Coup de vent sur mon Melun – Bourges

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Le Paris-Bourges est une course cycliste en ligne française qui a vu le jour en 1913. Au début elle fut surtout une épreuve amateur et ce n’est qu’en 1949 qu’elle sera réservée aux cyclistes professionnels. Organisée généralement en octobre, elle s’élance depuis quelques éditions de Gien pour cent quatre-vingt-dix kilomètres à travers le Berry et le Sancerrois.

 

C’est une adaptation de cette épreuve qui a servi de support à mon troisième entraînement longue distance 2017. Le début du parcours est similaire à mon Paris-Tours de janvier. La différence va se faire à Puiseaux où je bifurquerai en direction de Châteauneuf-sur-Loire par Echilleuse en laissant la direction de Jargeau par Grangermont sur ma droite. Je traverserai ensuite Sully-sur-Loire, Gien, Chatillon-sur-Loire où je prendrai à droite direction Henrichemont via Menetou-Ratel, Menetou-Salon et enfin Bourges.

Mon objectif est toujours le même : préparer ma participation aux 7 majeurs en adaptant mon organisme aux longues chevauchées. L’intérêt de cette troisième séance consiste à intégrer de la dénivelée positive avec les reliefs du Sancerrois. Car les 7 majeurs ce n’est pas seulement 360 kilomètres à parcourir mais aussi plus de dix-milles mètres de dénivelée à franchir, il faut donc que j’intègre progressivement de la dénivelée pour apprendre à gérer la fatigue générée par la dénivelée sur de longues distances. Aussi, dès Chatillon-sur-Loire, le parcours devait prendre un peu de hauteur et proposer de belles routes vallonnées à souhait.

Le profil de mon Melun - Bourges

La logistique sur les 7 majeurs sera à n’en pas douter un élément clef. Si elle ne me fera pas gagner le challenge, elle pourra me le faire perdre. Aussi, comme j’en pris l’habitude, je me suis élancé en totale autonomie. Tester et affiner mes besoins est essentiel pour être prêt le jour J. Ma coach a eu ainsi toute latitude pour choisir son heure de départ pour rejoindre Bourges et prendre possession de la chambre d’hôtel. Son avance sur moi devrait également lui permettre de rechercher un bon restaurant avant mon arrivée.

Côté météorologie, je dois l’avouer l’année 2017 commence bien mal pour moi ! Je ne sais pas pourquoi, mais à chaque fois que je programme un deux-cents kilomètres, les éléments se déchaînent contre moi : en janvier le verglas, en février le déluge, et cette fois ci un vent fort bien arrosé.  Ce dernier me sera défavorable sur les trois quarts du parcours tantôt de face, tantôt trois-quarts face. Mon périple s’annonce musclé ! Mais un guerrier ne recule pas devant l’adversité. Quand il faut y aller, il faut y aller…

Il est 8h09 lorsque je m’élance sur cette nouvelle aventure. Bien à l’abri dans ma veste « Rain Stop » casquette vissée sous le casque, cuissard Dry contre la pluie, sur chaussure néoprène. Je suis prêt pour affronter la pluie. Vu la météo, les rue sont vides. Le ciel de plomb donne une teinte assez triste. Grisaille, grisaille le ciel n’est que grisaille.

En moins de trente minutes me voici déjà dans le premier raidard du jour : la côte de la Butte-Montceau à Avon. Je monte tranquillement face à la pluie fine lorsque j’entends derrière moi de grands coups de klaxon et des encouragements appuyés, « aller Éric ! ». C’est Serge Noël, dit « Sergio » ancien du SDIS, cycliste et triathlète averti qui m’encourage. Nous échangeons quelques mots au feu rouge. Nous nous quittons sur des conseils de prudence. Merci Serge, les encouragements sont les bienvenus lorsque seule la détermination nous permet d’avancer dans la grisaille humide et froide et que les conditions météorologiques nous encourageraient plutôt à faire demi-tour !

Je poursuis ma route en direction de Recloses. Sur la route ronde la forêt me protège de son écrin. Cependant, le vent se fait de plus en plus sensible. Si je pouvais encore en douter, les premières vraies rafales viennent me saisir violemment dans la plaine entre Recloses et Ury. Il n’y a plus de doute possible, cette journée d’entraînement ne sera pas de toute quiétude ! Ma moyenne s’effondre, difficile de maintenir les vingt-sept kilomètres par heure. Passé la Chapelle-la-Reine, les choses s’aggravent. Je découvre les joies de rouler avec une sacoche de selle de quatorze litres. Les rafales de travers à cinquante kilomètres par heures sont ravageuses. Le vélo semble partir de l’arrière ! Par moment ma progression ressemble plus à un exercice d’équilibriste qu’à du cyclisme. Lorsque je naviguais à la voile, les rafales s’annonçaient toujours par des risées. En les observant, je pouvais les anticiper quitte à abattre un peu pour éviter de partir au lof. Là, dans les plaines de la Beauce, la terre est encore à nue et il n’y a point de risée sur les champs ! Il faut contrôler les écarts, rester aux aguets et être agile pour ne pas se laisser emmener par ce foutu vent ! De face, les rafales sont parfois si fortes que j’ai l’impression d’être presque à l’arrêt. Inutile de dire que ma moyenne horaire s’effondre. J’avance progressivement. Après presque trois heures d’effort, j’atteins Beaune-la-Rolande. Il me reste encore cent-soixante kilomètres à parcourir.

Si je me fie aux bulletins météorologiques la pluie devrait se calmer en début d’après-midi et le vent légèrement  en fin de journée. La situation météorologique du moment a été annoncée depuis plusieurs jours. J’ai donc eu tout le loisir de consulter mon parcours et d’étudier l’orientation du vent. Aussi, je sais que j’aurais quelques dizaines de kilomètres pour récupérer à partir de Châteauneuf-sur Loire, car en bifurquant à l’Est-Sud-Est pour suivre la vallée de la Loire, le vent deviendra temporairement plus favorable. Entre temps, je traverse laborieusement les derniers kilomètres de la Beauce. A l’approche de la Sologne, la forêt commence à prendre le pas sur les larges plaines agricoles. Je peux par moment récupérer et relâcher mon attention, même si je reste aux attentif. Il est plus de douze heures trente lorsque je traverse Châteauneuf.

Je prends la direction de Sully-sur-Loire. Comme anticipé le vent devient favorable. Je roule à plus de trente kilomètres à l’heure. C’est un régal ! Je récupère progressivement et je me fais même surprendre par mon arrivée express sur Sully. La vue sur le château est pour moi un réconfort. Ma moyenne remonte un peu.

Après une petite séance photo aux abords du château de Sully-sur-Loire, je repars sans perdre trop de temps. Les vingt kilomètres me séparant de Gien sont également rapidement parcourus. Le temps avance, et il me reste un peu plus de quatre-vingt-dix kilomètres à parcourir. Je dois me restaurer pour reprendre des forces car à partir de Chatillon-sur-Loire je vais repartir vers le Sud-Ouest et donc face au vent. Je profite de mon arrivée sur Gien pour m’accorder une petite pause déjeuner constituée de deux bananes.

Cette petite pause me permet également de prendre contact avec ma coach. Elle se trouve déjà à Sully-sur-Loire. Nous convenons que je ne l’attende pas à Gien et que nous fassions jonction entre Gien et Chatillon-sur-Loire. En fait nous avons joué au chat et à la souris. Point de coach à l’horizon avant Chatillon-sur-Loire. Contact téléphonique : « Je suis à Chatillon, je prends à droite direction Pierrefite-ès-Bois, je continue d’avancer, on se retrouve sur la route ! ».  Ça monte, j’atteins Pierrefite, toujours pas de coach en vue. J’avance, le vent de face me freine considérablement, mais j’avance. J’atteins Vailly-sur-Sauldre, toujours pas de coach. Nouveau contact téléphonique, je voudrais juste changer mes gants qui sont imbibés d’eau. Nous faisons jonction vers seize heures dans Vailly. La pluie semblant vouloir cesser définitivement, je change rapidement mes gants et de veste, au sec tout ira mieux. Ma coach part en éclaireur sur Bourges, et moi tel un guerrier je continue mon combat contre le vent qui ne faiblit pas ! Vu l’heure avancée, je décide de laisser sur ma droite Menetou-Retel et de couper tout droit en direction de Henrichemont et Menetou-Salon. Cette réduction d’une quinzaine de kilomètres devrait me permettre d’arriver à une heure plus compatible avec un repas au restaurant. Je dois aussi respecter quelques impératifs comme ne pas laisser ma coach seule au restaurant ! Grand bien m’en a pris, car la route vers Bourges par Henrichemont n’est pas un long fleuve tranquille. Jamais de plat, que des montées auxquelles succèdent des descentes. On y est toujours en prise et avec le vent s’est usant. Passé Menetou-Salon, la plaine vallonnée du Berry s’ouvre devant moi. Il est dix-huit heures trente lorsque j’aperçois au loin une grosse ville, je doute encore, serait-ce Bourges ? Au fur et à mesure de ma progression mes doutes s’estompent. Je suis à l’approche de Bourges.

Il est au environ de dix-neuf heure lorsque j’arrive au pied du panneau de la commune, il était tant car la nuit commence à tomber. Un nouveau challenge est validé vers les sept majeurs. Me battre contre le vent et ne rien lâcher. Si ce périple de presque deux-cent-vingt-sept kilomètres ne présente que deux-mille-trois-cent-soixante-et-un mètres de dénivelée positive, ma lutte contre le vent de face a sérieusement compliqué ma progression et équivaut bien de la dénivelée positive supplémentaire.

La traversée des faubourgs de Bourges me prendra un peu moins d’une demi-heure. Et c’est avec bonheur et la satisfaction du devoir accomplis que je rejoins ma coach préférée au pied de notre hôtel. Place maintenant à la récupération et au tourisme.

Mon prochain dodécaudax (200 kilomètres) devrait avoir pour terrain de jeu les Corbières et les Pyrénées.

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