Le règlement des diagonales de France impose l’inscription et l’envoi de la feuille de route au maximum un mois avant le départ. Ce délai a pour objet de permettre au délégué national d’éditer puis de transmettre, en retour, le carnet de route à chaque candidat avant son départ. Et il peut avoir fort à faire, car à la belle saison, les départs s’enchaînent sur les diagonales de France. Aussi, il est important de s’organiser pour respecter ce délai tout en préparant sereinement sa prochaine aventure. Voici donc mon organisation chronologique.

J’essaye de définir mes objectifs en octobre ou novembre de l’année précédente. Ce qui me laisse les longs mois d’hiver pour préparer mes parcours et ma logistique. Dans un premier temps, j’identifie la ou les diagonales que je voudrais réaliser. Choisir sa diagonale est un choix composite et parfois compliqué. Chacun a certainement sa méthode, ses attentes, ses inspirations. Que l’on soit un parfait aventurier sportif attiré par les défis, un cartésien qui évalue toutes les options ou un néophyte qui découvre le format, toute diagonale passe obligatoirement par ce choix initial : sur quelle diagonale vais-je m’inscrire et dans quel sens ?

Pour ma première diagonale, j’ai comparé : les distances, les délais, les difficultés qui varient d’une diagonale à l’autre et le sens. Pour enfin en venir au choix de la période. Cette méthode est plutôt empreinte de pragmatisme. Pour une première, il vaut mieux éviter l’échec ! Je me suis donc élancé sur la diagonale Brest – Strasbourg au mois de mai. Si, j’ai rencontré un bon vent d’Est sur la troisième journée. J’ai terminé cette diagonale en parfaite cohérence avec ma feuille de route et sans attaquer ma marge de sécurité. Cette méthode me semble parfaitement adaptée à une première expérience.

Pour ma seconde diagonale dite de transhumance, je me suis basé sur la ville d’arrivée Perpignan. Je devais, en effet, rejoindre mon épouse dans l’Aude pour nos congés estivaux. Entre les trois options de départ que sont Brest, Dunkerque et Strasbourg, j’ai choisi Dunkerque ! Suivre en partie le méridien de Paris fut une source d’inspiration et un beau support pour une aventure pleine de surprises et d’imprévus ! Avec l’expérience, les hésitations et les calculs s’effacent peu à peu pour laisser libre cours aux inspirations, à l’aventure.

Pour ma troisième et quatrième diagonale, mon choix s’est fait sur un constat de « Chasseur de carrés »1 : l’Ouest de la France était blanche de toute activité cycliste. Il fallait que j’y remédie ! Aussi ma thématique 2025, et qui servira de fil rouge pour toute ma saison, est « Cap à l’Ouest ». Mon choix, c’est donc porté sur une double diagonale : Strasbourg-Hendaye puis Hendaye-Dunkerque avec l’objectif de réduire ma « terra incognita » de cycliste. Ce choix Est-ouest et Sud-nord implique de devoir faire face à tous ce qui surviendra côté météorologique, car il est difficile sur une double diagonale aux parcours si divers de prévenir toutes les composantes météorologiques saisonnières en choisissant le sens et la période ad-hoc. Mais j’aime bien les défis ! Et effectivement, les diagonales de France peuvent aussi servir de support à de beaux défis sportifs et humains.

Pour ma cinquième diagonale, mon choix fut un mixte entre ma deuxième diagonale et les deux suivantes. Je dois rouler sur la partie occidentale de notre beau pays, tout en arrivant à Perpignan pour une nouvelle transhumance vers l’Aude. Cependant, je n’avais guère d’option, seul Brest-Perpignan répondait aux deux objectifs. C’est aussi, toute la limite du choix. Plus on progresse dans ce challenge des diagonales de France, plus les choix se réduisent.

Le choix de la diagonale, bien que crucial, n’est que le début de l’aventure. Il est surtout, pour moi, l’élément déclencheur de longues heures de travail avant d’arriver au clic qui valide mon inscription sur le site de l’Amicale des Diagonales de France. Il n’est que le prélude à une grande aventure sportive, logistique, humaine.

Novembre jusqu’à trois mois avant le départ :

« C’est quand on rêve que l’on conçoit des choses extraordinaires, c’est quand on croit que l’on crée vraiment, et c’est alors seulement que votre âme franchit les barrières du possible. Walter Bonatti « Montagnes d’une vie ».

1 – Je trace mon parcours.

Il s’agit d’une étape essentielle ! Si l’Amicale des diagonalistes met à disposition des candidats quelques parcours empruntés par certains, toutes les traces ne nous conviennent pas forcément. Pour ma part, je préfère éviter les portions de Gravel. De même, par expérience, j’évite les grandes agglomérations qui ne sont pas toujours accueillantes vis-à-vis des cyclistes. De même, je privilégie le plus possible les routes blanches ou les petites départementales aux nationales. Même si parfois le choix de la nationale s’avère nécessaire.

Je préfère donc élaborer ma propre trace, car c’est déjà le début du rêve et c’est faire un premier pas vers l’aventure. Cela peut me prendre des heures de travail, mais j’y prends toujours plaisir.

2 – Je renseigne ma feuille de route

Phase très importante, c’est elle qui définit les horaires de passage, les délais d’arriver selon les vitesses estimées par portion de parcours. Si elles sont surestimées, on risque d’arriver hors délai ou de ne plus avoir de délai de sécurité en cas d’incident. Elle quantifie également la marge de sécurité. Il s’agit de l’écart entre le délai maximal pour l’homologation et le temps escompté pour parcourir l’ensemble du parcours. Cette marge est importante, car elle constitue un volume d’heures pour remédier aux imprévus tout en arrivant dans les délais.

L’électronique peut nous lâcher à tout moment, j’en parle par expérience et une feuille de route détaillée peut nous permettre de poursuivre notre chemin jusqu’à la résolution de notre souci technique. Aussi, je porte une attention particulière à son élaboration. J’y intègre l’ensemble des communes traversées ainsi que les numéros des routes et nom des chemins vicinaux.

3 Je défini mes points de contrôle :

Le règlement prévoit qu’ils soient positionnés tous les 120 kilomètres. Cependant, j’aime à faire tamponner mon carnet de route dans un commerce. Cela me permet notamment de pouvoir aller au contact des habitants, tout en me ravitaillant. Aussi, pour définir mes points de contrôle, j’identifie tous les commerces situés le long du parcours dans les villages autour du cent-vingtième kilomètre et fraction de cent-vingt kilomètres. Je vais même jusqu’à noter les horaires d’ouverture dans ma feuille de route. On les trouve facilement sur Internet. Cela, permet de vérifier la cohérence avec leurs horaires d’ouverture et le temps de passage prévu dans la feuille de route. Ce travail est parfois fastidieux. Cependant, la diagonale du vide est une réalité ! Rares sont les diagonales qui ne la traversent pas. Tous les cyclistes au long cours y ont été confrontés. Le plus compliqué reste certainement les ravitaillements les dimanches et lundis jours de fermeture hebdomadaire. Il peut même y avoir des traditions départementales ou régionales qui font que la fermeture hebdomadaire du lundi ou dimanche s’applique à la presque totalité des commerces. Il faut alors anticiper et s’assurer d’arriver avant la fermeture. J’ai bien souvent été contraint de me dérouter, voir de revenir en arrière sur plusieurs kilomètres pour trouver un commerce ouvert. Au temps perdu, je préfère maintenant anticiper, même si ce travail n’empêche pas les imprévus comme les fermetures définitives ou les congés !

Enfin, il peut être compliqué de trouver des tampons humides. Certaines boulangeries n’en disposent plus. Mes demandes on parfois étaient prises à la dérision « Un tampon, mais pourquoi faire ? Tout est dématérialisé mon brave monsieur, il faut vivre avec son temps ! ». Il est possible d’en trouver plus facilement dans les épiceries et supérettes. J’ai donc pris l’habitude de toujours faire une photo sous le panneau de la ville au cas où.

4 – Je défini les points de chute :

La définition des points de chute pour la nuit dépend de plusieurs éléments. En premier lieu la longueur de l’étape. En règle générale et selon la distance et les délais, je découpe mes diagonales en trois ou quatre étapes. Les premières vont de 300 à 350 km. Et la ou les deux dernières étapes tournent plutôt entre 200 et 250 km en moyenne, voir même moins de 150 km pour la dernière.

Lorsque j’ai identifié l’objectif de distance des différentes étapes, j’essaye de trouver un point de chute où je pourrais : me ravitailler, me restaurer et dormir. Mes choix se portent plutôt vers des chefs-lieux de canton, bien fourni en commerces. Pour le coucher, je privilégie les couchers en dur. Il est possible malgré tout de bivouaquer.

Initialement, j’étais plutôt réfractaire aux Airbnb et j’allais plutôt vers les hôtels. Cependant, les hôtels sont trop rarement organisés pour recevoir des cyclistes. Les lieux de remisage de nos machines avec leurs sacoches ne sont généralement pas sécurisés, ni prévus pour cela. Ils sont parfois même exposés au public dans un bout de couloir. Ensuite, les horaires d’arrivés, de dîner et de petit-déjeuner peuvent être contraints. Si le dîner peut éventuellement être pris à l’extérieur, cela est souvent impossible avant le départ pour le petit-déjeuner. Et obtenir un plateau avec un thermos de café, deux bouts de pain et un peu de beurre et confiture fait souvent l’objet, en vain, de palabres et négociations. Il n’y a que dans les zones de grandes randonnées où l’on peut obtenir satisfaction. Aussi, sur conseil d’un copain diagonaliste, je me tourne maintenant vers les Airbnb. Et notamment vers ceux où l’arrivée est autonome. L’avantage est que l’on peut arriver à toute heure, et repartir à toute heure, librement et sans contrainte. Pour la logistique alimentaire, j’essaye toujours d’identifier une épicerie ou supérette où je pourrais faire des emplettes que je transporte ensuite dans un petit sac à dos léger jusqu’au point de chute du soir. J’arrive généralement à trouver des commerces à proximité immédiate de la fin d’étape.

Et puis parfois même avec les Airbnb, on arrive à avoir de belles surprises, comme à Banassac, où la propriétaire m’avait préparé un repas, alors que je l’avais prévenu que j’arriverais très tard en fin de soirée, voir début de nuit et que j’étais en arrivée autonome.

Trois mois à un mois avant le départ :

1 – Réservation des billet de trains :

Par souci de simplicité, je privilégie les voyages en train avec vélo non démonté pour rejoindre la ville de départ et parfois rentrer chez moi à l’arrivée. Les places étant mises en ligne, trois mois, à l’avance, j’essaye de les réserver le plus tôt possible et évitant les week-ends où le nombre de place pour les vélos se réduit rapidement. C’est cette réservation des billets de départ qui valide ou infirme la date de départ officielle de ma diagonale. Aussi, dès la réservation des billets de train, j’actualise ou valide définitivement la date de départ et donc ma feuille de route.

Si je privilégie le plus possible les TGV quand la réservation vélo est possible, emprunter les TER ne me rebute pas. Les voyages en train font partie de l’aventure. Je les considère même comme des moments de calme avant de m’élancer dans l’aventure.

2 – Réservation des nuitées :

C’est à partir de la validation définitive de la date de départ que je peux valider les différentes nuitées et les réserver. Généralement, j’identifie à l’avance plusieurs options d’Airbnb et réserve l’une de celles encore disponibles.

Plus d’un mois avant le départ

J’adresse à Pascal, le délégué national, mon inscription complète avec la feuille de route. Et reçois en retour mon carnet de route.

Dernier mois

C’est pour moi un mois de préparation logistique. Je révise totalement mon vélo. Je préfère le faire moi-même pour être autonome en cas de souci sur la route. J’en profite pour changer toutes les pièces d’usures qui arrivent en fin de vie chaîne, patins de frein, câbles de frein… Je le fais généralement en début de mois, pour pouvoir ensuite le tester dans différentes conditions et m’assurer que tout fonctionne. L’avant-dernière semaine, il est nettoyé, graissé et remisé pour le départ.

Le dernier mois, consiste aussi à compléter ou à renouveler mes équipements, mes barres de céréales qui pourront me permettre de remédier aux éventuelles hypoglycémies dans la diagonale du vide. J’en profite également pour acheter les aliments secs qui rejoindront mes « foodpouch » sur la première étape. La préparation des sacoches est plutôt réalisée la dernière semaine en fonction des prévisions météorologiques, car comme le veut le proverbe : « il n’y a pas de mauvaise météo, il n’y a que de mauvais équipements ! ». Il faut donc s’assurer de disposer des équipements nécessaires sans charger inutilement le vélo.

Dernière semaine

Comme pour toute épreuve ou aventure longue distance, je me repose. Il s’agit d’un repos total, sans vélo, ni effort physique. Chaque jour, je me couche de bonne heure, me lève tard, et je fais une sieste. L’objectif étant d’accumuler du sommeil, pour pouvoir ensuite dormir entre quatre à cinq heures par nuit. Parfois même moins, si je rencontre des soucis techniques en cours de route, comme sur ma diagonale Dunkerque – Perpignan. L’objectif de cette phase dite de « Sleep Banking » ou accumulation de sommeil, est atteint lorsque je n’arrive plus à dormir. Je suis alors prêt pour une longue phase où je pourrais réduire mon sommeil quotidien, voire suivant l’épreuve rouler les trente-six premières heures sans dormir.

  • La confrérie du Carroyer est un challenge cycliste proposé par le club Ultracycling Aventure de Caen, visant à créer le plus grand carroyé possible en parcourant des carrés de 1,6×1,6 km.