravis. Aussi, lorsque nous aurons écumé tous les massifs montagneux européens, je ne dit pas que je ne serai pas tenté de revenir. Mais cela est une autre histoire…!
Remerciements
Je ne peux terminer ce récit sans remercier Nathalie ma précieuse coach et complice. Grâce à elle, je n’ai pas eu à me soucier d’une partie de la logistique. Pas de contrainte pour arriver à l’heure dans chaque lieu d’accueil (hôtel, agritourismo…). Je n’avais pas non plus à chercher un restaurant sitôt arrivé, Nathalie s’était chargé de déniché la ou les bonnes tables du coin au gré de ses visites. Pas de souci non plus pour ré achalander la réserves d’eau et compléter au fur et à mesure mon alimentation solide (bananes, gâteaux secs…). un seul regret que nous n’ayons pas pu gravir plus de cols ensemble ce n’est que partie remise.
Je tiens également à remercier Georges Rossini, membre des cyclos randonneurs thononais et concepteur de cette merveilleuse randonnée Alpine Méditerranée, Léman, Adriatique. J’imagine le temps et les reconnaissances qui se sont avérées nécessaires pour construire et faire aboutir un tel projet avant de le proposer aux différents candidats au départ. La recette est compliquée ! Mais elle est réussie. Et s’y un jour vous êtes tenté par la découverte des Alpes suisses et italiennes et notamment les dolomites, que vous soyez coursiers, cyclosportifs ou cyclotouristes ou randonneurs, lancez-vous ! Suivez le parcours que George Rossini vous ne serez vraiment pas déçu. Encore un grand merci Georges.
A bientôt pour d’autres aventures montagnardes et cyclistes…