S’intéresser à la planification annuelle de ses entraînements conduit immanquablement à s’interroger sur les cycles ou blocs à mettre en œuvre, sur la charge d’entraînement (faible, moyenne ou élevé) qui accompagne ces cycles, ainsi que sur le contenu des séances et notamment les qualités à développer dans la cadre d’une préparation spécifique.

Si avec un peu de pratique et de lecture il est assez aisé de construire quelques séances de travail de la PMA, de la vélocité, ou de la force, il est beaucoup moins aisé de construire un plan d’entraînement annuel équilibré, savamment dosé et en concordance avec ses objectifs. 

Comme beaucoup, j’ai commencé par reproduire des plans d’entraînement livrés clef en main par un grand nombre de revues spécialisées ou de livres (tome 2 des fondamentaux du cyclisme, cyclo sport ou cyclo coach pour ce qui me concerne). Chaque revue spécialisée publiant assez régulièrement un hors séries sur les plans d’entraînement. Cependant, après quelques saisons et l’analyse de mes courses, le constat était sans appel : je ne progressais plus ! Je semblais avoir atteint un plateau. J’ai alors découvert les limites de tous ces plans d’entraînement généralistes qui ne prennent pas en compte le principe de l’individualisation. Or, chaque cycliste est différent des autres. Ses qualités physiologiques, de même que ses faiblesses et ses forces lui sont propres. Le déclic s’est produit en juillet 2018, lorsque j’ai retrouvé mon capteur de puissance qui était parti plusieurs semaines en maintenance. Après ma participation à la Super Granfondo Galibier-Izoard, je souhaitais mettre à profit les quelques semaines d’affûtages pré-Marmotte des Pyrénées pour développer ma puissance et gagner quelques watts. Mais comment procéder en moins de deux mois sans accumuler trop de fatigue ? Et que travailler en si peu de temps ? Je voulais comprendre pour être véritablement en capacité de construire sur la base de mes objectifs et de mon bilan une préparation efficace et adaptée. Je souhaitais surtout enclencher une démarche de progression de mes savoirs et savoir-faire pour ne plus être dépendant d’un plan d’entraînement que je ne comprenais pas.

Internet se met alors à crépiter ! Des noms reviennent en boucles, Frédéric Grappe, Guy Thibault, et bien d’autres… Je passe quelques heures à lire leur méthode, l’idée étant de construire mon propre plan d’entraînement, de devenir mon propre coach. Comprendre ce que je dois faire pour le faire le mieux possible ! Cela nécessite d’être la fois novateur et patient en s’autorisant un droit à l’erreur. Partir de presque rien pour développer les déterminants de sa propre performance (force, vitesse, PMA, VO2max, capacité anaérobie…) est un beau challenge mais aussi une démarche de construction personnelle. Je me suis donc lancé, en montant un programme d’entrainement sur deux mois. Et je dois le dire, si certaines de ses séances étaient particulièrement exigeantes, elles n’entraînaient pas de fatigue importante et surtout j’ai rapidement senti le bénéfice. J’ai ainsi pu gagner en quelques semaines plus de dix watts en CP20 plus de sept watts de PMA. J’ai progressé en termes d’intensité subjective d’effort avec de meilleures sensations dans les cols (force), une capacité à tenir certaines intensités pendant un temps plus long (endurance).

Vous ne trouverez pas ci-dessous mon plan d’entraînement, car je suis maintenant convaincu qu’un plan d’entrainement est individuel, mais plutôt les grands principes qui permettent d’établir son propre plan d’entrainement. 

Les principes de l’entraînement

L’individualisation : un plan d’entrainement reste tout à fait personnel nous sommes tous un peu spécifique et absolument tous, donc un plan d’entraînement reste individuel.

Spécificité : L’adaptation à l’entraînement est directement lié à la nature des processus sollicités au cours de l’entraînement. Ainsi par exemple, l’entrainement à haute cadence de pédalage améliore davantage la performance à haute cadence de pédalage qu’à basse cadence et vice et versa. Aussi, un bon programme d’entrainement comprend des fractions d’effort dont l’intensité est plus élevée que celle à laquelle on s’entraîne spontanément dans des sorties de type continu de moyenne ou longue durée.

Surcharge, Adaptation et Progressivité : L’application des principes de surcharge, d’adaptation et de progressivité permet d’optimiser le développement des qualités physiques et donc de la performance.

  • Le principe de surcharge : pour améliorer un déterminant de la performance, il faut le solliciter d’une manière prononcée et fréquente. Comme les déterminants de la performance s’améliorent avec l’entraînement, il faut prévoir une progression de la charge d’entraînement sinon il n’y a plus de « surcharge ».
  • le principe d’adaptation: en réponse à des stimuli d’entraînement, l’organisme s’adapte de sorte que les mêmes stimuli provoqueront éventuellement une moins grande perturbation.
  • le principe de progression : au cours d’une saison d’entraînement, il doit y avoir une progression de la charge d’entraînement de sorte que la charge soit faible en début et que la surcharge devienne et demeure élevée alors que les qualités physiques s’améliorent. Le principe de progression découle donc des principes de surcharge et d’adaptation. Il requiert un ajustement permanent de chacun des paramètres de type kilométrage, intensité, degré de difficulté des séances, fréquence hebdomadaire des sorties difficiles ou faciles, etc. L’application du principe de progression réduit le risque de surentraînement et de blessure de fatigue. Les us et coutumes veulent que l’on fasse d’abord progresser le volume pendant quelques semaines et ensuite l’intensité. Mais ce principe est battu en brèche, il vaut mieux en effet effectuer des fractions d’effort à intensité élevée dès le début du plan d’entraînement, puis d’augmenter progressivement le nombre de répétitions effectuées aux intensités ciblées, de même que le degré de difficulté des séances. De même, il est préférable de faire progresser au cours de la saison, la durée ou la distance des fractions d’effort à une intensité donnée. Aussi, la progressivité portera tant sur le nombre des fractions d’effort que sur leur durée.
  • le principe d’amélioration régressive: pour un stimulus donné d’entraînement, l’augmentation du niveau de développement de la qualité physique ou motrice ciblée diminue au fur et à mesure qu’augmente le volume cumulatif d’entraînement qui y sera consacré. Cela signifie qu’au fur et à mesure que progresse l’entraînement, son effet potentiel diminue. En fait, avec le temps, le niveau de développement d’un déterminant de la performance tend à atteindre un plateau même si la charge d’entraînement continue de progresser.
  • le principe de relation inverse entre le volume et l’intensité la période de temps où il est possible de maintenir un effort d’une intensité donnée avant d’atteindre un niveau de fatigue est inversement proportionnelle à l’intensité de cet effort. Aussi, pour chaque séance et pour chaque période du plan d’entraînement, on doit déterminer si l’accent doit être mis sur le volume (dans ce cas il faut faire un compromis sur l’intensité) ou sur l’intensité (dans ce cas il faut faire un compromis sur le volume).

Assiduité, Réversibilité et Maintien :

  • le principe d’assiduité et de réversibilité La progression d’une qualité physique à développer est proportionnelle l’assiduité des séances d’entraînement et du suivi du plan d’entraînement. Ainsi, un niveau de progression d’une qualité physique peut être réversible par manque d’assiduité et de maintien des acquis.
  • le principe de maintien « il est généralement possible de maintenir le niveau de développement d’un déterminant physiologique ou technique de la performance tout en diminuant la charge qui y est consacré ». Ainsi, après une phase de quelques semaines à travailler un déterminant on peut passer à une phase où on met l’accent sur un autre déterminant sans craindre de perdre les acquis, à la condition de faire un minimum de rappel de l’entraînement des qualités développées préalablement.

Alternance, Récupération :

  • Le principe de récupération « l’amélioration des qualités sollicités à l’entraînement est plus grande si nous nous allouons une période de récupération appropriée après chaque période d’entraînement intensif ». Ainsi, certains déterminants de la performance ne s’améliorent presque pas lorsque l’on tente de les développer dans un état de fatigue avancée. Le tableau ci-dessous identifie les qualités physiques que l’on peut développer selon l’état de fatigue.
  • le principe d’alternance « les phases d’entraînement intensif doivent être entrecoupées de phase d’entraînement facile pour que la récupération soit suffisante avant la prochaine phase d’entraînement intensif ». Ce principe s’applique aux différentes échelles de temps : annuelle, saison sportive, mensuelle, hebdomadaire ou journalière. Le non-respect du principe d’alternance va conduire le profil hormonal à devenir défavorable (baisse de la testostérone et hausse du cortisol) qui va conduire à la baisse de qualités musculaire et à l’augmentation du risque d’attraper des maladies infectieuses. La coutume voudrait qu’à deux jours d’entraînement succède une journée de repos. Dans la réalité, il faut planifier les journées de repos en tenant compte de séances intensives. Ce qui signifie qu’il faut aussi éviter de planifier deux séances intensives de façon consécutive. Et si l’emploi du temps oblige à concentrer les séances intensives sur le weekend, il faut veiller à bien se reposer avant et après. De même, il convient d’espacer les séances d’intensité moyenne des séances d’intensité élevée car nous risquons de ne pas avoir l’énergie nécessaire pour réaliser une séance intensive. L’effet de celle–ci sur la progression sera alors moindre qu’espéré.

 

Périodisation et Interférence :

  • le principe de périodisation « la performance sportive augmente de façon plus marquée si le plan d’entraînement annuel est divisé en phase (on dit aussi cycles) chacune étant caractérisée par un élément particulier sur lequel on met l’accent (volume, endurance, PMA, capacité anaérobie, vitesse, compétitions d’entraînement, compétitions importantes (objectif annuel), repos annuel, puissance musculaire…).»
  • le principe d’interférence « en réponse à un entraînement donné, le degré d’amélioration du déterminant sur lequel on souhaite mettre l’accent sera moins grand si l’entrainement cible en même temps un autre déterminant de la performance ». Ainsi pour que le travail d’amélioration d’un déterminant physique soit optimisé, il faut qu’il soit travaillé seul au sein d’une séance.

La préparation mentale

La Force Mentale : Dans une saison, la connaissance de soi est un atout et une force dans la préparation et dans la façon dont nous allons gérer physiquement et mentalement une course ou un défi. La confiance en soi n’est pas une fatalité, elle n’est ni génétique, ni innée. Elle peut se construire, se renforcer à l’approche d’une échéance ou d’une compétition. La confiance en soi, ou plutôt l’estime de soi c’est l’idée que nous nous faisons de notre capacité à affronter une situation donnée, d’autant plus face à une épreuve difficile ou un défi qui exige des ressources extraordinaires. Travailler l’estime de soi, permet de bien se connaitre, Reconnaître ses forces et ses atouts, permet de se sentir plus fort face à ce type d’événement. Utiliser l’imagerie mentale qui est une technique puissante de préparation mentale. Reconnue par les neurosciences, elle consiste à créer ou recréer une expérience, une situation ou un geste dans sa tête.

La préparation d’un sportif à la performance :

L’élévation du niveau des performances sportives a révolutionné en quelques décennies la préparation des sportifs. Outre les préparations technique, tactique et stratégiques, sont complétées par la préparation physique qui était parfois un luxe. La préparation technologique permet de recherche le moindre gain de performance, alors que la préparation réglementaire à permis d’optimiser les résultats afin de ne pas les dévoyer. Plus récemment est apparue en force la préparation mentale des sportifs et entraîneurs.

La préparation doit viser à atteindre un état de fluidité ou flow. L’état de fluidité est un moment où l’on éprouve une grande impression de liberté, de joie, d’accomplissement et de compétence où tout se déroule merveilleusement bien comme on l’avait programmée durant lequel le temps semble disparaître. Ces moments qu’il ne faut pas confondre avec l’euphorie peuvent être rencontrée dans la vie quotidienne, professionnelle comme dans la pratique sportive.

Cet état est souvent associé à la confiance et à la performance optimale. Cet état peut parfois aussi être dénommé Expérience optimale.

L’entrainement mental n’est ni plus ni moins important que les autres facteurs de la performance.  Il doit permettre d’établir une stratégie mentale et de se préparer à mettre en œuvre les outils pour renforcer l’existant, corriger les situations d’erreurs et développer de nouveaux points forts en matière d’estime de soi, de gestion de l’énergie, de gestion du stress et des émotions, de gestion des objectifs et de la motivation, de concentration sur le passé, le présent et le futur.

S’il est impossible de décrire en quelques lignes tout un programme de préparation mentale, cette dernière doit être planifiée et travaillée tout au long de la saison par des exercices particuliers. Elle s’inscrit dans une stratégie mentale. Pour ma part j’ai opté pour la méthode TARGET.

La préparation physique générale (PPG)

La Préparation Physique Générale a pour objectifs de développer le corps de façon harmonieuse avec un programme de musculation du haut et du bas du corps, mais aussi de développer ou d’entretenir le système cardiovasculaire. La PPG comprendra donc deux axes de travail que je réalise entre octobre et décembre sur approximativement 12 semaines. La musculation n’a pas pour but de chercher à développer la masse musculaire tel un culturiste. Il s’agit plutôt de privilégier le tonus musculaire pour le haut du corps : bras, buste, abdominaux qui améliorent le geste cycliste ainsi que la posture sur le vélo. Elle vise également à développer la force musculaire des jambes pour améliorer in-fine la puissance de pédalage. Le principe n’est pas de développer des parties bien spécifiques, mais plutôt les chaînes musculaires en faisant travailler un muscle et son antagoniste.

Ma phase de renforcement musculaire est découpée en quatre parties :

L’amorce qui a pour but de préparer le corps aux phases suivantes en faisant varier progressivement le nombre de séries et les charges.

La phase de travail de l’endurance, où le nombre de série et de répétitions par série augmente progressivement pour atteindre jusqu’à 10 séries de 25 répétitions par mouvement. La charge doit alors être adaptée pour que la répétition maximale soit atteinte sur la dernière série et qu’il soit impossible de réaliser une série supplémentaire. 

La phase de travail de la force arrive ensuite. La charge augmente nettement en début de programme avec des séances de 3 série de 5 répétitions. Elle augmente ensuite progressivement d’une séance à l’autre tout comme le nombre des répétitions.

La phase de travail de la vitesse. Il s’agit alors de développer les fibres rapides ou le travail est axé sur la vitesse d’exécution des répétitions. Quel que soit la charge, le mouvement doit être réalisé à la vitesse la plus rapide possible. Sachant qu’il existe une relation charge – vitesse où la vitesse diminue linéairement avec l’augmentation de la charge, plus la charge est importante et plus la vitesse est faible et réciproquement. Effectivement, le fait de réaliser le mouvement avec la plus grande vitesse possible oblige le sportif à recruter et à synchroniser le maximum de fibres musculaires possible. C’est le processus de recrutement et de synchronisation des fibres qui permet en partie d’augmenter la force musculaire.

Le calcul de la charge maximale

La charge maximale en musculation (plus souvent appelée 1RM ou 1 rep max) est le poids maximum que l’on pourra soulever, tirer ou pousser lors d’un seul exercice. Il est nécessaire pendant la première séance de musculation de définir cette charge maximale afin de travailler durant les séances suivantes sur un pourcentage de celle-ci. Elle peut-être définie soit au moyen d’une méthode empirique ou par des méthodes de calcul.

La méthode empirique consiste à réaliser plusieurs séries comportant un certain nombre de répétitions, chaque série étant entrecoupées d’un temps de récupération court (de 2 à 3 min). A chaque série, il faut augmenter progressivement la charge jusqu’à arriver à la charge maximale. Cette dernière est atteinte lorsque pour une charge donnée, il est possible de réaliser une seule répétition et qu’une deuxième répétition est impossible. Avec un peu de pratique, il est possible, après un bon échauffement, de débuter les séries en s’approchant le plus possible de sa charge maximale.

La méthode de calcul pour connaitre la charge maximale :

((0,0333 X nombre maximal de répétitions) + 1) X la charge déplacée = charge maximale

Exemple: 10 répétitions à 50 kg (11 répétitions infaisables)

  • (0,0333 x 10) + 1 = 1,333
  • 50 x 1,333 = 66,65 kg est la 1RM

Le tableau ci-dessous donne la correspondance entre le pourcentage de la charge maximale et la nombre de répétitions possible. Il permet notamment de définir la charge des exercices en fonction du nombre de répétitions à réaliser.

A titre d’exemple avec une 1RM à 66,65 kg et une série à 10 répétitions la charge sera de 76,2% de 66,65 kg (1RM) soit 50,78 kg.

Le transfert sur home-trainer

Intercaler quelques minutes de home-trainer entre chaque mouvement permet d’une part de transférer les exercices de force dans le geste cycliste, et d’autre part d’habituer les muscles à travailler en endurance.

En effet, Le muscle à une mémoire et les mouvements que nous réalisons en squat, en leg extension, ou leg ischio ne ressemblent pas au geste du pédalage. Il est donc important de rappeler aux fibres musculaires la gestuelle du pédalage en transférant la force développée par les exercice de musculation dans le geste cycliste en faisant suivre chaque mouvement par 2 à 5 minutes de pédalage sur home-trainer et en clôturant chaque séance de musculation de 12 à 15 minutes de pédalage. 

De même, pour travailler l’endurance musculaire, il est intéressant de coupler la musculation analytique avec de la musculation spécifique sur le vélo car cela permet de travailler en pré-fatiguant ou en post-fatiguant certains muscles. Il existe plusieurs modèles de musculation. Il est ainsi possible de travailler avec des charges importantes de 10 répétition (76,2% RM) sur un mouvement analytique puis ensuite de travailler en force sous-max sur home-trainer juste derrière cet exercice afin d’épuiser la chaîne musculaire avec un mouvement de pédalage. Il est également possible de faire l’inverse (travail en post-fatigue) c’est-à-dire de faire un exercice de force sous-max sur home-trainer suivi juste derrière d’un exercice analytique sur 10 RM. Dans les deux cas, on tend vers un épuisement des muscles de la chaîne musculaire du pédalage. L’association exercices analytiques 10 à 15 répétition / exercices spécifiques en force sous-max (2-3 min) est relativement traumatisant pour le coureur. Il convient de réaliser ce modèle de musculation sur un organisme déjà bien préparé et habitué à recevoir des charges de travail importantes en musculation. Pour finir, il existe une méthode plus légère et intéressante car moins traumatisante qui consiste juste derrière un exercice analytique à réaliser un exercice de pédalage à intensité légère (I2) à cadence élevée (entre 100 et 120 rpm) pour bien re-coordonner la chaîne musculaire du pédalage.