Suite à un arrêt forcé en septembre 2019, je me suis assez longuement interrogé sur ma pratique et notamment sur ma participation au challenge du Dodécaudax. Mon questionnement portait essentiellement sur l’intérêt de déclarer mensuellement un dodécaudax, alors que mes sorties ultra-distance sont totalement intégrées dans mon plan d’entraînement pour préparer mes « Gran fondo » montagnards ou mes prochains objectifs en ultra distance. J’en suis venu à la conclusion que si le challenge du dodécaudax m’avais fournie une motivation supplémentaire lors de ma première année de pratique, aujourd’hui je n’ai nul besoin de les déclarer et d’obtenir un diplôme pour sanctionner mon plan d’entraînement.
C’est pour cette raison que j’ai décidé de ne plus m’inscrire au challenge du dodécaudax et ne plus déclarer mes sorties longues. Toutefois, le cyclisme et surtout l’ultra-cyclisme est aussi un sport de partage. De partage de notre passion, de partage de nos traces et notre expérience. Je continuerais donc à relater mes sorties sur cette page en mettant mes parcours à disposition de tous ceux qui souhaitent aller explorer de beaux coins de France à vélo. Car la pratique de l’ultra est aussi une invitation au voyage, à l’exploration. Tracer un parcours est presque aussi passionnant que le parcourir !
22 Février 2020 : Des coteaux de la Seine au coteaux de Champagne
Mon début de saison 2020 est assez singulier. Après presque quatre mois d’arrêt suite à un souci de santé, je me trouve en situation de sous-entraînement. Et alors que je peux de nouveau reprendre mes activités, la Convention Citoyenne pour le Climat a pris le pas sur toute autre forme d’activité. Il faut étudier, lire et débattre en session, échanger quotidiennement en inter-session, le sujet et complexe et l’urgence bien marquée. Il faut également répondre aux sollicitations des médias pour promouvoir les travaux de la convention en faisant un peu de pédagogie sur les changements climatiques. Aussi, le temps me manque pour reprendre sérieusement l’entraînement et être suffisamment assidu et régulier pour capitaliser chaque sortie. Or, la Ride Bike Cathare Challenge, le Tour du Mont-Blanc 2020 et les 7 majeurs sont mes gros chantiers 2020. Ils nécessitent d’être préparés avec sérieux et régularité. J’ai bien tenté de réaliser mon premier deux-cents kilomètres en janvier, mais de façon prévisible, ce fut un échec ! Un sous-entrainement, notoire en endurance ; un manque de physique et de mental et une météo défavorable furent les composants de ce revers. Pour tout dire, j’ai jeté l’éponge à la fin de la première boucle de cent kilomètres. Positivement, je peux dire que j’ai au moins réalisé ma première sortie de cent kilomètres de la saison et de l’année. D’une certaine manière, cet échec fut salvateur. Il m’a permis de reprendre pied avec la réalité et de me re mobiliser sur mes objectifs.
J’ai donc levé le pied sur la Convention Citoyenne, qui entre maintenant dans une phase plus délibérative pour retrouver le chemin de l’entraînement, gravir des côtes, manger du vent. J’ai repris la musculation, réaliser des séances d’entraînement spécifique par intervalle… J’ai levé le pied sur mes échanges sur les réseaux sociaux de la Convention Citoyenne pour préparer au mieux ma nouvelle tentative longue distance en février. Je ne suis pas encore suffisamment régulier, il y a encore des sorties que je laisse de côté, mais j’arrive à tenir les trois-quarts de mon plan d’entraînement. Ma sortie longue de février devait donc être un test. Un test physique pour cerner plus précisément mes forces et limites du moment. Un test mental, car en janvier, c’est aussi et surtout le mental qui a flanché face à la fatigue et au vent de face. Et enfin un test technique pour remettre en marche la technique de pédalage fluide et économe si précieuse en ultra distance.
Le parcours se devait donc d’être accidenté avec le plus possible de dénivelée positive, tout en proposant tous types de terrains. Dans la Brie, il est bien difficile de trouver des terrains accidentés pour pimenter le parcours. Il n’y a que trois choix possibles, soit partir vers l’Ouest en direction de l’Essonne et des Yvelines et notamment la vallée de Chevreuse, soit partir vers le Nord-nord-ouest en direction du Vexin, ou vers l’Est en direction de l’Aude et la Marne. Mon choix s’est porté vers cette dernière option et notamment les premiers coteaux de Champagne en longeant la vallée de la Seine pour gravir quelques « raidars » et en jouant en permanence avec les reliefs pour rajouter un peu de dénivelée positive. Pour éviter l’abandon, j’ai décidé d’organiser mon parcours en une seule boucle de plus de deux-cents kilomètres. Dans cette configuration, l’abandon est impossible, car quoiqu’il arrive, il faut rentrer !
En écoutant les bulletins météorologiques, je savais qu’en termes de test physique et mental, j’allais être servi. Si les températures s’annonçaient presque printanières, le vent de Sud-sud-ouest de cinquante à soixante kilomètres par heures en rafale allait à coup sûr transformer cette sortie, en sortie de guerrier. Si la première moitié du parcours s’annonçait plutôt favorable vis-à-vis du vent, la seconde promettait d’être âpre et en mode « flahute« . Les cyclistes du Sud Francilien le savent, par grand vent, il n’existe presque aucun abri dans nos grandes plaines briardes. Globalement, jusqu’à Montgenost, à mi-parcours, le vent fut plutôt favorable, malgré quelques tronçons exposés à un vent latéral. Le ciel s’est peu à peu dégagé. Ma progression sur les grandes lignes droites m’a permis de travailler la technique de pédalage en utilisant des braquets assez souples, en tournant les jambes en vélocité et en cherchant à être économe. J’ai également essayé de progresser aux sensations sans me soucier du compteur que j’utilisai uniquement pour le guidage. Les « raidars » des coteaux de la vallée de la Seine sont parfois physiques, mais assez courts et bien trop court pour me préparer aux longues ascensions que je rencontrerai sur mes défis. Les premières pentes longues, régulières sont arrivées après le Ménot. Ce fut un vrai plaisir de retrouver de belles côtes à gravir ! D’autant que les paysages sont somptueux. Passée la mi-journée, le ciel s’est progressivement voilé annonçant la nouvelle dépression et le renforcement du vent.
C’est à partir de la bascule du retour que j’ai dû affronter les coups de boutoirs du vent. Tantôt par le travers, mais le plus souvent de face. Le combat fut rude et solitaire. La vitesse s’effondrant parfois brutalement sous l’effet des rafales fortes et longues. J’ai beau chercher la meilleure pénétration dans l’air, mes efforts ne payent pas et ma moyenne kilométrique s’effondre inexorablement. Rouler face au vent, peut-être parfois déprimant. On a beau jouer du braquet, on est obligé de forcer et faire le dos rond face aux rafales. Le temps semble alors long, le doute peut s’installer. Le mental doit alors être solide. Mais rouler vent contraire, c’est aussi une bonne préparation pour rouler en mode « no drafting » qui prévaut sur certaines épreuves comme la Race Across France par exemple. Rouler avec un tel vent permet aussi de travailler son équilibre et sa vigilance. À plusieurs reprises, alors que je quittai la protection temporaire d’une zone boisée ou d’habitations, je fus déporté sous l’effet des rafales. Il faut tout anticiper pour éviter la chute ou les chutes. Il faut aussi penser à s’alimenter, car il n’est plus possible de rouler à l’économie.
J’ai clos ce beau parcours de plus deux-cent-onze kilomètres en neuf heures et dix-neuf minutes de temps de déplacement à la moyenne de presque vingt-trois kilomètres par heure. J’ai franchi sans peine excessive les mille huit-cents dix-neuf mètres de dénivelée positive. Et surtout, je termine cette belle sortie sans avoir accumulé une énorme fatigue, j’ai même retrouvé la facilité des sorties de la saison précédente et l’absence de courbatures et de douleurs le lendemain. C’est de bonne augures pour la suite de ma saison.
Mon prochain test aura lieu dans les Hautes-Pyrénées, mais cela est un autre récit…